Par Frédéric Couteau RFI LUNDI 31 DÉCEMBRE 2012
Le président centrafricain a dû lâcher du lest hier devant Boni Yayi, le chef de l’Etat béninois qui assure la présidence de l’Union africaine. C’est ce que relève le quotidien béninois La Nouvelle Tribune : « le président Bozizé a fait des propositions, écrit-il, de nature à décrisper la tension politique dans le pays : participation aux pourparlers de Libreville sans conditions préalables, formation d’un gouvernement d’union nationale, réaffirmation de sa volonté de ne pas se représenter à l’élection présidentielle de 2016. Cependant, note La Nouvelle Tribune, il est à craindre que ces concessions arrivent un peu trop tard. D’autant que les rebelles, confortés par la prise sans combat du dernier verrou de Sibut avant celui de Damara, montent les enchères et mettent maintenant dans la balance du dialogue, le départ du président Bozizé du pouvoir. »
Pour L’Observateur au Burkina Faso, « l’heure semble donc être au dialogue entre les hommes d’Eric Massi, en position de force, et un régime Bozizé aux abois. On imagine dès lors que c’est avec un soulagement teinté d’espoir que l’ancien homme fort de Bangui a accueilli hier son homologue béninois, parti jouer au négociateur. Mais encore faudra-t-il, tempère le quotidien burkinabè, que face à lui les rebelles soient encore disposés à transiger alors que, sur le terrain, le rapport de force est clairement en leur faveur ; cela, d’autant que dimanche, pour la première fois depuis leur dernière victoire, les croquants du moment n’excluaient pas la prise pure et simple de la capitale. » Toutefois, relève encore L’Observateur, « ce serait compter sans la détermination affichée des Etats d’Afrique centrale, dont la force de pacification régionale en Centrafrique est en alerte maximale à Damara, transformée en véritable ligne de démarcation. »
D’ailleurs, à ce propos, L’Observateur, quotidien de RDC cette fois, justifie et approuve la présence de soldats congolais au sein de la Fomac, la Force multinationale
d’Afrique centrale :« la présence à Bangui des troupes congolaises relève d’un devoir élémentaire de solidarité, affirme le
journal. Nous battre en Centrafrique n’est rien d’autre que nous battre pour les nôtres qui vivent là-bas, et qui
sont très nombreux, et aussi pour nos intérêts qui tardent à être développés de manière pérenne. Il est temps en effet, estime L’Observateur, que disparaisse de l’Afrique cette culture
fondée sur le recours au bazooka dès l’instant où l’on a échoué sur le plan de la palabre. »
Peut-il sauver sa tête ?
Pour autant, on voit mal les troupes internationales présentes en Centrafrique empêcher une éventuelle offensive des rebelles
sur Bangui… C’est ce que constate Le Pays au
Burkina : « la France qui a renforcé numériquement sa force présente en Centrafrique entend circonscrire son
intervention à la seule protection de ses ressortissants et de ses intérêts. C’est du moins ce qu’elle dit. La force de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale, qui est en réalité
le véritable obstacle, jusque-là, à la descente sur Bangui des rebelles, se contente aussi de s’interposer entre les forces ennemies. » Bref, relève le quotidien burkinabé, « aucune force étrangère n’est prête
à intervenir pour repousser ou neutraliser les insurgés. »
Alors, « Bozizé peut-il sauver sa
tête ? », s’interroge Le Pays. Le
Pays qui note que le président centrafricain a décidé, entre autres, hier, de ne pas se présenter à la présidentielle, à la fin de
son mandat en 2016. « La rébellion se contentera-t-elle de cette proposition ? Pas si
sûr », estime le journal. Et Le
Pays de conclure : « la meilleure solution dans le
cas de la RCA serait à coup sûr d’envisager la mise en place d’un pouvoir de transition qui ne serait conduit ni par Bozizé, ni par les rebelles. »
Un recul de l’Etat de droit ?
Il faut en effet « briser le cercle vicieux d’un
Etat mal gouverné », renchérit le site d’information Fasozine. « Gâté par dame nature qui a doté son sol de forêts et
son sous-sol de ressources minières très convoitées, ce pays n’a jamais eu la chance de tirer profit de ces richesses qui apparaissent plutôt comme la source de ses malheurs. Depuis le règne
ubuesque de l’empereur Jean Bedel Bokassa en passant par ceux de David Dako, André Kolingba et encore Ange-Félix Patassé, la Centrafrique, rappelle Fasozine, n’a pas réussi à prendre le train de la démocratie
ou tout au moins d’une gestion saine, paisible et génératrice de développement pour tous. Loin d’être une panacée, l’avancée de la rébellion Seleka constitue un recul de l’Etat de droit que le
général François Bozizé était censé instaurer dans ce pays. Les futurs nouveaux maîtres annoncés de Bangui feront-ils mieux ? », s’interroge le site d’information burkinabé.« Rien n’est moins sûr, répond-il. Il s’agit d’un coup d’arrêt qu’on peut se consoler de
qualifier peut-être de moindre mal ou de mal nécessaire. Ou plus franchement de cercle vicieux. »
Enfin, si la France a envoyé des renforts sur place, c’est uniquement pour mieux protéger ses ressortissants. C’est ce
qu’affirme Paris.
Pas si sûr, estime Le Figaro pour qui les autorités françaises redouteraient « un affrontement dans la capitale
centrafricaine. “Il serait alors difficile d’assister à un bain de sang sans tenter de calmer les
choses”, explique un bon connaisseur du dossier. Paris se défend d’avoir de telles intentions mais le soupçon
persiste », estime donc Le
Figaro qui rappelle que « la France, ancienne puissance
coloniale, fut longtemps la force qui faisait et défaisait les régimes à sa guise, et la Centrafrique, une sorte de caricature de la Françafrique. »