Lutte Ouvrière n°2387 du 2 mai 2014
Depuis le début de l'intervention militaire française, les mois passent et la situation en Centrafrique est loin de s'améliorer. À Bangui, la capitale, les troupes françaises et africaines se révèlent tout juste capables d'accompagner la fuite des populations musulmanes espérant échapper à la fureur des milices anti-balakas.
Dans d'autres régions, ce sont au contraire les populations chrétiennes qui sont victimes des attaques meurtrières des bandes de l'ex-Séléka. Quant au gouvernement centrafricain mis en place par la France et dirigé par Catherine Samba-Panza, personne ne semble en tenir compte, pas plus les armées françaises et africaines présentes sur le terrain que les chefs des milices rivales.
Les troupes africaines de la Misca ont ainsi procédé dimanche 28 avril à l'évacuation des 1 300 derniers musulmans bloqués dans le quartier du PK12 à Bangui. Ils y étaient assiégés depuis décembre par les miliciens ex-balakas. Beaucoup s'y étaient réfugiés pour fuir d'autres quartiers pillés et y survivaient tant bien que mal. Ils ont quitté la ville dans un immense convoi de camions pour se diriger vers les villes de Kabo et Sido, près de la frontière tchadienne, où les musulmans sont majoritaires.
Les autorités françaises n'avaient pas jugé bon de prévenir le gouvernement centrafricain de cette opération, ce qui en dit long sur le degré d'autonomie de celui-ci. Il n'a pu que protester par la voix de sa ministre de la Santé, qui a déclaré : « Le gouvernement a été mis devant le fait accompli. Les forces internationales doivent protéger les habitants dans leur communauté d'origine, et non les relocaliser à l'insu du gouvernement. » Mais ce gouvernement centrafricain n'a d'existence que celle que lui accorde Paris. Les seules forces armées dont il pourrait disposer, les anciennes Forces armées centrafricaines, structurent en fait les milices anti-balakas qui mènent l'assaut contre les quartiers musulmans.
Dans une autre partie du pays, ce sont au contraire les milices anti-Sélékas qui font régner la terreur. 22 personnes, dont trois employés de Médecins sans frontières, ont été tuées par des ex-Sélékas à Nangua Boguila, une ville située à 400 kilomètres de Bangui. Ils sont entrés dans un hôpital où se tenait une réunion des notables de la ville et ont ouvert le feu. Pendant ce temps une autre équipe rackettait les habitants présents sur le marché.
L'armée française a débarqué à Bangui il y a bientôt cinq mois pour soi-disant « sauver des vies humaines », en fait pour ramener le pays dans l'orbite de l'impérialisme français. Elle s'est avérée bien incapable de désarmer les différentes bandes armées, mission que le gouvernement présentait au début comme une simple formalité. La population centrafricaine vit aujourd'hui dans l'insécurité, quelle que soit son origine, sa religion ou la région où elle habite. C'est l'unique bilan de la dernière en date des interventions françaises sur le continent africain.
Daniel MESCLA
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