Centrafrique: des dizaines de personnes soupçonnées de crimes contre l'humanité toujours en liberté
Par Le Figaro avec AFP
Des dizaines de personnes soupçonnées de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité sont toujours en liberté en Centrafrique, en proie à des combats entre des rebelles et l'armée, a déploré mercredi 8 décembre Amnesty International. Dans un communiqué, l'ONG regrette que «sur les 25 mandats d'arrêt décernés jusqu'à présent» par la Cour pénale spéciale (CPS) de Centrafrique, «un seul a été exécuté, aboutissant à l'arrestation (...) du ministre Hassan Bouba Ali». Mais même celui-ci a été «libéré quelques jours plus tard par les autorités centrafricaines, en dehors de toute décision judiciaire», poursuit l'organisation.
Ex-chef rebelle devenu ministre de l'Élevage, Hassan Bouba Ali est soupçonné par l'ONG américaine The Sentry d'être responsable de l'attaque d'un camp de déplacés en novembre 2018 à Alindao, 500 km à l'est de Bangui, qui s'était soldée par la mort d'au moins 112 villageois dont 19 enfants. Accusé de crime contre l'humanité, il avait été arrêté le 19 novembre mais exfiltré de sa prison par des gendarmes une semaine plus tard. Le 29 novembre, il a été décoré de l'ordre national du mérite par le président Faustin Archange Touadéra.
La CPS est une juridiction hybride, composée à parité de magistrats centrafricains et internationaux, chargée de juger à Bangui les violations graves des droits humains commises depuis 2003. La Centrafrique, considérée comme l'un des pays les moins développés au monde par l'Onu, est le théâtre depuis 2013 d'une guerre civile d'abord très meurtrière mais qui a considérablement baissé d'intensité après 2018, même si des pans entiers de territoires continuent d'échapper au pouvoir central de Bangui.
Amnesty International a également dénoncé un «manque de soutien des autorités politiques pour la mission de la cour». L'ONG a appelé les autorités politiques et l'Onu à «faire en sorte que tous les responsables présumés de crimes de droit international (...) soient soumis à de véritables enquêtes et jugés dans le cadre de procès équitables». «La grande majorité des victimes attend toujours justice, vérité et réparations», poursuit l'organisation de défense des droits humains.
En octobre, le ministre centrafricain de la justice avait reconnu une partie des accusations formulées par l'Onu notamment sur des crimes et actes de torture, commis «majoritairement» par des rebelles, mais aussi par des soldats et leurs alliés «instructeurs russes».
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Centrafrique, l’accablant constat d’Amnesty contre la justice pénale
By La rédaction de Mondafrique 8 décembre 2021
Des dizaines de personnes soupçonnées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité sont toujours en liberté
- Un seul des 25 mandats d’arrêt décernés par la Cour pénale spéciale a été exécuté.
- La libération d’un responsable gouvernemental est un nouvel exemple des entraves flagrantes au travail de la Cour pénale spéciale.
- Aucune session criminelle n’a eu lieu dans le pays depuis près de 20 mois.
Des dizaines de personnes soupçonnées d’être responsables de crimes relevant du droit international, dont des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, sont toujours en liberté en République centrafricaine, a déclaré Amnesty International dans un briefing paru mercredi 8 décembre 2021.
De même, pas un seul suspect ne se trouve en détention provisoire en application d’un mandat d’arrêt décerné par la Cour pénale spéciale (CPS) plus de trois ans après sa mise en place. La CPS est un tribunal hybride qui a compétence pour juger les crimes de droit international et les graves violations des droits humains perpétrés pendant une série de conflits depuis 2003.
Le briefing One Step Forward, Two Steps Backwards: Justice in the Central African Republic révèle que, bien que la CPS ait commencé ses travaux en 2018, très peu de personnes soupçonnées d’être pénalement responsables de tels actes ont été arrêtées, poursuivies ou jugées. Les procédures judiciaires en cours sont loin d’être suffisantes pour répondre aux besoins de justice, de vérité et de réparations. Sur les 25 mandats d’arrêt décernés jusqu’à présent par la Cour, un seul a été exécuté, aboutissant à l’arrestation, en novembre 2021, du ministre Hassan Bouba Ali, ancien dirigeant d’un groupe armé soupçonné par d’autres ONG d’être lié au massacre, en 2018, de plus de 70 civiles, dont des enfants, à Alindao. Cet homme a cependant été libéré quelques jours plus tard par les autorités centrafricaines, en dehors de toute décision judiciaire.
« Plus de six ans après sa création, et trois ans après sa mise en place effective, la CPS a du mal à traduire en justice les personnes soupçonnées d’être responsables de crimes de droit international, notamment parce que les mandats d’arrêt qu’elle a décernés ne sont pas exécutés. La libération de Hassan Bouba Ali n’est qu’un nouvel exemple du manque de soutien des autorités politiques pour la mission de la Cour », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
« Amnesty International appelle les autorités centrafricaines et la MINUSCA [Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine] à prendre toutes les mesures possibles pour garantir l’exécution des mandats d’arrêt de la CPS et pour faire en sorte que tous les responsables présumés de crimes de droit international et d’autres atteintes aux droits humains perpétrés depuis 2003 par l’ensemble des parties au conflit soient soumis à de véritables enquêtes et jugés dans le cadre de procès équitables. »
La grande majorité des victimes attend toujours justice, vérité et réparations. La CPS a été créée pour combler les besoins en matière de justice, en complément de la Cour pénale internationale (CPI) et des tribunaux pénaux ordinaires centrafricains. Vingt-deux personnes se trouvent actuellement en détention provisoire pour le compte de la CPS, mais elles n’ont pas été arrêtées en exécution des mandats d’arrêt délivrés par celle-ci. On ignore quelles sont les charges qui pèsent contre elles et leur identité n’a pas été révélée – sauf celle d’Eugène Ngaïkoisset, un suspect arrêté en septembre 2021.
Le briefing d’Amnesty International dénonce aussi le manque de transparence dans le fonctionnement de la CPS. Alors que les premiers procès devant cette Cour doivent s’ouvrir en décembre 2021 ou début 2022, aucune information n’est disponible sur les affaires ou les suspects concernés. Amnesty International a constaté qu’il restait très difficile, voire impossible, de trouver des informations sur l’état d’avancement des procédures en cours. Aucune décision judiciaire n’a été rendue publique.
Centrafrique: Amnesty dénonce le manque d'exécution des mandats de la Cour pénale spéciale
https://www.rfi.fr/f 08/12/2021 - 14:24
Après la libération du ministre de l'Élevage, Hassan Bouba Ali, qui avait été arrêté sur un mandat de la Cour pénale spéciale, fin novembre en Centrafrique, l'ONG américaine Amnesty international monte au créneau. Elle dénonce dans un communiqué le fait que des dizaines de personnes soupçonnées de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité sont toujours en liberté en Centrafrique.
Amnesty regrette dans son communiqué le fait que sur 25 mandats d'arrêt émis par la Cour pénale spéciale depuis sa création en 2015, « un seul a été exécuté jusqu'ici » avec l'arrestation spectaculaire du ministre de l'Élevage centrafricain, Hassan Bouba Ali, le 19 novembre dernier.
Mais cela n'a pas duré longtemps. Accusé de crimes contre l'humanité, l'ex-chef rebelle devenu un des alliés du président centrafricain Faustin-Archange Touadera avait été exfiltré de la prison de la CPS par des gendarmes centrafricains sur ordre « des autorités centrafricaines et en dehors de toute décision judiciaire », dénonce l'ONG américaine. Le président Touadera l'a depuis décoré de l'Ordre national du mérite.
Pour le moment, cette juridiction hybride paritaire entre des magistrats centrafricains et des magistrats internationaux, a gardé secret les noms des 24 autres personnes qui font l'objet de mandats d'arrêt.
« Certains vivraient cachés dans le pays ou en dehors de la Centrafrique, mais d'autres ne sont pas inquiétés », a regretté Abdoulaye Diara, chercheur chez Amnesty International, en estimant que l’affaire Bouba Ali est aujourd'hui « tout un symbole » sur les difficultés qui empêchent la CPS de fonctionner normalement.
L'ONG appelle donc le pouvoir centrafricain et l'ONU à mener de « véritables enquêtes » suivi « de procès équitables » contre tous les responsables présumés d'avoir enfreint le droit international en Centrafrique. De leur côté, les victimes attendent toujours « justice, vérité et réparations », conclut Amnesty.