http://www.lavoixdunord.fr 24/09/2012
PAR STÉPHANIE FASQUELLE
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LE VISAGE DE L'ACTUALITÉ | Christine Vandromme est la nouvelle directrice de l'école Brunschvicg-Rousseau, à
Saint-Maurice-Pellevoisin. Le jour de la rentrée, son esprit était ici... et en Afrique. L'enseignante a travaillé cinq ans au lycée français de Bangui, en Centrafrique, ainsi que dans plusieurs écoles primaires locales. Expérience inoubliable, achevée en juillet dernier, et qui lui fait à présent porter un regard différent sur les écoles d'ici.
Dans la salle de classe transformée en bureau de la directrice et en salle des professeurs, Christine Vandromme déambule avec aisance entre la machine à café, le téléphone, le tableau d'emploi du temps et... la photocopieuse en panne. « Ils viennent réparer cet après-midi !
», lance-t-elle à une collègue dépitée. À l'heure de la récréation, les enseignantes viennent la voir pour un élève impoli, pour un autre qui devra partir plus tôt, pour lui piquer aussi le morceau de chocolat qu'elle avait l'intention de déguster avec son café.
Dans cette ambiance douce et rieuse, Christine Vandromme ne cache pas avoir toujours en elle, quelque part, les écoles de Bangui. Elle vient de passer cinq ans dans la capitale centrafricaine, dans la classe de CM2 du lycée français Charles-de-Gaulle. Son ordre de mission indiquant l'aide aux écoles locales, elle s'est aussi retrouvée dans une dizaine d'entre elles, à former les enseignants. Là-bas, rien à voir avec la confortable école de Pellevoisin. « Ils sont 100-150 par classe. Quand j'ai vu ça... » Sa voix claire se pose. «... J'ai eu l'impression d'un grand rien. Juste un entassement d'élèves, à six ou sept derrière des pupitres prévus pour deux. Et puis pas de matériel... » Il en fallait plus pour déstabiliser l'enseignante. Il faut dire que dans son parcours atypique, le mot « difficultés » a du sens. Celles des migrants, à qui elle a donné des cours d'alphabétisation à Malo-les-Bains, puis à Turin en Italie ; celles des jeunes de la Mission locale, où elle a été formatrice, du côté de Dunkerque ; celles des collégiens de la SEGPA dont la jeune professeur a eu à s'occuper, avant d'être titularisée dans une école de Grande-Synthe.
Il y a eu ses difficultés à elle aussi, en classe de CP, qu'elle a doublée. « J'étais un cancre !, confesse-t-elle en roulant des yeux de maîtresse pas contente. Je passais toujours de justesse. Difficultés de lecture, pas matheuse. Je n'ai aimé l'école qu'au CM2, grâce à mon maître. » De ces années de primaire, elle a retenu une chose : « J'arrive mieux que d'autres à me mettre à la place d'un élève en difficulté... » Ce qui lui sert aussi auprès des futurs enseignants. La directrice d'école est également formatrice IUFM.
Christine Vandromme aime décidément les défis. En 1998, partir à Mayotte, petite île de 375 km², pour coordonner la formation initiale des enseignants , l'a enthousiasmée. « C'était ma demande, j'avais envie d'aller voir ailleurs comment ça se passait. » Elle a découvert dans ce département d'outre-mer un niveau très bas, dû à une mauvaise maîtrise du français. Revenue en 2002 à Lille, à la tête de l'école Madame-Roland, elle a eu à nouveau envie de partir en 2007. L'envie d'explorer d'autres horizons scolaires était encore là. Elle avait postulé pour le Japon. Mari et enfants étaient partants. Mais le ministère l'a recalée pour son niveau d'anglais insuffisant. Ce soir-là, le téléphone a quand même sonné... mais pour la Centrafrique. « J'ai eu deux jours pour me décider ! » Sous la frange, le regard s'éclaire. « Petit conciliabule en famille. Et on s'est dit : on y va ! » Aucun regret. Là-bas, si la première impression a d'abord été « On est vraiment à l'étranger », le reste de l'aventure allait s'écrire sous des accents heureux. D'un côté des élèves binationaux, fils et filles de l'élite centrafricaine, des terminales à 12 élèves par classe. De l'autre, ces écoles de quartier modestes et attachantes.
Capter l'attention
« On a monté un projet d'écriture avec les écoliers africains, raconte-t-elle. C'était impossible de faire écrire tout le monde, mais sous la forme d'une dictée à l'adulte, des histoires sont nées. » Alors que dans ces classes surchargées, « on ne peut pas, comme ici, imaginer un individu dans un collectif », l'expérience a capté l'attention des enfants. « On a fait des livrets de lecture, je filmais beaucoup. C'est un travail impossible à évaluer, mais il a donné aux enfants envie de prendre la parole, ils ont appris à énoncer correctement des pensées. » Un vieux tableau, peu de craies, beaucoup d'enthousiasme. « Ici, c'est un peu du luxe », glisse-t-elle en regardant la pile de manuels sur la table. Toujours en elle, l'expérience l'a changée. Elle pourrait la rendre plus sévère avec les chanceux élèves français. Au contraire. « Si je veux qu'ils modifient leur vision du monde, ça doit venir doucement. Moi qui ai toujours été une enseignante sévère, je me sens à présent moins autoritaire. » Affirmation qu'elle résume dans un sourire.