http://www.lepoint.fr/ Le Point.fr - Publié le 10/06/2014 à 11:49 - Modifié le 10/06/2014 à 12:24
Haut responsable chez les ex-Seleka, Éric Massi juge que la situation actuelle en Centrafrique est le résultat de plusieurs poisons.
Le Point Afrique : Comment expliquez-vous ce regain de violence en Centrafrique ?
Éric Massi : Il faut comprendre que les ennemis de la paix sont partout. Certains cherchent la paix pour leur propre intérêt au lieu de la chercher pour tous. Alors que nous faisons justement des efforts pour sortir de la guerre, ils cherchent à maintenir la violence pour déstabiliser la transition.
Vous pensez à qui comme ennemi de la paix aujourd'hui ?
Le véritable ennemi de la paix, c'est la peur, la colère, la vengeance et la haine. Les ennemis de la paix sont ceux qui manipulent les Centrafricains et font naître tous ces sentiments.
Quelle est la responsabilité de la Seleka dans les violences actuelles ?
L'ex-coalition Seleka s'est réunie à Ndélé du 9 au 11 mai 2014 pour son congrès militaire. À cette occasion, une chaîne de commandement, l'état-major du Mouvement, a été mise en place afin de présenter des interlocuteurs militaires au gouvernement de transition et aux institutions internationales. Dans le même temps, nous avons choisi une coordination politique provisoire pour mieux accompagner le processus DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion), censé ramener la sécurité dans notre pays. Je suis membre de cette coordination politique où je m'occupe de la médiation avec les ONG et les Institutions internationales. Nous avons entamé un processus politique pour ramener la paix dans notre pays, car, selon nous, la solution en Centrafrique n'est pas militaire, mais politique. Il y a certaines personnes à Bangui qui ont choisi l'option des armes et de la rue, car elles ne trouvent pas leur intérêt dans le processus politique qui a démarré après le congrès de Ndélé. Les anti-balaka ont également tenu leur assemblée générale récemment pour désigner leur chef d'état-major et leur coordinateur politique. Mais certaines divisions et querelles de leadership sont nées depuis. Nous attendons effectivement de voir si les anti-balaka s'engagent sincèrement dans un processus politique de résolution du conflit.
La coalition Seleka a pourtant pris les armes pour le pouvoir...
Tout à fait. Les éléments de l'ex-coalition sont partis de Birao et sont arrivés à Bangui. Ils ont pris le pouvoir par les armes. Ils ont remis ce pouvoir à Michel Djotodia et aux politiques. Il se trouve que Michel Djotodia n'a malheureusement pas su assumer son autorité et a été contraint à la démission. Nous avons tous une part de responsabilité dans ce conflit. C'est pour cela que son issue ne peut qu'être politique. Il appartient à tous les acteurs de ce pays de prendre leurs responsabilités et de faire en sorte que tous les éléments en armes puissent, dans le cadre du processus DDR, retrouver une place légitime dans la société. C'est la seule condition pour que la sécurité soit rétablie pour tous les Centrafricains.
En attendant, la communauté internationale a dû intervenir pour mettre fin au conflit, la France en premier ?
Je voudrais juste préciser que la force française de la mission Sangaris intervient en support des forces africaines de la Misca (mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine). La France n'est pas à la tête de cette mission de rétablissement de la paix. Ce sont toujours les Africains qui conservent la maîtrise de l'agenda puisque la Misca est une force de l'Union africaine.
La réalité du terrain n'est-elle pas autre ?
La coopération de la France avec l'Afrique est une coopération qui dépasse le simple cadre centrafricain. Je vous rappelle qu'il y a eu un sommet France-Afrique à Paris au mois de décembre 2013. Sommet au cours duquel la France et les États africains ont défini des règles de partenariat pour la mise en oeuvre d'une force africaine d'intervention rapide visant justement à aider à la résolution des conflits. Il est important que nous puissions, dans le cadre de la réforme de notre système de sécurité, doter nos armées de moyens matériels de formation et d'encadrement adéquats. La France, en tant que partenaire, s'est engagée à apporter son aide. Et je pense que c'est dans ce cadre-là qu'elle intervient. Elle est donc bien dans son rôle.
Que savez-vous des circonstances de la mort de la journaliste Camille Lepage, tuée le 11 mai dernier en Centrafrique ?
Je n'ai pas d'informations particulières en dehors de ce que j'ai pu lire dans les médias. Je ne pourrai donc pas me prononcer sur les circonstances de sa mort. D'ailleurs, j'exprime mes condoléances à sa famille. Par contre, je tiens à rappeler que nous sommes dans une situation de conflit. Les journalistes sont très exposés. Il faut absolument que l'on puisse leur permettre de travailler partout dans de bonnes conditions. Nous attendons les résultats de l'enquête. Manifestement, les conditions de sécurité autour de Camille Lepage n'étaient pas réunies pour lui permettre, malheureusement, de survivre à sa mission. J'espère que nous en tirerons les leçons et que l'ensemble de la presse et des journalistes internationaux prendront toutes les précautions pour ne pas se retrouver exposés à de pareilles situations.