CONFERENCE DE PRESSE
DU GENERAL MOHAMED MOUSSA DHAFFANE,
ANCIEN MINISTRE D’ETAT,
2ème VICE-PRESIDENT DE LA SELEKA
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PROPOS LIMINAIRE
De prime abord, je voudrais saluer la mémoire des soldats Sangaris et MISCA morts dans l’exécution de leur mission de sécurisation de la Centrafrique. Ils sont morts pour notre patrie, ils ont mené notre combat. J’adresse nos sincères condoléances à chacun de leurs pays et à leurs familles respectives. Je n’oublie pas les victimes Centrafricaines, j’adresse à leurs familles nos condoléances les plus attristées, ainsi qu’aux familles des victimes des expatriés qui vivaient chez nous, paisiblement, et qui sont morts chez nous par notre faute.
Aujourd’hui cette conférence de presse se tient dans un contexte particulièrement dramatique car d’aucuns n’ignorent l’ampleur sans précédent des crimes odieux et autres violations des droits humains ces derniers temps.
Tout ceci malgré les inlassables efforts de la Communauté Internationale sensibilisée et mobilisée par la remarquable détermination du Président Français, François Hollande, ainsi que les efforts de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) mise en orbite par l’initiative salutaire du Président Tchadien, Idriss Déby Itno, Président en exercice de la CEEAC, et de l’infatigable Haut Médiateur dans la crise Centrafricaine, le Président Denis Sassou Nguesso du Congo. Je n’oublie pas les pays amis et frères, les hommes et les femmes de bonne volonté, qui contribuent à la résolution pacifique et durable de la crise. Que tous ces intervenants trouvent ici, par ma bouche, l’assurance de nos sentiments de respect et de reconnaissance pour tous leurs efforts multiformes. Le Peuple centrafricain n’oubliera jamais cette assistance combien indispensable pour sa survie.
Qu’il me soit aussi permit d’adresser des hommages appuyés aux combattants de la Séléka qui, malgré les difficiles conditions de cantonnement, ont fait preuve de patience, de discipline et de courage exemplaires. Ils ont plusieurs fois été poussés à la faute, incités à la confrontation, mais ils ont résisté à la tentation, ils n’ont pas cédé un seul instant à la provocation. Je voudrais leur dire tout simplement : merci ! Merci d’avoir exécuté l’ordre donné.
Nous avons contenu notre colère pour sauver notre pays des démons de la division. Parce que la violence engendre la violence, nous avons évité la vengeance. Cependant, la justice, dès à présent, doit commencer à rechercher, arrêter, juger et condamner tous les coupables de crimes graves. Des criminels, il y’en a eu. La Séléka est une coalition de plusieurs tendances.
Il n’est un secret pour personne que lorsque je lançai Séléka en août 2012, je portais dans cette dénomination un projet politique républicain de Bonne gouvernance pour un développement économique durable. Malheureusement, cet outil de travail a été détourné à des fins autres que l’intérêt général pour lequel nous sous sommes engagés. J’ai été roulé dans la farine. J’ai été trahi, honni et au final, le 29 juin 2013, jeté comme un objet après usage.
Que cela ne surprenne personne que ce soit moi, deuxième Vice-président de la Séléka, qui condamne aujourd’hui, devant le monde et devant l’Histoire, avec la plus grande fermeté toutes les exactions et autres crimes odieux perpétrés par une partie de la Séléka. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois, puisque, très tôt déjà, je m’étais insurgé contre cette mauvaise manière de servir la République. Et lorsque mes injonctions à l’intérieur ne produisaient pas l’effet attendu, j’ai haussé le ton en appelant à un dialogue inter Séléka pour arrêter la dérive. Cette démarche a été matérialisée par un mémorandum que j’ai initié et rendu public le 27 juin 2013.
Et ce sont les crimes du 28 juin 2013 au quartier Gobongo qui avaient été pour moi la dernière qui a débordé le vase. Alors, par devoir envers le Peuple centrafricain et par fidélité à mon idéal de la Séléka, j’ai donné une interview sur RFI pour prendre position de condamnation et de démarcage vis-à-vis de ces pratiques répréhensibles et inacceptables. Pour cela, j’ai été arbitrairement mis aux arrêts, immédiatement limogé de manière irrégulière, puis incarcéré pendant 6 mois et 6 jours avec mon petit frère.
Tout cela, parce qu’une sorte de mafia s’était constituée à l’intérieur de la Séléka. Et c’est ce groupe-là qui a déçu l’espoir du Peuple centrafricain quand on sait que l’euphorie et l’enthousiasme des populations, dès les premières heures de l’arrivée au pouvoir de la Séléka, se sont transformés très vite en un regret amer. Ne pas reconnaître ce qui s’est passé, c’est manquer de respect au Peuple centrafricain, et aux nombreuses familles victimes directes ou indirectes des actions négatives de ce groupuscule.
C’est en toute responsabilité que j’ai décidé de dire ce que je pense, car la Centrafrique, notre pays, court le risque de disparaître structurellement en tant qu’Etat si nous ne prenons pas garde dès maintenant, sans tarder. C’est pourquoi, il faut renforcer les capacités opérationnelles des forces internationales en mission dans notre pays.
L’accession de la Séléka au pouvoir est due à la faute de François Bozizé qui s’était entêté malgré le sens élevé de la solidarité africaine et surtout l’implication personnelle des Chefs d’Etats de la CEEAC à travers les Accords de Libreville du 11 Janvier 2013.
En venant au pouvoir, nous étions engagés dans la dynamique républicaine, celle de créer les conditions idoines pour un développement harmonieux de la Nation centrafricaine. Notre vision est celle d’une société représentative et inclusive de la diversité. Malheureusement, au sommet de l’Etat, nombre d’engagements pris ont cédé le pas à des intrigues ayant favorisé des enrichissements illicites personnels.
C’est dire qu’en réalité, l’exercice du pouvoir de l’Etat a échappé à bon nombre d’entre nous. Les principaux responsables n’ont pas su garder un cap fédérateur de la coalition au pouvoir et aussi des forces vives de la Nation.
Aussi, faut-il le souligner, les effets néfastes des actions de ceux qui ont perdu le pouvoir avec à leur tête François Bozizé et son bras armé que sont les Anti-Balakas, forme contractée de ANTI BALLE AK 47, ont ébranlé le fondement de l’Unité nationale.
Il est clair que cette nébuleuse faussement présentée comme une résistance populaire, est coordonnée par des psychopathes qui pensent qu’ils sont une race supérieure aux autres Composantes de la Nation centrafricaine. Nous avons vu ce dont ils sont capables en matière de cruauté, de barbarie et de violence : les meurtres à la machette, la décapitation, l’anthropophagie, les tueries ciblées et massives, les actes de génocide, l’islamophobie, l’aliénation des jeunes par des moyens de dépendance à la drogue en vue de perpétrer les crimes programmés, etc.
Aujourd’hui, suite à ce terrorisme clanique, les recettes de l’Etat ont dégringolé. Puisque la plupart des opérateurs économiques qui contribuent par leurs recettes au bon fonctionnement de l’Etat et les éleveurs Peuls sont tous des musulmans. Ayant peur pour leur vie, ils sont partis se mettre en sécurité sous d’autres cieux.
S’il n’y avait pas eu une branche modérée qui n’a eu pour objectif que le départ de Michel Djotodia du pouvoir de l’Etat, j’aurai continué à faire la guerre aux principaux responsables de ces crimes odieux. Mais l’Accord politique de Ndjamena nous a obligés à cesser toutes représailles, afin de ramener la paix.
Vous comprendrez que le dernier sommet CEEAC de Ndjamena devait avoir l’avantage de minimiser la spirale de la violence si non de la stopper définitivement. Malheureusement, la réalité donne une nouvelle contradiction, car la démission de l’ancien Chef d’Etat de Transition, Michel Djotodia, a été négociée et obtenue grâce à un accord politique portant sur la gestion du pouvoir de l’Etat et le choix des dirigeants de la nouvelle transition. Une fois de plus, malgré notre insistance, ces engagements de haut niveau n’ont pas été respectés. Un mauvais départ a été donc constaté.
Toutefois, nous croyons fermement à un succès de la Transition, mais à la condition que cette transition se consacre aux priorités suivantes :
- Le retour de la sécurité avec l’implication des vrais acteurs aux côtés de la Communauté Internationale,
- Le refus du communautarisme dans la perspective de la consolidation de l’Unité nationale, de l’indivisibilité du Territoire national, et
- L’amorce d’un processus véritable de réconciliation nationale.
Pour ce faire, il faut réorienter la Transition en tenant compte de l’Accord de Ndjamena suite à la démission de Michel Djotodia. C’est cet Accord qui constitue le fondement, le socle de l’actuelle transition.
Il ne faudra pas perdre de vue que nous sommes dans une crise non seulement militaire mais aussi et surtout politique. Il faut donc une solution politique. Le DDR est un processus irréversible.
Nous avons l’obligation de sauver l’Unité nationale.
Je vous remercie.