(Cameroun-Info.Net 16/01/2013)
Le président camerounais a préféré se rendre en Suisse, plutôt qu'au sommet des chefs d'Etat pour résoudre les problèmes de son voisin.
La République Centrafricaine (RCA) est en proie depuis début décembre de l'année dernière, à une crise politico-militaire qui met aux prises une rébellion armée du nom de Seleka (alliance en
langue locale) et le gouvernement du président François Bozize au pouvoir à Bangui depuis une décennie.
Face à l'avancée des rebelles, qui contrôlent ce jour les 2/3 du pays et pointe à une centaine de kms de la capitale centrafricaine, les chefs d'Etats de la sous-région de la Communauté
économique des états de l'Afrique centrale (CEEAC) ont convoqué les belligérants et tous les acteurs politiques de la RCA pour se retrouver à Libreville, la capitale gabonaise, pour négocier une
paix.
A l'exception notable de Paul Biya du Cameroun dont le pays à lui seul pèse 40% du PIB de la sous-région, les autres chefs d'Etats ont répondu présents à l'invitation lancée par le président
gabonais Ali Bongo Ondimba, hôte du sommet. A Ndjaména quelques jours auparavant, le président du Cameroun a déjà brillé par son absence à la réunion convoquée d'urgence par le
président en exercice de la CEEAC, le Tchadien Idriss Deby Into.
Le jour où s'ouvraient les pourparlers de Libreville entre les différentes parties centrafricaines et à la veille du conclave des chefs d'États, Paul Biya a pris l'avion avec son épouse pour les
Bords du lac Léman en Suisse, boudant ostensiblement la réunion de crise de Libreville. Ce double camouflet diplomatique à ses pairs de la sous-région a soulevé dans la capitale gabonaise,
quelques interrogations osées et donné lieu à des commentaires peu amènes de la part des autorités centrafricaines sur l'attitude du chef de l'Etat camerounais.
Le 9 janvier 2013, sans nommer personne, le directeur général de la presse présidentielle de François Bozize, Zama Javan Papa, a très diplomatiquement «regretté l'absence de
certains chefs d'Etats (à Libreville) au moment où aucun effort n'est de trop pour résoudre la crise». Cependant que certains médias locaux à l'image du quotidien Le Démocrate, fustigeaient
«la dérobade de certains amis de Bozize»
Fragilisation
Selon des sources concordantes, le refus de Paul Biya de siéger à Libreville tient en partie aux mauvaises relations qu'entretiendraient, depuis «l'affaire
Ntsimi», Yaoundé et Bangui. Même si de source diplomatique à Yaoundé on affirme le contraire. «Les relations entre les deux pays sont bonnes et cordiales»,
affirme une source au ministère des Relations extérieures. On se souvient que le 21 mars 2011, le Camerounais Antoine Ntsimi, président de la Commission de la Cemac, avait été
refoulé sans ménagement de l'aéroport de Bangui Mpoko où il était arrivé par vol régulier de la compagnie Ethiopian airlines, sur ordre express du président François
Bozize.
Cette affaire, qui a jeté un froid dans les relations entre les deux pays, n'a été désamorcée que par un intense ballet diplomatique sous la médiation du président congolais, Denis Sassou
Nguesso, et l'abandon de son poste par le Camerounais quelques mois plus tard sur requête insistante de la partie centrafricaine. Paul Biya n'a toujours pas digéré cette
humiliation. Cette affaire s'est ajoutée à une atmosphère déjà viciée entre les deux pays, avec par exemple la fermeture de la frontière depuis 2008 entre les deux Etats au niveau de la ville
camerounaise de Gari-Gombo après des incursions de rebelles centrafricains à l'Est du Cameroun, avec notamment l'enlèvement des citoyens camerounais dans la région de Garoua-Boulai; toujours à
l'Est du pays au début novembre 2011. Selon nos informations, c'est sur demande expresse du chef de l'Etat gabonais que le président camerounais a envoyé 120 hommes de son armée sur la «ligne
rouge» de la ville centrafricaine de Damara dans le cadre du déploiement des forces d'interposition de la CEEAC, pour contenir les rebelles de la Seleka.
Le ressentiment envers François Yangouvonda Bozize tiendrait aussi, selon une source dans la capitale centrafricaine, aux choix diplomatiques régionaux de Bangui qui privilégie
les capitales tchadienne et gabonaise (Ndjamena et Libreville respectivement) pour la tenue des réunions de réconciliation inter centrafricaines. A Yaoundé, cela semble avoir été perçu comme une
«tentative de marginalisation de la diplomatie camerounaise, sous fond d'ingratitude et de rivalités sous-régionales», note le politologue Paul Séverin Matou
Djamen, enseignant de droit public dans une université de Douala.
Alphonse Sinkam | L'Actu
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