Le Conseil de sécurité sous présidence togolaise a examiné ce matin la situation en République centrafricaine (RCA). Les quinze ont entendu la déclaration du Premier Ministre centrafricain, Nicolas Tiangaye qui, après avoir rendu hommage aux efforts et au soutien de l'ONU dans son pays, a reconnu que le rapport du Secrétaire général décrit réellement le drame qui prévaut en République centrafricaine. Afin de mettre fin à cette situation jugée chaotique, il a exhorté le Conseil de sécurité à se saisir du dossier de la RCA, de l'inscrire à son ordre du jour et que ce ne soit plus une crise oubliée.
“Face à la liquéfaction de l'armée et pour sauver la population en grande détresse, et avant l'indispensable déploiement des forces de la MICOPAX de 2 000 hommes dont nous souhaitons l'ouverture aux autres États non membres de l'espace CEEAC, nous demandons à la France, bénéficiant d'un mandat clair des Nations Unies, d'intervenir en procédant par la force au désarmement des éléments de la Séléka. Le peuple centrafricain qui souffre en ce moment des exactions de la Séléka, en a grandement besoin”, a déclaré le Premier Ministre. Pour ce faire, il a expressément demandé le soutien financier de l'Union européenne et de l'Union africaine.
Le chef du gouvernement centrafricain a rappelé le fait que la ville de Bangui a connu à partir du 24 mars et pendant trois semaines des violences et des tirs à l'arme lourde imputables à la Séléka. Il a évoqué le pillage systématique des administrations, des entreprises, des ONG et des institutions religieuses, estimant que cela met en péril l'Accord de Libreville et les autres accords conclus. Sur le plan institutionnel, il a indiqué qu'il y aura prochainement la mise en œuvre d'un gouvernement d'union nationale. Il a aussi annoncé la modification prochaine du Bureau du Conseil national de transition
Nicolas Tiangaye a par ailleurs déploré l'effondrement de l'État et la disparition des forces de défense et de sécurité, et l'anarchie ainsi engendrée avec son lot de violences, de viols, de tortures, de pillages des biens publics et privés, par des éléments de la Séléka et d'autres groupes incontrôlés, regrettant aussi au passage que l'ONU n'ait pas été épargnée. Il a également fait observer qu'en dehors de Bangui, la situation continue de se dégrader et que les pillages sont largement menés en fonction des appartenances tribales et religieuses.
Auparavant, les quinze avaient entendu Margaret Vogt, la Représentante spéciale de l'ONU. La Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA), après avoir souligné les nombreuses attentes suscitées par cette réunion du Conseil, a réaffirmé que seuls les Accords de Libreville peuvent servir de base juridique à la transition.
Présentant le rapport du Secrétaire général, Margaret Vogt a mis en avant l'anarchie et les représailles sur les civils innocents. Évoquant la dégradation de la sécurité, des droits de l'homme et de la situation humanitaire, elle s'est dite alarmée par l'augmentation de l'insécurité alimentaire. Elle a aussi insisté sur les implications régionales de la crise en Afrique centrale. Selon la Représentante spéciale, la rébellion Séléka a créé un vide sécuritaire et l'on assiste à une véritable ruée vers les ressources naturelles notamment le diamant et l'or.
Pour Margaret Vogt, il importe de procéder à la restauration d'un régime démocratique en RCA. Pour cela il faut arriver à une cessation des hostilités et à un retour à l'ordre constitutionnel, en confiant l'exercice du pouvoir au Premier Ministre. Il est également nécessaire que les arrangements transitoires ne durent pas plus de deux ans et que les leaders de la transition ne puissent être candidats aux élections qui seront ultérieurement organisées.
La Représentante spéciale a également regretté que le Président autoproclamé, Michel Djotodia, ait procédé par décrets. Elle a déploré, que la Séléka ait détruit la plupart des infrastructures administratives et judiciaires, notamment les cours et tribunaux et les dossiers de l'état-civil indispensables pour établir les listes électorales et, partant, organiser les prochains scrutins. Elle a elle aussi noté la désintégration quasi-totale des forces de gendarmerie, de police et de l'armée.
Abordant la question des droits de l'homme, elle a fait valoir que du Secrétaire général au Haut Commissaire Navi Pillay, en passant par les rapporteurs spéciaux, nombre de hauts responsables de l'ONU et de personnalités ont condamné les exactions et violences. De son côté, la Cour pénale internationale (CPI) observe de près la situation et la Procureure a envoyé des messages clairs et fermes indiquant que les abus doivent cesser maintenant et que leurs auteurs auront à répondre de leurs actes.
Margaret Vogt a aussi indiqué l'ampleur de la dégradation de la situation humanitaire en précisant qu'aux 173 000 personnes déplacés enregistrées en 2012, sont venus s'ajouter depuis le début de l'année, plus de 45 000 Centrafricains réfugiés dans les pays voisins. Tout en rappelant la situation préoccupante qui prévaut à Bangui, où se trouve un tiers de la population du pays, soit 1,5 million de personne sur 4,5 millions, la Représentante spéciale a insisté sur le fait que les activités se sécurisation ne devront pas se limiter à la capitale.
Dans son rapport, publié au début du mois, le Secrétaire général qualifie d'effroyable et d'intolérable la situation en République centrafricaine. Selon lui, la communauté internationale doit envoyer un message fort aux chefs de la Séléka pour leur signifier que les meurtres, les pillages et le renversement inconstitutionnel du Gouvernement ne resteront pas impunis.
Ban Ki-moon se félicite de l'issue du sommet de la Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC) qui s'est tenu à N'Djamena, le 18 avril 2013 et déclare soutenir sans réserve la feuille de route adoptée par le Sommet, qui prévoit la constitution d'un Conseil national de transition plus large, plus représentatif et plus ouvert. Le Secrétaire général demande instamment que le Conseil soit entièrement remanié dans le cadre d'un processus de consultations ouvert et transparent afin d'en faire un organe plus crédible et plus représentatif de l'équilibre entre les sexes.
Les dirigeants de la CEEAC réunis à N'Djamena ont convenu de porter de 700 à 2 000 le nombre de soldats au sol. Ban Ki-moon préconise vivement que ce renforcement se fasse rapidement pour commencer à restaurer la stabilité dans le pays, tout en veillant à une répartition adéquate entre pays contributeurs de contingents.
es autorités gouvernementales ont entamé des discussions préliminaires avec des responsables de l'ONU quant à la possibilité de déployer une force de maintien de la paix en République centrafricaine, mais bon nombre de questions devront encore être réglées avant d'en arriver là. Dans l'intervalle, le Secrétaire général prie instamment le Conseil d'envisager de prendre des mesures à court terme susceptibles d'améliorer immédiatement la situation, comme la fourniture d'un appui à la Mission de consolidation de la paix en Afrique centrale (MICOPAX), sous la forme de conseils et de financements, ou l'assignation d'un mandat à d'autres forces pour leur demander de jouer un rôle stabilisateur.
A noter que le Conseil de sécurité a également entendu l'intervention du Représentant permanent du Tchad auprès des Nations Unies, Ahmad Allam-Mi, qui intervenait au nom de la CEEAC.
(Extrait sonore : Nicolas Tiangaye, Premier Ministre de la République centrafricaine)