LE MONDE | 07.01.2013 à 11h39 Par Christophe Chatelot - Bangui, envoyé spécial
Aller à Libreville, pour quoi faire ? Une grande incertitude
planait encore, dimanche 6 janvier, sur la tenue et la teneur des discussions prévues trois jours plus tard dans la capitale gabonaise, organisées par la Communauté économique des Etats
d'Afrique centrale
pour tenter de mettre un terme à la crise
sécuritaire qui secoue la Centrafrique depuis un mois. Les délégations du pouvoir, de l'opposition démocratique
ainsi que celle de la rébellion de la Séléka, partie à l'assaut du pays depuis le 10 décembre 2012, étaient attendues, lundi 7 janvier, à Libreville. "Quel est le
cadre des discussions ? Quel est le calendrier ? On ne sait pas ce qui va se passer", confessait, samedi, un diplomate dubitatif.
Toutes les parties en présence semblent avoir accepté le principe de négociations sous des auspices internationaux. Pour des raisons différentes. La rébellion, groupement hétéroclite de mouvements politico-militaires aux objectifs incertains, y gagnerait une reconnaissance internationale. Le pouvoir, barricadé dans Bangui, gagnerait du temps face à un mouvement ayant conquis en quelques semaines les deux tiers du pays. Et l'opposition se prend à croire que cette situation pourrait lui permettre de se débarrasser d'un président affaibli et d'une majorité parlementaire issue d'élections hautement contestables en 2011.
Sauf que l'on voit mal comment rapprocher les points de vue. "Personne n'est prêt pour que Libreville soit une réunion constructive. Il faut des négociations, mais il y a trop de précipitation", s'inquiète Guy Samzun, le chef de la délégation de l'Union européenne en Centrafrique.
"METTRE SUR LA TABLE TOUS LES SUJETS, SANS TABOU"
Illustrant ces incertitudes, la délégation de la Séléka, qui devait partir dimanche pour Libreville, convoyée par la Fomac, les forces d'interposition régionales déployées en Centrafrique, est restée sur le tarmac de Bria, au centre du pays, en attendant un avion qui n'est jamais venu, bloqué à Bangui pour des raisons techniques, selon les explications officielles. "Mais, du coup, on ne sait plus très bien si la Séléka est encore décidée à aller à Libreville", se demandait un diplomate.
Sur le fond, la rébellion et l'opposition veulent profiter de Libreville pour "mettre sur la table tous les sujets, sans tabou", explique Martin Ziguélé, opposant et ancien premier ministre. Derrière cette formule se cache la question du départ de François Bozizé, trois ans avant la fin de son mandat. Elu au terme d'un scrutin, qualifié de "mascarade" par Martin Ziguélé, et affaibli par l'émergence d'un nouveau mouvement rebelle, le chef de l'Etat centrafricain peut sans doute compter sur le soutien de ses pairs de la région, congolais, gabonais et tchadien notamment. "Aujourd'hui, ils ne veulent pas cautionner le départ forcé d'un président par les armes, ce serait un précédent qui pourra inspirer des mouvements sur leur propre sol", explique un proche du dossier.
"La démission du président ? La dissolution de l'Assemblée ? C'est irrecevable", tranche Josué Binoua, ministre de l'administration du territoire. "On veut bien évaluer l'application de l'accord de paix de 2008 , mais nous avons fait ce que nous pouvions", ajoute-t-il. "Et de quoi discuter avec des gens qui ont raté leur coup d'Etat ?" Les discussions, si elles ont lieu, s'annoncent tendues.
Source : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/01/07/centrafrique-incertitudes-sur-la-tenue-des-negociations_1813501_3212.html
NDLR : La mauvaise gouvernance de Bozizé à l'origine de la crise actuelle ne se réduit pas seulement à la non application des multiples accords successivement signés par le gouvernement avec les multiples rébellions souvent dans des conditions opaques. La démission de Bozizé ainsi que la dissolution de l'assemblée nationale et du gouvernement Touadéra sont exigées et s'imposent en raison de ce que ces institutions sont l'émanation d'élections reconnues par tous comme étant frauduleuses, d'où le blocage actuel du pays qui est aussi une des motivations de Séléka. Si Bozizé et ses partisans estiment que ces exigences sont irrecevables, de quoi parlera-t-on à Libreville ?