BANGUI 26 déc (Reuters) - Un ministre du gouvernement centrafricain a demandé mercredi l'intervention des soldats français stationnés dans le pays pour contrer la progression des rebelles venus du Nord, à présent signalés à 75 kilomètres de la capitale Bangui.
Parallèlement, François Hollande a ordonné la sécurisation des ressortissants français et de l'ambassade de France à Bangui, en réponse à l'attaque du bâtiment par des manifestants progouvernementaux.
Mercredi matin, des centaines de manifestants progouvernementaux ont jeté des pierres contre la mission française et déchiré le drapeau tricolore, dénonçant la passivité de Paris.
Les rebelles regroupés au sein de l'alliance Séléka ont conquis plusieurs villes ces dernières semaines en progressant vers le sud, où se trouve Bangui.
Séléka regroupe des combattants qui affirment que François Bozizé, élu président à deux reprises depuis un coup d'Etat réalisé en 2003, n'a pas respecté les termes d'un accord de paix datant de 2007.
Sur les ondes de Radio France Internationale (RFI), le ministre centrafricain de l'Administration du territoire, Josué Binoua, a appelé la France à intervenir.
"Nous attendons de la République française un secours, nous demandons à la communauté internationale (...) et au président François Hollande de voler au secours du peuple centrafricain", a-t-il déclaré en réponse à la question de savoir ce que Bangui attendait des quelque 250 militaires français stationnés à l'aéroport de Bangui dans le cadre de la mission Boali.
AUX PORTES DE BANGUI
Les rebelles ont pris mardi la ville de Kaga Bandoro, dans le centre du pays à 330 km au nord de la capitale, malgré la présence de soldats tchadiens censés soutenir les forces armées gouvernementales (FACA).
D'après un responsable militaire et un travailleur humanitaire, ils étaient en fin d'après-midi autour de Damara, à 75 km au nord de la capitale, après avoir contourné Sibut, où quelque 150 soldats tchadiens s'étaient déployés pour bloquer leur progression vers le sud.
"C'est vrai, ils sont aux portes de Bangui", a déclaré un responsable du gouvernement sous le sceau de l'anonymat.
Le colonel Djouma Narkoyo, porte-parole de l'alliance Séléka, a assuré néanmoins que les combattants n'entreraient pas, pour le moment, dans Bangui.
"Nous appelons (l'armée) à déposer les armes alors que (le président François) Bozizé a perdu toute légitimité et ne contrôle pas le pays", a-t-il déclaré.
Un responsable des Nations unies a par ailleurs annoncé que le personnel non essentiel de l'Onu allait être évacué en raison de la détérioration de la sécurité.
Le vol hebdomadaire d'Air France qui avait décollé mercredi de Paris pour Bangui a rebroussé chemin, a-t-on appris auprès de la compagnie. Le prochain vol d'Air France pour Bangui est prévu le 2 janvier.
DÉTACHEMENT FRANÇAIS
L'ambassade de France à Bangui a été attaquée à coups de pierres dans la matinée de mercredi par une centaine de personnes, dont certaines ont pénétré dans le jardin et déchiré le drapeau français.
Certains manifestants accusaient la France de soutenir la rébellion, tandis que d'autres demandaient à Paris d'envoyer des troupes pour appuyer l'armée fidèle au président François Bozizé.
Un petit groupe de manifestants, principalement des jeunes gens proches du parti gouvernemental, s'est également rassemblé devant l'ambassade des Etats-Unis et a jeté des pierres sur des véhicules.
"Suite à la manifestation qui a pris pour cible ce matin, sans raison connue, l'ambassade de France à Bangui, le président de la République a demandé au ministre de la Défense de prendre toutes les dispositions pour assurer la sécurité de l'enceinte diplomatique et la protection de nos ressortissants en lien avec les autorités centrafricaines", a indiqué l'Elysée en début de soirée.
"Intervenant en renfort des gendarmes français protégeant l'ambassade de France, ces forces sont parvenues à sécuriser l'emprise de l'ambassade et à rétablir le calme", a indiqué le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.
DIALOGUE POLITIQUE
Dans le cadre de la mission Boali, les quelque 250 militaires français basés à l'aéroport de Bangui assurent un soutien technique et opérationnel à la MICOPAX (Mission for the Consolidation of Peace in Central African Republic), sous mandat de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale, précise le ministère.
Le Quai d'Orsay estime à 1.200 le nombre de Français vivant en République centrafricaine, pour la plupart dans la capitale.
Le groupe nucléaire Areva est la principale entreprise d'exploitation minière du pays. Il exploite le gisement d'uranium de Bakouma, dans le sud.
Les soldats français conseillent l'armée en Centrafrique où Paris est intervenue par le passé pour faire ou défaire des gouvernements. Mais la France affiche aujourd'hui sa volonté d'éviter toute ingérence dans les affaires intérieures de ses anciennes colonies.
Interrogé sur la situation à Bangui, Vincent Floreani, porte-parole adjoint du Quai d'Orsay, a appelé au dialogue.
"Cette crise doit se régler par un dialogue politique. Nous soutenons que les pays de la région organisent un dialogue politique et nous soutenons ce processus", a-t-il déclaré.
A propos des manifestants qui s'en sont pris à l'ambassade, Vincent Floreani a déclaré que quelques-uns avaient "pénétré dans le jardin" en "sautant une barrière" et qu'ils avaient été "repoussés".
"Nous avons assisté à des scènes déplorables et inadmissibles sans la réaction des forces de l'ordre. C'est regrettable", a déclaré de son côté l'ambassadeur de France à Bangui Serge Mucceti.
Paul-Marin Ngoupana, avec David Lewis à Dakar et Leigh Thomas et Gérard Bon à Paris,; Julien Dury, Jean-Stéphane Brosse et Hélène Duvigneau pour le service français
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