BANGUI (AFP) - 27.03.2013 18:52 - Par Patrick FORT - L'avocat centrafricain Nicolas
Tiangaye a été reconduit mercredi dans ses fonctions de Premier ministre par le nouvel homme fort de la Centrafrique, Michel Djotodia, trois jours après le renversement
par la rébellion du président François Bozizé.
L'avocat centrafricain Nicolas Tiangaye a été reconduit mercredi dans ses fonctions de Premier ministre par le nouvel homme fort
de la Centrafrique, Michel Djotodia, trois jours après le renversement par la rébellion du président François Bozizé.
"J'ai été reconduit Premier ministre, le décret a été signé", a annoncé à l'AFP Nicolas
Tiangaye. Il a promis qu'il composerait un nouveau gouvernement représentant toutes les tendances, "sur la base des accords politiques de Libreville".
L'avocat et ancien opposant dirigeait un gouvernement d'union nationale depuis seulement deux mois à Bangui, en application
de l'accord de paix signé le 11 janvier à Libreville, entre le camp du président Bozizé, la rébellion et l'opposition.
Arguant du non-respect de cet accord, les rebelles du Séléka ("alliance" en langue sango) avaient lancé en fin de semaine
dernière une nouvelle offensive éclair victorieuse, poussant le président au pouvoir depuis dix ans à fuir vers le Cameroun voisin.
Dès dimanche, le chef rebelle Michel Djotodia s'était posé en nouveau maître du pays. Cet ancien
fonctionnaire ayant basculé en 2005 dans la rébellion a déclaré lundi qu'il comptait diriger la Centrafrique pendant "trois ans", jusqu'à l'organisation d'élections.
Annonçant la suspension de la Constitution et la dissolution de l'Assemblée nationale, il a précisé qu'il allait à présent "légiférer par ordonnances".
Mercredi, le Premier ministre a lui-même a justifié cette situation, en jugeant "juridiquement
impossible" le maintien de la Constitution "avec la situation actuelle". "Bien entendu, il faudra y revenir dans trois ans", a-t-il dit.
Me Tiangaye a plaidé pour que la communauté internationale, qui a condamné le coup de force, continue
d'aider son pays, parmi les plus pauvres du monde malgré les richesses de son sous-sol encore inexploitées: "Sans la communauté internationale, nous ne pouvons pas nous en
sortir".
Mardi, Washington avait dénoncé "l'auto-proclamation comme président" de M.
Djotodia et qualifié "d'inacceptables" les nombreux pillages dans le pays.
Les Etats-Unis ont prévenu qu'ils pourraient geler près de 2,2 millions de dollars d'aide américaine, finançant notamment
l'entraînement de militaires centrafricains ou des programmes de lutte contre des trafics. L'aide humanitaire de 22 millions de dollars ne serait, en revanche, pas affectée.
La Centrafrique a aussi été évoquée mercredi au Vatican: le nouveau pape François a appelé à "un
arrêt immédiat des violences et pillages", mentionnant un conflit spécifique pour la première fois depuis son élection.
Priorité à "la sécurisation de Bangui"
Mercredi, à Bangui, l'électricité avait été rétablie et l'activité économique redémarrait lentement, même si les habitants
s'impatientaient devant les pénuries. Les taxis sont réapparus et la radio nationale a recommencé à émettre.
Les rebelles du Séléka, parmi lesquels des "enfants-soldats", patrouillaient toujours, mercredi, en
ville avec des membres de la Force multinationale d'Afrique centrale (Fomac).
"Nous sommes en train de procéder au casernement des gens du Séléka", a annoncé M.
Tiangaye. "Beaucoup de gens, des faux Séléka, circulent dans la ville terrorisant la population et puis les bandits s'y sont mêlés et donc, ça ne fait qu'aggraver la
situation", a-t-il assuré.
"Tous les hommes en armes ont jusqu'à 18H00 pour se faire identifier", a ensuite annoncé le
porte-parole du Séléka, Christophe Gazam Betty. "Tous ceux qui ne l'ont pas fait enfreindront la loi. Une loi qui sera appliquée sans ménagement",
a-t-il menacé, à la radio nationale.
Le bilan des violences n'a pu être établi depuis le coup de force. La Croix-Rouge a évoqué "un nombre important
de blessés et de morts".
François Bozizé, était lui-même arrivé au pouvoir par les armes en 2003. Le président déchu est actuellement
logé dans un grand hôtel de Yaoundé mais les autorités camerounaises souhaitent qu'il "parte le plus rapidement possible vers un autre pays".
Le reste de sa famille a été accueillie en République démocratique du Congo, "dans le cadre de l'hospitalité
africaine", a fait valoir mercredi à l'AFP le Premier ministre congolais Augustin Matata Ponyo. Parmi ces 28 personnes figurent deux des trois épouses du président
déchu, la troisième étant partie avec lui.
La Centrafrique, ancienne colonie française, n'a connu depuis son indépendance en 1960 qu'une série de coups d'Etat, scrutins
contestés, rébellions et mutineries.
Ce pays potentiellement riche (agriculture, forêt, uranium, diamants...), dont les cinq millions d'habitants restent
globalement très pauvres, est au 180ème rang sur 186, au classement des pays suivant l'Indice de développement humain défini par les Nations unies.
© 2013 AFP
À Bangui, le manque d'eau inquiète les ONG
Par Anne-Laure Frémont 27/03/2013 à 23:37
lefigaro.fr
INTERVIEW - Le chef de la mission française de MSF dans la capitale centrafricaine, Serge
Saint-Louis, craint que les capacités médicales soient bientôt insuffisantes, notamment suite aux pillages qui ont eu lieu ces derniers jours.
Les rebelles de la coalition Séléka, qui ont pris les commandes de la Centrafrique après être entrés dans la capitale samedi, ont ordonné ce mercredi à tous les «hommes en
armes» de se «faire identifier» pour tenter de mettre un terme aux pillages et à l'insécurité qui règnent à Bangui. Car, depuis plusieurs jours, cette
ville de moins de 1 million d'habitants vit dans la peur des violences. Serge Saint-Louis, chef de mission pour la section française de Médecins sans frontières (MSF) à Bangui,
témoigne.
LE FIGARO. - Comment votre organisation fait-elle face à la situation à Bangui?
Serge SAINT-LOUIS. - Trois sections de MSF - française, espagnole et hollandaise - sont présentes en
Centrafrique. Leurs équipes de coordination se trouvent à Bangui, mais nous n'avons normalement pas de projet dans la capitale. Depuis la semaine dernière, toutefois, une opération d'urgence de
sept personnes a été mise en place. Elle vient en appui à l'hôpital communautaire, le seul hôpital fonctionnel aujourd'hui dans la capitale. Car, dans les autres, le personnel n'est pas de
retour, et l'approvisionnement en médicaments fait défaut. L'électricité revient tout juste mercredi matin dans la plupart des quartiers. Mais l'eau manque encore, ce qui complique le travail des
secours.
Les pillages ont-ils affaibli vos capacités?
Deux des trois bureaux de MSF ont été victimes de pillages entre samedi et dimanche. Depuis lundi, on évalue le matériel
volé. Les rebelles nous ont confisqué un grand nombre de véhicules, que l'on tente aujourd'hui de récupérer. Il y a aussi eu de la part des pilleurs - des civils ou des miliciens - des vols de
meubles, de télévisions, d'effets personnels, même de cadres de fenêtres. Cependant, il n'y a eu aucune violence physique envers les expatriés.
Pouvez-vous vous déplacer librement?
Après l'entrée de la Séléka en ville samedi, Bangui ressemblait dimanche à une ville sous occupation. Les gens restaient
terrés chez eux, personne ne bougeait, hormis les véhicules des miliciens qui roulaient à toute allure en tirant en l'air. C'était le chaos, avec les pillages, l'électricité coupée. Depuis lundi,
on recommence à se déplacer plus librement, même si on ne peut pas encore se rendre partout.
Les éléments de la Séléka sont présents aux intersections, devant les bâtiments importants. Quant à l'armée centrafricaine,
elle n'est plus présente dans la capitale. Beaucoup de ses membres ont quitté l'uniforme pour fuir dans les quartiers.
La ville parvient-elle à gérer l'afflux de blessés?
Depuis les premiers combats jusqu'à ce mercredi matin, l'hôpital communautaire, qui a reçu 95% des blessés, en a soigné plus
de 160, la plupart ayant reçu des balles. La confusion a régné pendant des jours, il est trop tôt pour faire un bilan des victimes, mais je pense qu'elles se comptent par dizaines.
Avez-vous eu des contacts avec les membres de la Séléka?
MSF travaille depuis des années en Centrafrique, nous étions donc déjà en contact avec la Séléka. Cela fait partie de notre
travail de nous présenter à tous les acteurs. Nous avons donc rencontré les nouvelles autorités pour réaffirmer les principes de l'organisation: ceux du libre accès aux services médicaux. Ils ne
semblent pas vouloir entraver notre travail.
Comment voyez-vous la suite des événements?
La vie va reprendre son cours, mais à quelle vitesse? Cette question nous inquiète. Cela va être difficile pour les ONG, les
commerçants, les plus pauvres, avec tous les pillages et les dommages causés. Si le chômage augmente encore, cela peut créer des tensions. Notre grande peur est le manque d'eau, qui pourrait
entraîner des problèmes épidémiques, surtout dans une ville où les déplacés commencent à revenir.
Centrafrique: "Les hommes en armes" doivent "se
faire identifier" avant 18h
AFP - le 27/03/2013 à 14:59
"Tous les hommes en armes" doivent "se faire identifier", a annoncé mercredi le ministre de la
Communication centrafricain et porte-parole du Séléka Christophe Gazam Betty, pour tenter de mettre un terme à la situation d'insécurité à Bangui.
"Tous les hommes en armes ont jusqu'à 18h pour se faire identifier" sur deux sites
militaires. "Il leur sera délivré un badge d'identification. Tous ceux qui ne l'ont pas fait enfreindront la loi. Une loi qui sera appliquée sans ménagement", a annoncé
M. Gazam Betty à la radio nationale, alors que des pillages ont lieu dans la capitale centrafricaine depuis la prise de pouvoir de la rébellion dimanche.
Source :
http://www.lepoint.fr/monde/centrafrique-les-hommes-en-armes-doivent-se-faire-identifier-avant-18h-27-03-2013-1646642_24.php