Monsieur le Président, le déploiement des forces de la MINUSCA est aujourd’hui effectif et cela donne de l’espoir au peuple centrafricain. Comment voyez-vous cette énième intervention des forces étrangères en Centrafrique?
F.Z : Comme une bonne chose pour sortir la République Centrafricaine de la spirale sans fin dans laquelle elle se trouve. Si seulement la MINUSCA dépasse le cadre de sa mission « de force d’interposition » et s’implique davantage.
A propos de cette intervention onusienne pour la paix, il y en avait eu plusieurs depuis les deuxième et troisième mutineries en 1997 et c’est l’appellation de l’institution qui diffère. Je voudrais parler de la MISAB, de la FOMUC, de MICOPAX, des forces de CEEAC, de Sangaris et aujourd’hui MINUSCA mais les résultats attendus par le peuple centrafricain sont toujours déplorables. Qu’en dites-vous ?
F.Z : Déplorable Non, parce que ces forces ont essayé de donner une chance aux Centrafricains de toutes confessions confondues, de trouver par le dialogue des solutions aux problèmes de fond liés aux différentes crises institutionnelles qu’a connu la République Centrafricaine depuis 1997. Problèmes de gestion de la chose collective, de redistribution des richesses, de la circulation des personnes et des biens. Ce qui aurait pu empêcher l’effondrement total de l’ordre public et l’absence de l’État de droit.
Déplorable oui, parce que les missions de ces différentes forces onusiennes se sont arrêtées là où il ne fallait pas s’arrêter surtout dans le cas de la République Centrafricaine, où on est passé des crises institutionnelles à une crise d’État. Je veux dire la disparition de la République sur le plan géopolitique, laissant libre cours à des crimes crapuleux qui touchent plus particulièrement les plus démunis (enfants, femmes, vieillards, handicapés, etc.) et des crimes ethniques ; on le tue parce qu’il est musulman, parce qu’il est chrétien, on le tue parce qu’il n’est pas du nord, du sud, de l’est, de l’ouest. On le tue parce qu’il est Banda, Gbaya, Yakoma, Zandé, Gbaka, etc. Une situation qui justifie pleinement une autre attitude par rapport à la République Centrafricaine. Les forces onusiennes devraient opter dans ce cas pour le Droit d’Ingérence.
- Les populations reprochent à toutes ces forces qui n’ont pas respecté les résolutions 2121 et 2127 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Et dans les textes de l’Accord du forum de Brazzaville, il est dit que les éléments des forces onusiennes viendront sécuriser seulement la population civile. Cela veut dire que l’objectif n’est pas de désarmer de force les éléments de Séléka et d’Antibalaka qui détiennent encore les armes, qui continuent de commettre des exactions. Croyez-vous à un retour à la paix avant les élections de février 2015 ?
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Que nous disent les résolutions 2121 et 2127.
La résolution 2127 prévoit un embargo total sur les armes tous calibres concernant la République Centrafricaine. Elle est complétée par la résolution 2134 imposant une interdiction de voyager et un gel des avoirs des individus ou entités agissant pour le compte ou sur ordre de ceux qui entretiennent les violences tous azimuts en Centrafrique.
La résolution 2121 donne mandat au bureau intégré des Nations Unis pour la consolidation de la paix en République Centrafricaine en termes :
· D’appui pour la mise œuvre du processus de transition
· D’appui à la prévention des conflits et à l’assistance humanitaire
· D’appui à la stabilisation des conditions de sécurité et de protection des droits de l’homme et d’aider à renforcer les capacités de l’appareil judiciaire de la République Centrafricaine.
Ces deux résolutions n’autorisent pas les forces onusiennes à intervenir dans les affaires intérieures de la République Centrafricaine en tant qu’État indépendant et souverain, à charge aux Autorités légales de la transition d’assurer la sécurité des personnes et des biens, de garantir l’intégrité territoriale et l’unité de la République Centrafricaine. Si les Autorités Légales de Transition ne parviennent pas à appliquer sur le terrain les accords de Brazzaville de cesser le feu entre les Séléka et les Antibalaka, on ne peut pas dans ces conditions envisager l’organisation des élections.
- Les forces de Sangaris étaient souvent prises à partie dans ce conflit interminable. Il y a eu des affrontements entre Sangaris et Séléka et entre Sangaris et Antibalaka. Ne jouent-ils pas aux pyromanes les éléments de Sangaris depuis le déclenchement de cette crise centrafricaine ?
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F.Z : Il faudrait poser la question aux Sangaris, je pense que vous avez une partie de la réponse dans tout ce que je vous ai dit. La force française est là pour le bien du peuple centrafricain. Elle joue son rôle d’intermédiaire pour permettre aux Autorités Légales de la Transition d’assumer leurs responsabilités c’est-à-dire protéger la population, garantir la sécurité, l’unité du territoire et le Droit international des Droits de l’Homme. Les forces françaises ne sont pas là pour défendre un camp contre un autre.
- Pourquoi votre Parti (l’UDECA) n’avait pas pris part au forum politique de Brazzaville ?
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F.Z :Nous sommes pour le dialogue mais pas à n’importe quel prix. L’UDECA a souhaité que le dialogue tant attendu se tienne au pays, à Bangui. C’est aussi le point de vue partagé par l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Transition (AFDT) de SIOKE, dont l’UDECA fait partie. Mais malheureusement, le médiateur du conflit, son Excellence Dénis SASSOU NGUESSO a décidé autrement. Mais, je vous rassure tout de suite, l’UDECA sera très présent dans la lutte politique pour la paix, le retour à l’ordre républicain.
Comment voyez-vous le processus qui traîne en longueur ?
F.Z : Pour que la situation de la République Centrafricaine ne traîne pas en longueur, l’UDECA propose à la France et à l’ONU : une nouvelle résolution de DROIT D’INGERENCE pour sauver la République Centrafricaine du bourbier dans lequel elle se trouve.
La nomination du Premier ministre Mahamat Kamoun a fait l’objet de débat rude. Pour certains, c’est un membre de Séléka à la tête du gouvernement. Ils préfèrent Karim Meckassoua que Kamoun, son challenger. Quel était votre point de vue ?
F.Z : Votre question renvoie à des problèmes de personne qui défendent leurs propres intérêts et non l’intérêt de la République. L’UDECA se préoccupe exclusivement de la République et de son avenir.
- 8 – En votre qualité de président de l’UDECA, jeune parti politique, que reprochez-vous aux autorités de la Transition ?
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F.Z : De ne jamais évoquer la République, de ne jamais penser à la République qui pleure, de ne jamais penser à la République qui souffre, de ne jamais penser à la République qui compte ses morts.
Votre formation politique a vu le jour à Bangui en avril 2013 avant la crise et à quelques mois des consultations populaires vous êtes en France. Comment comptez-vous aborder les futures élections présidentielles et législatives, êtes-vous bien préparé ?
F.Z : Réglons d’abord les problèmes de fond qui concerne la renaissance de la République avant de penser aux élections. Mais de quelle élection parlez-vous ?
La Présidente de la Transition a annoncé le dialogue inter-centrafricain à Bangui. Quelle est votre lecture de cet énième forum politique qui se tiendra à Bangui si Dieu le veut ?
F. Z : Que Madame Catherine SAMBA PANZA, Présidente de la Transition, commence à appliquer les résolutions de la toute dernière concertation du dialogue politique inclusive dont elle-même avait dirigé les assises car si ces résolutions étaient appliquées, la République Centrafricaine ne serait pas dans la situation actuelle. De toutes les façons, nous sommes pour toutes initiatives qui conduisent à la paix et aux principes des droits.
Êtes-vous pour la participation de Michel Djotodia et François Bozizé au dialogue politique ?
F.Z : Il me semble qu’ils sont poursuivis non? Deux responsables de la situation chaotique actuelle de la République Centrafricaine. Le premier a réussi à tuer la République Centrafricaine pendant dix ans, le second a donné le corps de la République Centrafricaine aux hyènes. Que peuvent-t-ils apporter de plus ? Laissons la justice se pencher sur leur sort.
Notre pays est dans le même schéma du Mali et de la Côte d’Ivoire qui de justesse est épargnée de la partition. Comment voyez-vous le dialogue inter-malien d’Alger ?
F.Z : La République Centrafricaine n’est pas dans le même schéma que le Mali et la Côte d’Ivoire. La crise que ces deux pays amis ont connue est d’ordre Institutionnel. Le dialogue malien aboutira à quelque chose de positive, j’en suis certain. Quant à la Côte d’Ivoire, son exemple actuel dans la gestion du dialogue, la gestion politique, économique doit nous inspirer. En Centrafrique c’est une crise d’État. Quand il y a absence de l’État de droit, les velléités de partition hantent l’esprit des chefs de guerre. L’UDECA fera tout pour garder l’intégrité territoriale de la République Centrafricaine.
Vous étiez en 2003-2006, Haut-Commissaire à la Primature, chargé de la politique de Décentralisation et de Régionalisation. Avez-vous laissé un bilan positif ?
F. Z : Lorsque le Premier Ministre Abel Goumba, compagnon de route du père fondateur de la République Centrafricaine l’abbé Barthélémy Boganda, m’a confié les clés de la politique de Décentralisation, j’ai tout donné pour que la Décentralisation soit au cœur de la réforme de l’État, la priorité des priorités. Dans une revue avec le PNUD, nous avions revisité les 10 ans d’expérience de la décentralisation en République Centrafricaine. A partir de là, on a proposé deux niveaux dans la Constitution de 2004 (Région (7) et Commune (174)). Ensuite, on a engagé une vaste campagne médiatique (radio, télévision, presse écrite) sur la Décentralisation qui a permis à la population de se familiariser avec cette politique. Mais l’instabilité politique n’a pas pu favoriser l’encrage, le développement de cette politique. La structure de mission qu'est le Haut-Commissariat à la Décentralisation n’a pas les moyens d’une politique offensive. Il y a une grande réticence de la classe politique. Il n’y a pas lieu de tergiverser, aujourd’hui et plus que jamais, la Décentralisation est une opportunité parce que c’est la seule mécanique pour refonder l’État centrafricain en lambeaux.
La fièvre hémorragique Ebola fait rage en Afrique et notre pays la République Centrafricaine est voisin au RD Congo où le virus a été découvert en 1976. Avez-vous un mot à dire aux Centrafricains qui consomment beaucoup de viande de brousse ?
F.Z : Un malheur n’arrive pas seul, la situation actuelle en République Centrafricaine où les centres hospitaliers sont devenus des mouroirs, les malades n'ont aucune couverture sociale, etc. faisons en sorte d’éviter le pire.
Si vous avez la chance d’être élu Président des Centrafricains, quelles seraient vos priorités ?
F.Z : Occupons-nous d’abord de la Transition pour rendre la République aux Centrafricains, le reste on verra le moment venu.
Propos recueillis par Pierre INZA, Directeur de Publication du Journal « Globe le Visionnaire »
15 septembre 2014,
Mauléon-Licharre, France