par RFI 01-04-2014 à 22:55
Patrice Ngaïssona est à la tête de la Coordination des combattants pour la paix en Centrafrique, autrement dit l'aile des anti-balaka qui n'est pas représentée au sein du gouvernement. Cette aile constitue, d'après lui, l'essentiel des mouvements qui contrôlent le sud du pays, et sans dialogue avec cette coordination, il estime que la paix ne sera pas possible. Patrice Ngaïssona répond aux questions de RFI.
RFI : Votre coordination et vos mouvements anti-balaka contrôlent une grande partie de la ville. Qu’est-ce que vous attendez du gouvernement et de la présidente ?
Patrice Ngaïssona : Les anti-balaka contrôlent presque tout le pays, Bangui et l’arrière-pays. Ce mouvement, qui a vu le jour depuis l’attaque du 5 décembre à Bangui, attend aujourd’hui du gouvernement centrafricain une reconnaissance nationale de l’acte de bravoure de ces enfants et qu’il tende la main au dialogue parce que les anti-balaka, à partir d’aujourd’hui, ont décidé de ne plus continuer les hostilités. Depuis lors, on attend du gouvernement qu’il fasse un geste pour qu’on puisse dialoguer et arrêter définitivement ces hostilités et aller dans l’arrière-pays sensibiliser les enfants à déposer les armes et qu’ils puissent ensuite reprendre leurs activités normales. En effet, les activités sont complètement paralysées en République centrafricaine.
Mais le gouvernement, jusqu’à présent, n’a pas répondu à votre appel.
Le gouvernement a peut-être son agenda chargé. Mais la paix n’a pas de prix et nous, nous essayons toujours de continuer à tendre la main, à demander au gouvernement d’aller rapidement au dialogue pour essayer de tourner la page et voir le développement de notre pays devant nous.
Une partie des anti-balaka sont représentés au gouvernement. C’est l’aile de Monsieur Joachim Kokaté, une aile que vous ne reconnaissez pas. Selon vous, est-ce qu’il faudrait que des gens de votre coordination entrent, eux aussi, au gouvernement ?
Je ne fais pas attention à ce qui se dit de Joachim Kokaté, qui est toujours un cavalier. Il change d’avis selon les nécessités. Les anti-balaka n’ont pas deux entités. Les anti-balaka que je coordonne sont un seul et même mouvement qui est réparti sur toute l’étendue du territoire. Quand je donne l’ordre à ces enfants, je pense que c’est immédiatement suivi d’effet. Donc, si on veut que la paix revienne définitivement dans ce pays, il faut dialoguer avec la coordination - son staff - pour qu’il y ait la paix définitive en République centrafricaine.
D’une certaine façon, c’est vous qui avez les clefs de la paix et de la réconciliation entre les mains ?
C’est entre les mains des anti-balaka et du gouvernement. Ce n’est pas seulement les anti-balaka. Si on veut que la paix arrive, je pense que nous avons besoin de toutes les entités, que ce soit ex-Seleka, gouvernement, anti-balaka et même la force internationale pour le maintien de la paix, pour qu’il y ait rapidement un dialogue et puis la pacification du pays.
Quand ce dialogue va démarrer, quelles seront vos conditions et vos exigences ?
Faire partir les mercenaires. Le gouvernement doit respecter au moins ces enfant, désarmer complètement le Kilomètre 5 et il faut que les Boko-Haram qui se trouvent aujourd’hui dans cet arrondissement le quittent. On demandera aussi, peut-être au niveau de l’Assemblée, que l’on inscrive dans l’Histoire de la RCA l’affaire des anti-balaka qui est une émanation populaire. Cet acte de bravoure mériterait d’être immortalisé dans l’Histoire de la République centrafricaine.
Et vous attendez aussi un programme DDR (Désarmement, démobilisation, réinsertion) ?
Oui, la plupart des combattants ont tout perdu. Ceux qui viennent de l’arrière-pays ont tout perdu : leur toit, leur grenier, leur bétail, tout. Et donc, aujourd’hui, il faut que le gouvernement fasse un geste de reconnaissance.
Pourquoi les anti-balaka, qui sont dans la ville de Boda, ne laissent pas les musulmans qui s’y trouvent encore circuler alors que ceux-ci, manifestement, ne sont pas armés ?
C’est le dialogue qui peut essayer de pacifier cette situation. Au niveau de Bola, le gouvernement avait commis l’erreur d’amener quelqu’un qui n’est pas connu des anti-balaka pour aller parler à ces enfants. Et du coup, cela les a énervé, parce que ce sont ces gens qui continuent de manger au nom de la souffrance des anti-balaka.
Si on ne nous donne pas l’opportunité de discuter avec le gouvernement et d’aller vers ces enfants pour que nos frères musulmans soient libres de leurs mouvements, ce sera toujours difficile. Il faut maintenant chercher à dialoguer avec l’interlocuteur fiable qui peut relier les informations auprès des enfants.
Si vous, vous y allez, les résultats seront différents. C’est cela que vous voulez dire ?
Nettement différents.
Beaucoup de gens vous accusent d’être lié à François Bozizé et de travailler pour lui. Est-ce que c’est vrai ou pas ?
C’est une erreur monumentale grave. Un pouvoir, c’est un pouvoir. Un pouvoir est passé ; il faut tourner la page et puis avancer.
Vous ne vous battez pas pour François Bozizé ?
Non, non, non ! Il ne faut pas que les gens s’imaginent des choses. Avant Bozizé, j’avais fait mes affaires et je vivais bien. Pendant le régime de Bozizé, j’ai continué à faire mes affaires. En dehors de cela, laissez Bozizé tranquille. Laissez Ngaïssona tranquille dans son élan.