La situation actuelle du régime KNK – BOZIZE ressemble étrangement
à celles de la fin de l’Empire romain et du naufrage du TITANIC.
En effet, plus la fin de l’Empire romain approchait, et plus on
festoyait et on organisait des jeux et des fêtes grandioses, comme si, inconsciemment, les Autorités se rendaient compte d’avoir conduit leur Peuple au bord du précipice, que leur chute ne
pouvait être que salvatrice, et qu’il convenait donc de fêter dans l’allégresse cette chute qui soulagerait le Peuple.
En ce qui concerne le TITANIC, chacun se rappelle que c’était un
luxueux paquebot transatlantique aux dimensions imposantes (271 mètres de long, 46000 tonnes), construit en 1911 et qui semblait d’une grande sécurité. Pourtant, dans la nuit du 14 au 15 Avril
1912, lors de son voyage inaugural vers l’Amérique, il avait heurté un iceberg au Sud de Terre Neuve et avait sombré, en faisant 1500 victimes.
Ce qui avait le plus frappé les esprits, outre le fait que ce
paquebot était particulièrement imposant comme était particulièrement important le nombre de victimes, c’était que, pendant que le paquebot s’enfonçait inexorablement dans le fond glacé de la mer
avec corps et biens, l’orchestre à bord continuait à jouer sur le pont comme si de rien n’était.
Comment ne pas faire de rapprochement avec la situation actuelle du
régime KNK – BOZIZE ?
N’ayant rien vu venir, le Président de la République a nommé des
généraux à tour de bras, non pas pour renforcer les capacités de l’Armée, mais pour les mettre financièrement à l’aise, et peut – être aussi pour leur enlever toute tentation de Coup d’Etat. Dans
la foulée, un festin gargantuesque a été organisé sur deux barges sur l’Oubangui, on ne sait en honneur de quel futile évènement, tout comme un anniversaire personnel a été fastueusement fêté
avec de gros cigares aux becs, le tout publié fièrement sur internet, « afin que nul n’ignore », comme disent les agents d’exécution et les huissiers de justice.
Or voici que, peu de temps après, 3 organisations rebelles
centrafricaines, regroupées dans une coalition dénommée SELEKA ont pris, presque sans coup férir, de nombreuses villes du Nord du Pays, entraînant la mort ou la disparition d’une quarantaine de
militaires des FACA (Forces Armées Centrafricaines) rien que pour la ville de Ndélé, et bien entendu la fuite en brousse des populations civiles, ainsi que des pillages pour la ville minière de
Bria. Le bilan pour cette ville et les autres, demeure inconnu.
Pourtant, les précédentes escarmouches avec les rébellions et les
nombreuses exactions commises par des coupeurs de route lourdement armés, notamment sur l’axe Damara – Sibut, puis jusqu’au PK 22, auraient dû mettre à la puce à l’oreille de la hiérarchie
militaire et du régime. Il n’en fut rien.
Selon le Ministre de l’Intérieur, les FACA ont opéré un repli
tactique, parce qu’ils ignorent le nombre des assaillants et leur armement ; comme si notre armée n’a pas de 2ème Bureau, dont le rôle consiste précisément à localiser l’ennemi, à
connaître son nombre, ses intentions et ses équipements, pour permettre à l’Etat – Major (curieusement dirigé par un intendant), de prendre des mesures préventives afin d’empêcher toute attaque
surprise ou d’y faire victorieusement face si elle est déclenchée.
Il faut croire que, du côté des rébellions, les Deuxièmes Bureaux
des trois composantes ont par contre bien fonctionné, à en juger par les résultats des combats et des « non-combats », certaines villes ayant été conquises sans combats.
Le Ministre Délégué à la Défense n’ose même plus publier un
communiqué selon lequel les FACA se sont lancées à la poursuite des assaillants, comme il nous en avait accoutumés. Il peut d’autant moins le faire que les 40 « disparus » de Ndélé
faisaient précisément partie des troupes envoyées en renfort pour poursuivre les assaillants. Certains généraux doivent regretter d’avoir été promus, craignant d’avoir à aller aux fronts pour
justifier la pertinence de leur promotion.
Quant au vrai Ministre de la Défense Nationale, qui continue
courageusement à se réfugier dans la personne du Président de la République, il garde prudemment un silence assourdissant.
Prenant astucieusement exemple sur le mouvement rebelle rwando –
congolais M 23 qui écume l’Est de la République Démocratique du Congo, les rebelles regroupés dans la coalition SELEKA ont fait leurs les revendications de l’opposition Démocratique, qu’ils ont
ajoutées à leurs propres revendications. Ils soutiennent que le Président BOZIZE n’a pas respecté ses engagements envers eux, tandis que celui – ci fait dire par le Ministre de l’Intérieur et par
divers canaux allant du KNK à des individus qu’il a parfaitement respecté ses engagements et a vainement tendu les bras aux rebelles.
L’épuisement des fonds destinés au programme DDR (Désarmement,
Démobilisation, Réinsertion) a créé un vide dans l’attente de la demande et de l’obtention de nouveaux fonds, vide dans lequel la violence s’est hélas engouffrée, comme je le craignais dans un
précédent article, lorsque le Président de la République avait publiquement annoncé cet épuisement.
En tout état de cause, quelles que soient les responsabilités de
part et d’autre, et quelle que soit sa position vis – à – vis du régime actuel ou de la rébellion, aucun Centrafricain ne peut se réjouir d’assister une fois de plus au fracas des armes, et
particulièrement à la fuite en brousse des innocentes populations civiles.
« Quand les éléphants se battent, c’est l’herbe qui
souffre », dit l’adage.
C’est pourquoi, à présent que la coalition Séléka continue à
occuper de nouvelles localités, que toute victoire militaire des FACA ne peut sérieusement être envisagée, pas plus que celle de la coalition du fait des pressions internationales et pour mettre
fin aux souffrances du Peuple, la seule voie qui s’offre est celle d’un cessez – le – feu immédiat et inconditionnel.
Il en résultera une partition de fait du pays, puisque la coalition
entend conserver les localités conquises, mais il faut espérer que cette partition ne sera que de très courte durée, le temps qu’aboutissent les discussions militaro – politiques.
Bien évidemment, dans de telles circonstances, tout projet de
modifier la Constitution pour rendre indéfini le nombre des mandats présidentiels doit être abandonné, tout comme doit être abandonnée l’idée saugrenue de créer un Sénat, alors qu’à notre grande
honte nous n’avons même pas les moyens de rebâtir de simples ponts dans notre capitale Bangui ex – la coquette.
Le Sénégal nous a pourtant montré la bonne voie, en supprimant son
Sénat pour consacrer le budget de feue cette Institution à des projets sociaux.
Certes Monsieur NGUENEBEM a démenti formellement
avoir été chargé par le Président de la République de mobiliser la jeunesse pour qu’elle demande « spontanément » une modification de la Constitution, mais il a précisé que le Président
de la République rempilerait volontiers si le Peuple le lui demandait.
Qui mobilisera le Peuple, et particulièrement la jeunesse pour
qu’ils fassent des marches « spontanées » à cette fin ? Même si, par des marches « spontanées », le Peuple demandait au Président de la République de modifier la
Constitution et de rempiler, ne devrait – il pas faire comme l’ancien Président du Mali Alpha Oumar KONARE qui, considérant que « les cimetières sont remplis de gens
indispensables », avait refusé de modifier la Constitution et de rempiler comme le lui demandaient ses chauds partisans par de nombreuses marches politiques ?
Du reste, il n’est actuellement pas possible de déposer devant
l’Assemblée Nationale un projet de loi de modification constitutionnelle, étant donné qu’il n’y a plus de Cour Constitutionnelle pour donner son avis préalable au dépôt du projet de loi. En
effet, le mandat de la précédente Cour Constitutionnelle a expiré sans qu’une nouvelle Cour Constitutionnelle n’ait été mise en place, du fait que le Président de la République et le Président de
l’Assemblée n’ont pas désigné leurs représentants.
Il semblerait que le Président de la République n’ait pas apprécié
la désignation de Madame DEMAFOUTH par l’Université. Il se proposerait donc de procéder à une manœuvre consistant à considérer la Constitution modifiée avec création du Sénat
comme une « nouvelle » Constitution, et à obliger subséquemment les autres entités à procéder à une nouvelle désignation de leurs représentants ; il se ferait fort d’obtenir que
l’Université élise un autre représentant en lieu et place de Madame DEMAFOUTH, tant il est vrai qu’il vaut mieux faire compliqué quand on peut faire simple.
Si le Président BOZIZE ne s’était pas refusé à
mettre en œuvre le dialogue dont il avait accepté le principe à la demande de l’opposition démocratique depuis le mois de Mai, et avait étendu ce dialogue aux rébellions encore actives, sans
doute n’en serions – nous pas aujourd’hui à voir crépiter les armes, à demander un cessez – le – feu et un dialogue.
Pourquoi ne l’avait – il pas fait ? Mystère ! Les
rébellions encore actives se sont – elles dit que « kobéla a yé ngangou yoro », pour venir « tirer les marrons du feu » de la lutte pacifique menée
par l’opposition démocratique et la société civile, comme le rebelle BOZIZE l’avait lui – même fait lors de l’agonie du régime MLPC – PATASSE ? Encore mystère !
Il va de soi que c’est en position de faiblesse que le Président
BOZIZE sera contraint de « subir » un dialogue qui lui sera à présent imposé par les armes, au lieu de « bénéficier » du dialogue qu’il aurait dû initier lui – même en période
de paix et qui l’aurait grandi.
Il va également de soi que le régime qui sortira du « Dialogue
imposé » qui se profile à l’horizon ne sera plus un régime KNK – BOZIZE, monocolore, prédateur du Trésor comme des droits de l’homme, faisant pousser des milliardaires comme des champignons
vénéneux sur du fumier après la pluie, un régime d’incurie nul de nullité absolue, comme disent les juristes par opposition à la nullité relative.
Les Romains disaient « si vis pacem, para bellum » (si tu
veux la paix, prépares la guerre), mais le Président BOZIZE aurait dû se dire « si tu ne veux pas la guerre, entretiens la paix ».
Comme il a coutume de le dire lui-même, les conséquences
instruisent mieux que les conseils.
Maître ZARAMBAUD Assingambi
Bangui, le 21 Décembre 2012