http://www.huffingtonpost.fr Publication: 17/01/2014 18h37
Abdoulaye mar Dieye Directeur du Bureau Afrique du Programme des Nations Unies pour le développement
L'Union européenne et les Nations Unies co-président ce lundi une conférence des pays donateurs sur la République centrafricaine, visant à mobiliser des fonds pour fournir au pays une assistance humanitaire immédiate.
Les violences sectaires en Centrafrique ont fait un million de déplacés et l'on estime que 2,2 millions de personnes, soit la moitié de la population, ont besoin de cette assistance.
Les approvisionnements destinés aux cliniques et aux hôpitaux ont été interrompus et de nombreuses infrastructures publiques, telles les écoles et les administrations publiques, entièrement détruites. Une crise alimentaire est désormais en train de se profiler. Selon l'ONU, 94 pourcent des communautés affirment qu'elles ne disposent pas d'assez de semences pour la prochaine récolte.
Bien qu'il soit essentiel de satisfaire les besoins humanitaires des populations, la communauté internationale doit impérativement s'attaquer aux problèmes de développement qui ont provoqué le conflit. Si tel n'était pas le cas, une nouvelle crise pourrait se reproduire.
Il est donc extrêmement important que l'action humanitaire s'inscrive dans une perspective plus vaste, visant à remettre le pays sur la voie d'un développement robuste.
La crise qui sévit en Centrafrique est le résultat d'un échec de l'Etat et de la classe politique et résulte d'une pauvreté chronique et d'une anarchie totale, auxquels il faut ajouter des décennies de sous-investissement en matière de services sociaux et de développement économique.
Environ 63 pourcent de la population vit sous le seuil de la pauvreté, tandis que les inégalités et la lutte pour le pouvoir et les ressources économiques, alimentées aujourd'hui par les divisions religieuses, sont au cœur du conflit.
Les différentes administrations ayant été incapables de faire respecter l'Etat de droit, ce sont les femmes, les enfants et les autres groupes vulnérables qui sont les premiers à souffrir. De même, puisque les populations n'ont pas été impliquées dans le développement local, la violence est perçue par certains groupes comme la seule issue.
Lorsque le conflit armé se sera apaisé, toute notre attention doit se concentrer sur la reconstruction des infrastructures telles les cliniques, routes, ponts, et réservoirs d'eau. Dans cette optique, les travaux publics pourront constituer une importante source de revenu pour les femmes et les hommes.
De telles initiatives pourront non seulement contribuer à restaurer la confiance parmi les communautés locales, par-delà les divisions ethniques et religieuses, mais elles permettront également de réhabiliter les administrations locales.
Il va de soi qu'il faudra s'attacher à refaire tout un travail de plaidoyer et de sensibilisation pour faire promouvoir les Droits humains et reculer la violence faites aux femmes. Le dialogue et la réconciliation, la médiation des disputes et le soutien judiciaire et sécuritaire auprès des victimes auront un rôle important à jouer pour le relèvement des communautés.
Sur le moyen terme, parce que la faiblesse des institutions de gouvernance, à laquelle s'ajoute à l'heure actuelle un vide total de pouvoir, est au cœur du problème, il faudra investir dans les capacités de l'Etat à distribuer des services de base. C'est particulièrement le cas dans les zones rurales ou l'Etat est souvent totalement absent.
Ainsi, il faudra tâcher de recréer des instances de justice, et créer une police et une gendarmerie capables de poursuivre les crimes et de faire appliquer les peines. Ces investissements sont d'autant plus importants que la Centrafrique organisera prochainement des élections.
Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a travaillé avec la communauté internationale et les acteurs nationaux pour créer une feuille de route sur la Centrafrique et soutiendra la stabilisation du pays en mettant en place, en plusieurs phases, un programme de sécurité communautaire, de création de moyens de subsistance, de cohésion sociale et de réconciliation.
La réunion de Bruxelles présente une chance unique : celle d'ouvrir un dialogue visant à éliminer à terme le besoin d'une aide humanitaire. Si nous saisissons cette opportunité, la Centrafrique pourra envisager de mettre son passé derrière elle et de progresser vers le développement.