20/08/14 (AFP)
Ca ressemble à une mauvaise blague: le projet d'une faction de la Séléka de créer un Etat indépendant dans le nord-est de la Centrafrique s'est retrouvé mystérieusement diffusé ces derniers jours sur le net, discréditant un peu plus l'ex-coalition rebelle.
L'affaire, rocambolesque, débute en fin de semaine dernière, quand plusieurs sites internet reproduisent intégralement trois communiqués - ou projets de communiqué - du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), une faction de la Séléka, l'ex-rébellion musulmane qui a ravagé le pays ces deux dernières années.
Aujourd'hui basé à Birao, dans le nord-est musulman du pays, le FPRC est dirigé par le général Nouredine Adam, chef emblématique et officiellement n°2 de l'ex-Séléka, un "dur" du mouvement, sous le coup de sanctions onusiennes et américaines.
Sa branche politique est sous la conduite de Michel Djotodia, ex-leader de la Séléka et éphémère président de mars 2013 à janvier 2014, après la prise de Bangui par les rebelles.
Le premier de ces trois textes présente un "calendrier du processus de l'autodétermination pour la république de Dar-el-Kouti", du nom d'un ancien sultanat. Tout y est: mise en place d'un "gouvernement provisoire" le 15 août, référendum, adhésion à l'ONU, et même signature d'ici le 10 septembre "d'accords bilatéraux et multilatéraux" avec la France, les USA, la Chine, l'Allemagne, le Japon, l'UE...
- Panique à bord -
Le deuxième communiqué n'est ni plus ni moins que la proclamation de ce mystérieux et nouveau pays "libre et souverain", aux confins des frontières du Tchad et du Soudan, baptisé "Etat de Dar-el-Kouti". Cette proclamation est signée du général Nouredine Adam, le 14 août 2014, depuis Birao.
Enfin, le dernier communiqué, signé de Michel Djotodia, annonce la composition du futur "gouvernement provisoire", dirigé par M. Djotodia lui-même, avec Nouredine Adam comme "ministre de la Défense et de la Sécurité publique".
Samedi dernier, rétropédalage en catastrophe du secrétaire adjoint du FPRC, Hamat Mal-Mal Essène: "les articles publiés sur plusieurs sites internet notamment sur la création de +l'Etat de Dar-el-Kouti+ n'engagent nullement ni ma personne, ni le FPRC", assure-t-il dans un nouveau communiqué, volontairement rendu public celui-là.
"Ma boîte électronique a été piratée par une personne mal intentionnée et de mauvaise foi", a tenté d'expliquer Hamat Mal-Mal Essène, qui présente "toutes ses excuses pour ce désagrément involontaire".
Acte de malveillance? Coup tordu? Ou bien quelqu'un de la Séléka s'est-il emmêlé les pinceaux, appuyant un peu vite sur le bouton?
Selon une source proche du FPRC interrogée par l'AFP, ces documents existent bel et bien: "encore sous le coude", ils ont été "frauduleusement soutirés", et les recherches se poursuivraient pour trouver les responsables de leur diffusion.
L'infortuné M. Mal-Mal a été suspendu "jusqu'à nouvel ordre" par M. Djodotia, selon la même source, qui dénonce une campagne de diabolisation.
- 'Projet funeste' -
L'incident est terriblement embarrassant pour la Séléka, d'autant plus qu'il touche à un sujet tabou en Centrafrique, la sécession du Nord musulman.
Le mouvement est aujourd'hui miné par les divisions et plusieurs de ses chefs, dont Nouredine Adam, ont déjà ouvertement évoqué une possible partition, mais sans oser franchir la ligne rouge: proclamer l'indépendance du Nord.
Or, il y a quelques jours encore, la présidente de transition Catherine Samba Panza, qui peine à sortir le pays du chaos, dénonçait le "projet funeste" de partition "agité par des extrémistes en mal de pouvoir", une "imposture politique" et "la pire des menaces".
Après avoir chassé du pouvoir le président François Bozizé en mars 2013, les rebelles de la Séléka s'étaient largement discrédités lors de leur désastreux passage aux affaires, se comportant en soudards, avec des pillages généralisés et d'innombrables exactions contre les populations.
Affaiblis et forcés de quitter Bangui en janvier par l'intervention de l'armée française, ils ont trouvé refuge dans leurs fiefs du Nord, zone grise qu'ils continuent d'écumer, au gré de leurs rapines et des jeux de pouvoirs locaux aux côtés de mercenaires tchadiens et soudanais.
Que ce projet de partition soit ainsi dévoilé sur le net ridiculise ses auteurs, jugent beaucoup à Bangui. Il met également en difficulté la Séléka, qui tentait de revenir dans le jeu politique et revendique le poste de Premier ministre de la transition.
Centrafrique: le Dar-el-Kouti, un ancien sultanat du nord musulman
20/08/14 (AFP)
Pour donner un nom à leur projet de partition du nord de la Centrafrique, les rebelles de l'ex-Séléka se sont tout simplement inspirés de l'histoire mouvementée de cette partie du pays.
Entre le Soudan et le Tchad, el-Kouti est une localité du nord-est de la République centrafricaine, dans la région de Ndélé, une ville située à environ 600 km au nord de Bangui. Le nom Dar-el-Kouti vient du mot arabe "pays", et de kouti, qui désigne une forêt en langue locale ronga.
Dar-el-Kouti, autrefois appelée Ard El Kouti, puis Belad El Kouti, fut longtemps une région d'affrontements et d'insécurité généralisée, avant de devenir un sultanat dirigé au XVIIIème siècle par le sultan Mohamed Senoussi.
Il y régnait en maître et pratiquait la traite des esclaves à grande échelle vers l'Afrique du Nord, qu'il chassait parmi les populations autochtones dans toute la région de Ndélé et au-delà. Ndélé était alors une ville de commerçants où accouraient les aventuriers en tout genre depuis les régions et royaumes voisins du Sila, de Sokoto, du Fezzan, du Ouaddaï et de Kano.
En 1891, le sultan massacre la mission de l'explorateur français Paul Crampel, un ancien secrétaire particulier de Pierre Savorgnan de Brazza, alors qu'il tentait de relier le bassin de l'Oubangui (l'actuelle RCA) à celui du Chari (le Tchad).
Le sultan fut lui-même tué en 1911 par les troupes coloniales françaises. Le Tata, son ancien palais fortifié, occupe une plate-forme au-dessus de la colline surplombant la ville de Ndélé et se visite encore.
Un ouvrage de référence retrace l'histoire mouvementé de ce sultanat et explique l'influence géopolitique actuelle des pays voisins sur le nord-est de la Centrafrique: "Dar-el-Kouti, Empire Oubanguien de Senoussi 1890-1911", du professeur Bernard Simiti, directeur du Centre universitaire de recherche et de documentation en histoire et archéologie centrafricaines (CURDHACA).
Longtemps laissé à l'abandon par le pouvoir central, cette partie nord du pays est aujourd'hui sous le contrôle de groupes -souvent rivaux- de la Séléka, ex-coalition rebelle à dominante musulmane au pouvoir à Bangui de mars 2013 à janvier 2014.
Mercenaires tchadiens et soudanais, groupes armés plus ou moins bien identifiés, braconniers et trafiquants écument la zone, au gré de leurs alliances avec les Séléka locaux.
NDLR : Depuis que certains va-t-en guerre de Séléka agitent leur projet de partition et de républiquette du Nord, s’ils n’ont toujours pas compris que c’est la meilleure façon de faire l’unanimité de la classe politique contre eux et de souder plus que jamais les Centrafricains contre leur funeste projet, leur cas est donc désespéré.