Le sommet de Libreville au chevet de la République Centrafricaine a accouché d'accords plâtrés sur un énorme fond de désaccords. Ces accords ont été diversement
appréciés. Certains y voient les prémices d'une sortie de crise progressive. D'autres, plus réservés, pensent qu'on est pas encore sorti les prémices d'une
sortie de crise progressive. D'autres, plus réservés, pensent qu'on est pas encore sorti de l'auberge vu que les problèmes de fond n'ont pas été abordés.
Pour le Collectif Des Oubanguiens (CDO), les accords de Libreville étaient indispensables pour parer au plus pressé, à savoir, obtenir un cessez-le-feu, mais
maintenant il faut aller plus loin. Si nous émettons le souhait d'aller plus loin cela ne remet pas en cause la qualité des personnes qui ont fait le déplacement de Libreville. Il ne s'agit en
aucun cas pour le Collectif Des Oubanguiens de remettre en cause les grands hommes d'Etat de la sous-région CEEAC qui s'étaient mobilisés pour le Centrafrique notamment l'hôte le Président
Ali Bongo du Gabon, le médiateur le Président Dénis Sassou Nguésso du Congo, le Président Idriss Déby du Tchad et le Président
Téodoro Obiang Nguéma Mbasogo de la Guinée Équatoriale, qui ont accepté de faire le déplacement de Libreville. Loin de nous l'idée de refuser l'application des
différents points de l'accord. Mais nous nous permettons d'exprimer notre insatisfaction et nos propositions pour poursuivre et consolidera sortie de crise.
En effet, nul n'ignore que la République Centrafricaine est actuellement sur du sable mouvant. En tant que responsables politiques centrafricains, nous devons
nous poser les questions suivantes :
1) Est-ce que ces accords de Libreville peuvent-ils changer quelque chose ?
Sans aucun doute, le sommet de Libreville nous a permis d'éviter la bataille annoncée de Bangui. Nous ne souhaitons pas, et d'ailleurs personne ne le souhaite,
que le sang des innocents, celui du peuple, coule encore en République Centrafricaine. Mais qu'adviendra-t-il après l'expiration de la semaine de cessez-le-feu ? Est-ce que la nomination du
Premier Ministre de transition suffit à ramener le calme ? Est-ce que les rebelles ont compris qu'ils doivent déposer les armes ? A quelles conditions et comment doivent-ils déposer les armes ?
Quand et comment les mercenaires sud-africains et les soldats ougandais vont-ils quitter notre pays définitivement ? Autant de questions qui restent en suspens.
2) Les solutions proposées par le sommet de Libreville peuvent-elles changer la donne ?
Assurément NON ! Elles ne vont rien changer, car ces accords ne sont pas à la hauteur des enjeux centrafricains, ni aux attentes de nos partenaires sous
régionaux, panafricains, français, américains, du FMI, de la BM, de l'ONU, de l'Union Africaine, etc. Comme eux, nous en avons tous plus qu'assez de l'instabilité politique chronique
centrafricaine. C'est pourquoi il ne faut pas se satisfaire d'une solution au rabais, fade et insipide.
En considérant les rapports de force sur le terrain, on constate que le pays est occupé à 90% par des rébellions qui veulent en découdre avec le pouvoir de
Bozizé, un pouvoir basé uniquement à Bangui. C'est donc un fait objectif et avéré que le pouvoir et la crédibilité du Président de la République se sont totalement effondrés. Or,
le Président selon la Constitution -qui n'a pas été remise en cause à Libreville est le chef suprême des Armées. Les accords de Libreville ne lui permettent plus de cumuler les postes de
Président de la République et de Ministre de la défense. S'il conserve son siège de Président de la République, il ne peut pas démettre de sa fonction le futur Premier Ministre qu'il a
nommé. C'est ce qui explique en partie son hésitation à nommer un Premier Ministre.
Puisque le sommet de Libreville en a décidé ainsi, nous acceptons le principe selon lequel Bozizé reste Président de la République jusqu'à la fin
de son mandat en 2016. Nous sommes également favorables à la nomination d'un Premier Ministre de Transition disposant d'un pouvoir étendu. Nous acceptons aussi la dissolution de la Cour
Constitutionnelle et de l'Assemblée Nationale. Nous sommes favorables à la formation d'un gouvernement d'union nationale. Ces points constituent l'essentiel des accords a minima signés à
Libreville.
3) Pour un Dialogue Inter centrafricain Elargi (D.I.E)
Dans cette perspective et pour aller plus loin, nous proposons d'organiser très rapidement un Dialogue Inter centrafricain Élargi (D.I.E.) sur les questions de
fond centrafricains non encore résolues. Aussi, convient-il de choisir très vite et par consensus un médiateur qui aura pour mission d'organiser et diriger ce grand dialogue d'où émergera un
projet national de réconciliation et de reconstruction. Nous avons beaucoup de compatriotes capables de mener à bien une telle mission. Le projet national de réconciliation et de reconstruction
devrait contenir, entre autres, des garanties démocratiques inscrites dans une charte de valeurs telles que le respect des droits de l'homme et la dignité de la personne humaine. Dans cette
charte, il sera mentionné expressément des délits et des crimes à bannir notamment la vengeance, la corruption, la violence, les réprimandes de toutes sortes non justifiées ni méritées, les
brimades, l'intimidation, les enlèvements, les exécutions sommaires, les emprisonnements sans jugement, la violation des droits de la défense, la destruction des biens privés, les viols,
etc
.
Pour terminer notre réflexion, nous devons prendre le temps de nous parler entre Centrafricains. Au lieu de dire que «la durée de la transition est de 12 mois
éventuellement renouvelable» (cf. Les accords de Libreville), le Collectif des Oubanguiens propose qu'on fixe la durée de la transition à 3 ans. Ainsi, l'élection du nouveau président de la
République mettra fin à la transition politique.
On aura trois années pour débattre des problèmes et solutions de notre pays.
On aura trois années pour nous réconcilier, penser nos blessures, prendre en charge les victimes des hostilités (orphelins, veufs et veuves, celles et ceux qui
ont tout perdu leurs parents, les blessures physiques et psychologiques, etc.).
On aura trois années pour demander pardon par la vérité et la justice.
Ces trois années sont une vraie chance d'un nouveau départ pour la République Centrafricaine.
Ces trois années nous permettront de finir avec les régimes tyranniques, la prise de pouvoir par les armes, la série de mauvaise gouvernance qui sont les racines
du malheur centrafricain.
Ces trois années démontreront notre capacité d'anticiper et notre apport intrinsèque à l'universel en matière de résolutions des conflits, de sortie de
crise et notre ferme volonté d'être inscrits parmi les pays démocratiques du monde.
Le coordonnateur
du Collectif Des Oubanguiers (CDO)
Faustin ZAMETO MANDOKO
Paris, France.
Le Conseiller stratégique
Lionel SARAGA MORAIS
Paris, France.