INTERVENTION DU MINISTRE D’ETAT CHARGE DE LA JUSTICE, DE LA PROMOTION DES DROITS HUMAINS ET DE LA BONNE GOUVERNANCE, GARDE DES SCEAUX, A L’OCCASION DE L’INTERPELLATION A L'ASSEMBLEE NATIONALE DU 20 OCTOBRE 2021
-Très Honorable Président de l’Assemblée Nationale ;
-Honorables Membres du Bureau de l’Assemblée Nationale ;
-Honorables Députés de la Nation,
C’est avec un sentiment élevé de patriotisme et de devoir de mes charges de Ministre d’Etat chargé de la Justice, de la Promotion des Droits Humains et de la Bonne Gouvernance que je prends ce jour, la parole à l’occasion de mon interpellation par votre auguste Assemblée.
Je voudrais tout d’abord profiter de cette occasion pour vous adresser mes sincères félicitations pour le travail remarquable que vous faites au nom de la population que vous avez l’honneur de représenter individuellement et collectivement dans cet hémicycle.
-Très Honorable Président de l’Assemblée Nationale,
Et Honorables Députés de la Nation,
Depuis plusieurs décennies la RCA est secouée par de multiples crises militaro-politiques avec pour corollaire l’existence des grands criminels et bandits de grands chemins qui sont restés toujours impunis. La perpétration des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire dont les auteurs, co-auteurs ou complices ne sont pas encore sous la main de la justice.
L’impunité quasi-généralisée qui découle de cette situation a contribué à fragiliser l’autorité de l’Etat et à aggraver le sentiment d’injustice à tous les niveaux de notre population.
Depuis l’accession à la Magistrature suprême de l’Etat de Son Excellence Professeur Faustin Archange TOUADERA, des efforts remarquables et quotidiens ont été déployés en matière de réforme de la justice et la lutte contre l’impunité, la réconciliation et la cohésion sociale.
Malheureusement certains acteurs politiques s’emploient de manière continue à contrecarrer cette aspiration profonde du peuple centrafricain.
C’est ainsi qu’à la suite de l’invalidation de la candidature à l’élection présidentielle de l’ancien président de la République François BOZIZE YANGOUVONDA, par la Cour constitutionnelle le 03 décembre 2020, celui-ci a initié un projet machiavélique de déstabilisation de notre pays, confirmé par la signature le 15 décembre 2020, de la Déclaration dite de « KAMBA KOTA » par six (6) groupes armés, pourtant signataires de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation en Centrafrique (APPR-RCA).
A cet effet, il a été créé une organisation criminelle et subversive dénommée la «la Coalition des Patriotes pour le Changement » en abrégé (CPC).
Cette coalition a lancé des séries d’attaques coordonnées et ciblées sur plusieurs fronts. Le 13 janvier 2021, une offensive ayant pour objectif la prise de la ville de Bangui, Capitale de la République Centrafricaine, a été lancée à l’occasion de cette agression contre le peuple centrafricain. La coalition a commis toute une myriade d’infractions graves, à savoir :
Ø Atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ;
Ø Crimes de guerre et crimes contre l’humanité
Ø Arrestations arbitraire et séquestrations ;
Ø Actes de tortures, de traitements dégradants et inhumains ;
Ø Occupations des édifices publics, des écoles, des hôpitaux et des lieux de culte ;
Ø Entrave aux ONG humanitaires pour exercer leur mission de secours aux populations meurtries.
Mais les Forces Armées Centrafricaines (FACA), les Forces de sécurité intérieure, appuyées par les instructeurs russes, les soldats rwandais et les casques bleus de la MINUSCA, ont réussi à repousser les assaillants qui ont fini par perdre la quasi-totalité de leurs positions.
Cette coalition a commis toute une série de crimes graves, que l’on ne saurait énumérer de manière exhaustive.
Le recours aux forces bilatérales et multilatérales s’est fondé sur les articles 28 et 29 de la Constitution du 30 mars 2016 qui disposent que : « …En cas de coup d’Etat, d’agression par un tiers ou par des mercenaires, les autorités habilitées par la constitution, ont le droit et le devoir de recourir à tous les moyens, pour rétablir la légitimité constitutionnelle y compris le recours aux accords de coopération militaires ou de défense en vigueur.
Dans ces circonstances, tout citoyen ou groupe de citoyens a le droit et le devoir de s’organiser d’une manière pacifique pour faire échec à l’autorité illégitime ».
Il s’agit en fait de l’usage de la force légitime en cas d’agression. La légitime défense, l’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime constituent des faits justificatifs, par conséquent des causes de non-imputabilité de responsabilité à l’égard de nos Forces de Défense et de Sécurité ainsi que leurs alliés.
Suite à ces opérations militaires salvatrices au grand bonheur de nos concitoyens, pour la protection des institutions républicaines, la paix et la sécurité de la population centrafricaine, la division des droits de l’homme des Nations-Unies a publié un rapport dénonçant 103 incidents des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, qu’auraient été commis par les FACA et les forces d’appui, au cours de leurs contre-offensives et ratissages contre les rebelles de la CPC, lequel rapport a été relayé par les médias internationaux.
Face à la gravité des faits dénoncés, Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Professeur Faustin Archange TOUADERA, respectueux des droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire, a instruit le Gouvernement de mettre en place une commission d’enquête spéciale, chargée de faire la lumière sur les dénonciations et les allégations figurant sur le tableau intitulé : « Tableau des violations commises par les acteurs étatiques/forces bilatérales courant décembre 2020 à avril 2021 ».
Notre pays la RCA, étant partie à la Convention de Genève de 1949 et des différents instruments juridiques internationaux et régionaux relatifs aux Droits de l’Homme et au Droit International Humanitaire, a l’obligation dans ces conditions d’enquêter, de vérifier, d’établir, de poursuivre, de sanctionner, de faire cesser ou de dénoncer aux juridictions compétentes les infractions commises.
Outre l’action de veille déontologique et disciplinaire entreprise par l’inspection générale des services des armées en provinces, à l’égard de nos forces de défense et de sécurité, visant à rappeler les règles de conduite en période de crise et d’opération, une première dans l’histoire des campagnes militaires de la RCA, dont les résultats sont satisfaisants, le Ministre en charge de la justice, a créé par arrêté du 04 mai 2021, une commission d’enquête judiciaire dénommée « Commission d’Enquête Spéciale », chargée de faire la lumière sur les présumés crimes graves, les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, qu’auraient commis les Forces Armées Centrafricaines (FACA) et leurs alliés, lors de leurs contre-offensives et ratissages, sur le territoire national contre les rebelles de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC), couvrant la période de décembre 2020 à fin avril 2021, ainsi que celles commises par la CPC sur toute l’étendue du territoire, s’agissant d’une compétence in rem.
Aux termes des articles 2, 3 et 4 de cet Arrêté :
« La Commission d’Enquête Spéciale (CES) est placée sous l’Autorité directe du Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, et sous la surveillance des trois (3) Parquets Généraux de trois (3) Cours d’Appel de la République Centrafricaine »
« Elle a pour mission d’interroger toute personne dont l’audition est nécessaire à la manifestation de la vérité (témoins, parties civiles, organisations de la société civile etc.) ».
« La Commission d’Enquête Spéciale (CES) dressera un Rapport d’ensemble en vue de le transmettre au Ministre de la Justice des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux « pour toutes fins de Justice » ».
Agissant suivant la lettre de l’article 4 cité ci-haut, la Commission m’a régulièrement transmis son rapport aux fins de justice.
Les actions du Ministre d’Etat en charge de la Justice de la Promotion des Droits Humains et de la Bonne Gouvernance, Garde des Sceaux sont encadrées par les dispositions ci-après :
D’abord, le Préambule de la constitution du 30 mars 2016 paragraphe 7 : « Résolu à construire un Etat de droit fondé sur une démocratie pluraliste, le respect de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs… »
Ensuite, l’Article 25 du Code de Procédure Pénale : « Le Ministre de la Justice peut dénoncer au Procureur Général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre par instructions écrites versées au dossier d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le Ministre juge opportunes ».
Enfin, l’Article 2 du Décret n°16.379 du 05 novembre 2016 portant organisation et fonctionnement du Ministère de la Justice, des Droits de l’Homme et fixant les attributions du Ministres Garde des Sceaux : « le Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux a pour attributions entre autres de veiller à la poursuite des crimes, délits et contraventions ».
En vertu de ces prescrits légaux, il appartient au Ministre de la Justice de définir la politique criminelle et de donner les instructions utiles en vue de la mise en mouvement de l’action publique, s’agissant des crimes de masse.
Il lui revient la responsabilité de communiquer sur les procédures engagées, tout en veillant à ne pas violer les secrets des procédures judiciaires, ni compromettre la conduite impartiale desdites procédures dans le respect du principe de la présomption d’innocence.
« Les commissions d’enquête judiciaires sont formées pour recueillir des éléments d’information en vue de soumettre leurs conclusions au chef du Ministère public (en l’occurrence le Ministre de la Justice), qui doit décider de l’ouverture d’une enquête ».
Il importe également de vous rappeler que la Commission d’Enquête Spéciale, mise place est un organe à caractère judiciaire ; par conséquent, le rapport de cet organe est aussi un document purement judiciaire couvert par le sceau du secret comme l’exige la législation en vigueur.
S’agissant de l’opportunité de publication de la synthèse du rapport, il y a lieu de rappeler que, de tout temps, les synthèses des différents rapports des Commissions d’enquête judiciaires successives ont toujours été publiées par les soins du Ministre de la Justice ou du Procureur Général en vue d’informer l’opinion nationale et internationale. Il ne s’agit point d’une nouveauté.
Le devoir d’informer la population est une exigence de transparence et de bonne gouvernance dans tout Etat de droit et notre population a le droit d’être informée sur les conclusions des procédures engagées.
D’ailleurs, la Politique Sectorielle de la Justice adoptée par le Gouvernement le 12 Décembre 2019 a retenu dans l’axe 2 concernant le renforcement de l’offre de justice, la nécessité d’une communication régulière sur les activités judiciaires en direction de la population.
Ainsi, le 1er octobre 2021, j’avais effectivement tenu un point de presse au cours duquel j’ai présenté la synthèse du rapport sans pour autant rentrer dans les détails.
La Division des Droits de l’Homme de la MINUSCA avait dénoncé officiellement et relayé par voie de presse les incidents de violations des Droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire.
Par conséquent, il est de mon devoir et en vertu de mes attributions définies à l’article 2 du Décret organique du Ministère de la Justice, de communiquer officiellement également et en toute transparence sur les conclusions des investigations menées par les institutions judiciaires nationales.
S’agissant des dénonciations, j’avais transmis séance tenante au Parquet Général, conformément aux dispositions de l’article 25 du Code de Procédure Pénale précité, le rapport pour la saisine des unités de police judiciaire qui procéderont à des enquêtes régulières conformément à la loi. Les conclusions des enquêtes judiciaires seront transmises au parquet territorialement compétent pour la saisine éventuelle des juridictions.
D’après la loi, à ce stade, les parquets apprécient souverainement de l’opportunité des poursuites.
Ils pourraient classer sans suite les procédures lorsqu’il existe des faits justificatifs tels la légitime défense, l’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime. Ils pourraient également classer sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée ou non constituée, ou encore saisir les juridictions de jugement conformément à la loi.
Il est prématuré et précoce de désigner des coupables. Laissons la justice faire son travail pour mieux apprécier les circonstances de survenance des incidents et de situer les responsabilité.
S’agissant des faits susceptibles d’être mis à la charge des forces alliées, ceux-ci seront traités, à l’issue des enquêtes, suivant des procédures spécifiques, dans le strict respect des accords de défenses.
Les forces alliées bénéficient d’un privilège de juridiction.
Toutefois, nous continuerons à travailler à la promotion et à la protection des droits humains, comme l’exige notre lettre de missions.
Avant de terminer mes propos, je voudrais rappeler que tous les efforts déployés en matière de lutte contre l’impunité sont conformes à la loi et à la vision de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat Professeur Faustin Archange TOUADERA en matière de justice et réaffirmée lors de son discours d’investiture le 30 mars 2021 en ces termes : « Les atrocités et les humiliations subies pendant plusieurs années de conflits fratricides doivent nous inciter à nous fixer des lignes rouges communes et, la ligne rouge qui me paraît la plus importante, est l’impunité zéro pour tous les auteurs des crimes et délits. Sans ces lignes rouges, nous risquons de retomber dans les pièges du passé et la paix, la sécurité et la prospérité recherchées ne seront jamais trouvées. C’est pourquoi la lutte contre l’impunité sera la colonne vertébrale de mon nouveau quinquennat… Oui ! Nous avons l’obligation de rendre justice à toutes les victimes des crimes perpétrés dans le cadre des conflits armés qui ont endeuillé notre pays. Soigner les souffrances de la guerre en luttant efficacement contre l’impunité tout en prévenant de nouveaux cycles de violence est indispensable au relèvement du pays ».
Je tiens à remercier la représentation nationale pour cette interpellation visant, d’une part à informer davantage nos populations sur les efforts déployés par les FACA et les FSI appuyés par la MINUSCA et les Forces Alliées qui œuvrent au péril de leur vie pour la paix, la sécurité, la protection des Droits Humains, de la démocratie et de nos institutions. La patrie leur est et sera indéfiniment reconnaissante.
D’autre part, cette interpellation a permis d’apporter des clarifications afin de lever toute équivoque et interprétation tendancieuse suite à la présentation de la synthèse du rapport de la Commission d’enquête spéciale.
En tout état de cause, la présentation de la synthèse du rapport de la Commission d’enquête spéciale n’avait pour but d’atteindre le moral des FACA ni de celui des alliés qui sont ovationnés par nos population. La remise par cette auguste Assemblée la semaine dernière d’une lettre de félicitation en témoigne suffisamment.
Enfin, je voudrais simplement rappeler qu’un rapport d’enquête judiciaire ne peut être transmis qu’aux seules autorités judiciaires habilitées conformément à la loi.
Je vous remercie