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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 20:30
Centrafrique : les autorités locales de Mingala appelle Bangui à l’aide

 

https://www.radiondekeluka.org/ samedi 22 janvier 2022 13:29

 

Les habitants de Mingala dans la Basse-Kotto, situé à 640 kilomètres de Bangui, décrient l’absence des forces de l’ordre dans la ville pour assurer leur sécurité. Cette situation perdure depuis le déclenchement des conflits armés en 2013. A cet effet, les populations lancent un cri de cœur aux autorités de Bangui pour le déploiement des éléments de sécurité dans la localité.

C’est presqu’un sentiment d’abandon qui illumine le visage de Martial Kabassi, l’unique autorité locale encore présente à Mingala. Les habitants de cette ville dont la population est estimée à plus de 45 mille personnes se disent abandonnées à eux-mêmes depuis plusieurs années.

"Nous avons trop souffert. La population est livrée à la merci de la nature. Et le gouvernement n’a rien fait pour la population de Mingala. Notre souhait est que le gouvernement fasse des efforts pour assurer notre sécurité. Ce sont des êtres humains qui vivent ici. Si rien n’est fait pour soulager la population, qu’est-ce qu’elle va devenir ? Beaucoup de gens avaient fui mais ils sont de retour. C’est la sécurité que nous réclamons", s’alarme Martial Kabassi, le maire de Mingala.

Les Forces de défense et de sécurité sollicitées pour la restauration de l’ordre

La présence des forces armées Centrafricaines rendra, selon l’autorité municipale, le climat sécuritaire propice pour un retour des fonctionnaires et agents de l’Etat.

"Ni la gendarmerie, la police, les FACA, ni les représentants du gouvernement ne sont présents à Mingala. Il n’y a que moi en tant que Maire, le seul représentant des autorités administratives. Ce que nous réclamons, c’est la sécurité. Ce qui facilitera le redéploiement des autorités affectées à Mingala", dit-il.

Une ville difficile d’accès

La ville de Mingala étant enclavée, empêche une intervention militaire rapide pour libérer la ville sous contrôle des hommes de l’Unité pour la paix (UPC) en Centrafrique depuis 2013. Ce mouvement armé occupe cette localité pour ses chantiers miniers et en 2019 des exactions sur les populations par l’UPC ont été rapportées par des ONG internationales. 

Distant de 95 km d’Alindao, Mingala était le bastion des groupes armés Seléka et Antibalaka. Plusieurs violations des droits humains notamment tortures et exécutions sommaires ont été commises sur des civils. Les parents des victimes réclament toujours du gouvernement justice et réparation. A Bangui, les autorités n’ont pas encore officiellement réagi à cette plainte.

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Centrafrique-Presse.com
22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 20:17
RCA : le ministre Hassan Bouba prêt « à faire face à la justice »

 

Lu pour vous

 

21 janvier 2022 à 16:48 Par Pacôme Pabandji

Son arrestation en novembre et sa libération quelques jours plus tard, sans que la Cour pénale spéciale ait pu l’entendre, ont fait scandale. Mais l’ex-rebelle de l’UPC assure n’avoir rien à cacher et se défend d’être protégé par le pouvoir.

C’est dans son bureau du ministère de l’Élevage et de la Santé animale qu’Hassan Bouba a choisi de nous recevoir, en ce début du mois de janvier. Vêtu d’un ample boubou gris, l’homme s’affiche serein et souriant, comme si son arrestation en novembre dernier, sur ordre de la Cour pénale spéciale (CPS), n’avait pas défrayé la chronique. Et comme si, sa libération quelques jours plus tard, sans que les enquêteurs n’aient eu ne serait-ce que l’occasion de l’entendre, était de l’histoire ancienne.

Il faut dire qu’à Bangui, Hassan Bouba n’est pas n’importe qui, et que cet épisode l’a sans doute conforté dans son sentiment de puissance. Ancien numéro deux du mouvement rebelle UPC (Unité pour la paix en Centrafrique), il a officié durant cinq ans comme chef des opérations et conseiller politique aux côtés d’Ali Darassa. C’est dix mois après que ce dernier a signé les accords de paix de Khartoum, en février 2019, qu’il s’est vu proposer un poste au gouvernement.

Allié précieux

Mais en Centrafrique comme ailleurs, chefs rebelles et hommes politiques sont versatiles. Dès novembre 2020, l’UPC lâche le président Faustin-Archange Touadéra et rejoint la Coalition des patriotes pour le changement (CPC). Hassan Bouba, lui, s’éloigne d’Ali Darassa et demeure au gouvernement. Dans le contexte centrafricain, cela fait de lui un allié précieux.

MOI-MÊME JE VOULAIS FAIRE FACE À LA JUSTICE DE MON PAYS POUR MONTRER QUE JE NE SUIS PAS UN CRIMINEL

Est-ce pour cela que la justice n’a finalement pas pu l’auditionner ? Arrêté le 19 novembre, il a été placé en détention au camp de Roux. La CPS, juridiction hybride composée de magistrats centrafricains et internationaux, mise sur pied pour juger les crimes les plus graves, voulait l’interroger sur des faits commis entre 2014 et 2019, lorsqu’il se battait pour l’UPC. Il est notamment soupçonné d’être à l’origine de l’attaque qui a visé un camp de déplacés en novembre 2018 à Alindao, à 500 km de Bangui, qui s’était soldée par la mort d’au moins 112 personnes.

« Bien sûr, j’étais dans un groupe armé, commence Hassan Bouba. Mais cela ne fait pas de moi le commanditaire ou le responsable des atrocités qui ont été commises. » Alors qu’il nous reçoit dans son bureau, il ose même : « C’est une bonne chose que j’ai été [convoqué] par la justice. Moi-même je voulais faire face à la justice de mon pays pour montrer que je ne suis pas un criminel et dire ce que je fais pour la paix. »

Il n’en a pourtant pas eu l’occasion : le 26 novembre, lorsque des officiers de la police judiciaire sont venus au camp de Roux pour le présenter au juge d’instruction, ils en ont été empêchés. Interrogé sur ce point, Hassan Bouba affirme que « [sa] détention provisoire était arrivée à son terme » et qu’il a été libéré « en sachant [qu’il pourrait] de nouveau être convoqué par la justice ». « Je n’ai pas fui, insiste-t-il. Je suis prêt à répondre aux questions de la justice. Je ne pourrai jamais être blanchi s’il n’y a pas d’enquête objective et indépendante. Tout le monde sait qui sont les responsables qu’il faut poursuivre. »

« Il y a eu obstruction »

Contacté par Jeune Afrique, une source à la CPS conteste toutefois le déroulé des faits de ce 26 novembre. « Il y a eu obstruction, insiste-t-elle. Le délai n’avait pas expiré. L’audience de débat contradictoire au niveau du cabinet d’instruction chargé du dossier devait avoir lieu à 10h ce jour-là. » Notre interlocuteur affirme que l’équipe de la CPS qui s’est présenté au camp et qui disposait de l’appui de Casques bleus de la Minusca « ont été empêchés d’accéder à Hassan Bouba par des éléments de la garde présidentielle ». « Nous avons suivi la procédure en le plaçant quand même sous mandat de dépôt et en délivrant un mandat d’arrêt contre lui, poursuit-il. Il a été libéré par le régisseur de la prison, mais on ignore encore qui était le donneur d’ordre. »

L’ORDRE DE LE LIBÉRER AURAIT-IL PU ÊTRE DONNÉ PAR TOUADÉRA LUI-MÊME ?

L’ordre aurait-il pu être donné par Touadéra lui-même ? La rumeur avait à l’époque couru, au point que Fidèle Gouandjika, ministre conseiller spécial du président, avait dû préciser que « le chef de l’État n’[avait] pas été informé de l’arrestation ni de la mise en liberté du ministre de l’Élevage ». « Tout le monde a parlé du fait que c’est le président Touadera qui aurait décidé ma libération, ajoute Hassan Bouba. Mais les gens doivent savoir que tout cela était de la manipulation des ennemis de la paix. Le président ne peut pas interférer dans une affaire judiciaire. »

Et lorsqu’on l’interroge sur ses liens éventuels avec les Russes, très influents dans les sphères du pouvoir et qui auraient pu jouer un rôle lors de cette séquence mouvementée, il élude avec un haussement d’épaules : « Ce sont des partenaires du gouvernement. Je suis membre du gouvernement. S’il y a des thématiques qui me concernent et sur lesquelles je dois travailler avec eux, ça n’est pas un problème. »

Homme d’affaires prospère

Depuis sa libération, l’ancien rebelle dit avoir entamé des pourparlers avec des membres de l’UPC et de la CPC pour les convaincre de déposer les armes. Une manière de convaincre de son utilité ? « Chaque semaine, des combattants rendent les armes, insiste-t-il. Dans le Haut-Mbomou [préfecture frontalière de la RDC et du Soudan du Sud], dans les villes de Mboki et Zemio, des gens appellent pour dire qu’ils sont prêts à le faire et qu’ils croient en la paix, tout comme moi. »

LES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS ET LES REPRÉSENTANTS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE SE DISENT « SIDÉRÉS »

Il en faudra sans doute plus pour convaincre la CPS, les défenseurs des droits humains et les représentants de la société civile en Centrafrique qui, en apprenant sa libération, se sont dit « sidérés », dénonçant une situation « absurde » et regrettant que « le pouvoir annihile ce qu’il a lui-même construit ».

Hassan Bouba est aussi un homme d’affaires prospère, un Peul qui s’est enrichi dans le commerce de bétail et auquel on a un temps prêté des accointances dans les services de renseignements tchadiens. À Jeune Afrique, il dit aujourd’hui « aider à distinguer qui est rebelle de qui est éleveur, et une zone d’élevage d’un campement de rebelles ».

 

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Centrafrique-Presse.com
22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 20:04
Tchad : la «contribution» de la communauté Sant'Egidio au pré-dialogue

 

 

https://www.rfi.fr/  f 21/01/2022 - 23:36

Le calendrier de la transition toujours en suspens. Le dialogue national est attendu, mais son organisation prend du retard car, avant cela, afin d'être le plus inclusif possible, un pré-dialogue doit avoir lieu avec les groupes politico-militaires. Il doit se tenir prochainement au Qatar, mais les préparations de ce rendez-vous s'étirent. Cette semaine, les représentants de ces groupes étaient réunis à Rome pour un « colloque sur le futur du Tchad » sous l'égide de la communauté Sant'Egidio, afin de proposer une « contribution » à ce pré-dialogue. 

 « Tout le monde était là » pendant trois jours à Rome, selon un responsable de Sant'Egidio, satisfait du succès de l'invitation. Il s'agissait de lister les sujets et la manière de les aborder lors du pré-dialogue. Mais aussi d'afficher une forme d'unité avant le rendez-vous au Qatar malgré les divergences entre ces groupes d'importance disparate. 

Dans le communiqué de conclusion, les participants ont réitéré leur « offre de paix vis-à-vis du Conseil militaire de transition » et leur soutien à des « négociations sincères et transparentes ».

Si le gouvernement tchadien de transition dit ne pas avoir été au courant de cette étape romaine, Sant'Egidio assure que des échanges avaient eu lieu en amont avec les autorités de Ndjamena, avec le Comité technique spécial dirigé par l'ex-président Goukouni Weddeye et chargé du pré-dialogue, ainsi qu'avec les autorités qatariennes. Et qu'un retour leur sera fait sur les conclusions de ce colloque.

La communauté catholique Sant'Egidio parle d'une « contribution » à la transition en cours au Tchad, où elle a proposé de partager son « expertise » en médiation. Elle est par exemple active depuis plusieurs années en Centrafrique.

La date du pré-dialogue n'a toujours pas été annoncée officiellement. Il était espéré pour la fin janvier, afin de pouvoir ouvrir le dialogue national inclusif à la mi-février, mais les désaccords sur son organisation demeurent nombreux, et le calendrier devrait encore s'allonger.

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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 19:58
Nouvelles nationales sur Deutsche Welle
Nouvelles nationales sur Deutsche Welle

 

Centrafrique : des éléments de la LRA veulent se rendre

https://www.dw.com/ 21.01.2022

L'Armée de résistance du Seigneur est l'un des groupes armés les plus violents en Afrique. Une partie du groupe vient de demander à déposer les armes en Centrafrique.

    

La LRA, fondée en 1987 dans le nord de l'Ouganda afin de chasser le président Museveni du pouvoir et d'instaurer un Etat de droit chrétien, semble avoir perdu son influence en Centrafrique.   

Après avoir été chassés du pays par l'armée ougandaise, les combattants de la LRA ont semé la terreur dans les pays voisins de la région, politiquement instables, notamment au sud du Soudan.  

Jadis crainte, aujourd'hui peu influente

Les combattants de la LRA sont aujourd'hui comparables à des bandes criminelles qui se déplacent pour assurer leur subsistance, en pratiquant des raids sur des villages ou en faisant le trafic de l’ivoire. 

En manque de soutien, plusieurs éléments du groupe envisageraient de se rendre. 

Le gouvernement centrafricain a réagi à cette demande des rebelles de la LRA. Selon, la ministre de l'Action humanitaire, Virginie Baïkoua, au micro de la DW, la requête serait à à l’étude. 

"Ils ont décidé de déposer les armes. J'ai même appris, d’après les informations que j'ai, que Joseph Kony veut prendre la nationalité centrafricaine et rester en Centrafrique. C'est une bonne chose ! Mais après cela, il faut regarder les contours et il y a une réflexion qui est en train d'être menée", confirme la ministre, alors que le chef emblématique Joseph Kony reste introuvable mais pourrait faire son retour en Centrafrique.

Le degré d'atrocité commis par la LRA en République centrafricaine est énorme mais les données sur le nombre de victimes varient selon les sources.

Les Nations unies avancent le chiffre de plus de 100.000 personnes tuées par la LRA. Plus d'un million de personnes auraient été déplacées à cause des violences perpétrées par ce groupe.  

Demande de jugement de la part des victimes

Aubin Kottokpinzé, enlevé par la LRA en 2008, est en première ligne dans la lutte contre sa présence en République centrafricaine. Aujourd'hui président de l'association des victimes de la LRA, il prend acte de cette possible reddition et plaide pour un procès.

"Nous saluons le fait que les rebelles ougandais quittent notre pays et déposent leurs armes. Notre souci est que notre Etat et la communauté internationale assument leurs responsabilités et reconnaissent nos souffrances. Mais nous voulons aussi que les auteurs de ces crimes soient jugés. Nous demandons au gouvernement centrafricain de nous soutenir dans notre quête de justice devant la Cour pénale internationale", prévient l'ex-victime du groupe armé.

Pendant ce temps, le fondateur et chef de la LRA, Joseph Kony, qui fait l'objet depuis 2005 d'un mandat d'arrêt international délivré par la Cour pénale internationale (CPI), est toujours dans la nature. Son lieu de résidence reste jusqu'à ce jour inconnu.

 

 

Centrafrique : la difficile cohabitation entre les anciens rebelles et leurs victimes

https://www.dw.com/ 21.01.2022

En Centrafrique, les victimes d'anciens rebelles manifestent leur mécontentement à l'idée de cohabiter avec leurs anciens bourreaux.

La scission entre Ali Darassa, chef d'état-major de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), et son adjoint Hassan Bouba, désormais ministre de l'élevage, ainsi que la mort du numéro 2 Didier Wangay, ont entraîné une vague de défection au sein de l'Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC). 

L'UPC est membre de la Coalition des patriotes pour le changement de François Bozizé. Plusieurs officiers de cette organisation ont donc déposé les armes.

Parmi eux, Oumar qui a témoigné à la DW : "Ce qui m'a contraint à sortir, c’est que notre pays a retrouvé la paix et, j'aimerais que ça se poursuive jusqu'à la fin. Nous allons accompagner cette paix jusqu'à sa consolidation. Les frères que nous avons rencontrés ici, nous les acceptons. Nos amis Russes, les Forces armées centrafricaines et le capitaine qui a reçu nos éléments nous ont bien accueillis. Nous n'avons pas faim, il n'y a pas de menaces et nous souhaitons rester ainsi jusqu'à la fin."

Une population hésitante

Le gouvernement affirme qu’il viendra à bout sous peu de la rébellion en Centrafrique. Mais les armes déposées par certains rebelles ne suffisent pas à convaincre la population de leur bonne volonté.
 
Cécile, une habitante d’Alindao, a été violée par les rebelles de l'UPC. Elle a depuis quitté son village d’Alindao et vit à Bambari, une localité où les rebelles sont regroupés provisoirement.
 
"Nous avons été violées. Beaucoup sont mortes, d'autres sont devenues folles. Nous vivons dans la honte. Nous n'avons pas de paix intérieure, nos habitations ont été incendiées et nous ne savons quoi faire. Et désormais on va les former pour les incorporer dans l'armée ? Mais alors nous, qu'allons-nous faire ?", se demande-t-elle

Vers une totale impunité? 

En acceptant de déposer les armes, les anciens rebelles bénéficient d’une amnistie. Mais leur nouvelle vie est mal acceptée par leurs victimes.
 
Enock Fortuné Binguidé, président de l'association des victimes est consterné : 

"Depuis que les éléments de la CPC ont été désarmés dans les villages de Tagbalé et Alindao, les habitants vivent dans la peur. Il faut rappeler qu'en 2013, les rebelles ont tué 54 personnes et incendiés 300 maisons dans les villages de Atcha, Kpohoropko, Mokokpolo et Boy-Kette, poussant 6.000 personnes à se réfugier à Bambari, sur le site de Sangaris, et 5.000 autres à Ngakobo. Pourquoi le gouvernement et la Minusca traumatisent les victimes en laissant ces rebelles qui ont commis des crimes les défier, en les laissant se promener le jour comme la nuit dans Bambari ?"    

Face à la crainte des victimes, les services du programme de désarmement et réinsertion indiquent qu’une mission de travail se rendra à Bambari pour recenser les rebelles désarmés, faire le point sur les poursuites individuelles ou collectives et, si nécessaire, le rapatriement de certains d’entre eux. 

En attendant, les victimes et leurs anciens bourreaux cohabitent à Bambari. L’impunité accordée à ces anciens rebelles, destinée à inciter les autres à déposer les armes à leur tour, est très mal vécue par la population civile. Certains pourraient être tentés de se faire justice eux-mêmes.

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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 14:36
CEEAC : une réunion du Copax sous le signe de la relance

 

 

Mardi 18 Janvier 2022 – 12:26

La première session ordinaire du Comité technique spécialisé défense, sûreté et sécurité du Conseil de paix et de sécurité de l’Afrique centrale (Copax) s’est tenue le 17 janvier à Kintélé, au nord de Brazzaville, sous l’égide du ministre congolais de la Défense nationale, Charles Richard Mondjo. Il était question de relancer cet organe plongé depuis quelques années dans la léthargie.

Au cours de la réunion, les participants ont examiné les conclusions des travaux des experts, le rapport du segment des chefs d’états-majors généraux, commandants en chef, directeurs généraux de police et de gendarmerie.

« Cette réunion permettra notamment aux participants d’aborder les questions essentielles à la vie des pays du Copax, à savoir la sécurité dans l’espace régional en partant du domaine continental à la frange maritime avec les défis qui s’y greffent », a déclaré Charles Richard Mondjo qui a présidé la cérémonie de clôture au nom de son collègue des Affaires étrangères.

Il a circonscrit l’importance de cette réunion qui est la première depuis l’entrée en vigueur du traité révisé instituant la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) et du protocole révisé du Copax. « Pilier de la réforme de la CEEAC, la sécurité est l’un des grands défis de notre temps, dans la mesure où notre région fait face aux conflits ouverts et aux menaces profuses et diffuses », a précisé le ministre Charles Richard Mondjo. Il a ajouté que si l’Afrique centrale a besoin de paix et de stabilité pour accélérer son développement, il est question que l’engagement des pays de la CEEAC pour la paix et l’idéal partagé au service de cette cause soient des valeurs qui rapprochent et rassemblent les peuples.

Poursuivant son propos, le ministre congolais de la Défense a affirmé que « l’élan manifesté ces derniers temps pour la mise en œuvre de la réforme gagne ce jour en amplitude, avec cette première session ordinaire du Copax… ». Il a invité les participants à réfléchir sur le type d’organisation souhaitée pour la structure opérationnelle de la CEEAC qui est l’état-major régional de la Force multinationale d’Afrique centrale.

Dans la série d’allocutions qui ont meublé cette réunion, on a également retenu celle de l’ambassadeur Gilberto Piedade Verissimo, président de la CEEAC, qui a insisté sur les questions d’actualité sur lesquelles les ministres doivent apporter des solutions. Le terrorisme, l’extrémisme violent, la lutte contre le mercenariat, la sécurité maritime sont, entre autres, ces enjeux brûlants de l’heure.

Le président de la Commission de la CEEAC a, en outre, insisté sur des efforts qui doivent être fournis pour que les États de cet espace communautaire parlent une seule et même voix et fassent preuve d’intégration sur les questions de gestion sécurisée des postes maritimes. L’ambassadeur Gilberto Piedade Verissimo a également estimé que l’examen et l’action des textes sur la mise en œuvre du comité des sages d’Afrique centrale constituent un autre point en attente de satisfaction à l’issue de ce rendez-vous. Il a espéré que la mise en place de ce comité permettrait à la CEEAC de rattraper un retard et d’ouvrir une nouvelle page dans l’opérationnalisation des politiques communautaires, dans le domaine de la construction de la paix et de la sécurité, notamment dans la préservation des conflits.

A noter que cette rencontre des ministres de la Copax, qui prépare la 20e session de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEEAC, prévue ce 19 janvier 2022, à Kintélé, fait suite à la réunion extraordinaire sur la situation au Tchad, tenue le 4 juin 2021. Elle se tient après la grande réforme institutionnelle réalisée en 2019.

https://www.adiac-congo.com

 

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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 14:23
RCA : enquête de l'ONU sur un massacre attribué aux forces centrafricaines et paramilitaires russes

 

AFP le 21/01/2022 à 19:54

L'ONU enquête sur un massacre présumé près de la ville de Bria, à 600 km à l'est de la capitale centrafricaine Bangui, qui aurait vu plusieurs dizaines de victimes civiles lors d'une opération conjointe les 16 et 17 janvier des forces armées et de mercenaires du groupe privé russe Wagner.

Cette opération visait le groupe armé Unité pour la paix en Centrafrique (UPC), un des principaux groupes rebelles très actifs dans l'est du pays, a précisé vendredi une source onusienne, sous couvert de l'anonymat. "Plus de 30 personnes civiles auraient été tuées, certaines par des balles perdues", a-t-elle ajouté, évoquant aussi la possibilité de pillages par les auteurs de l'opération militaire.

"Les forces armées centrafricaines et les Russes sont en train de commettre un massacre", a déclaré de son côté à l'AFP une source militaire en Centrafrique, sous couvert de l'anonymat. "Il y aurait des exécutions sommaires et nous parlons de plus de 50 morts", a-t-elle poursuivi.

"Je n'ai pas eu connaissance de cette attaque", a pour sa part déclaré à l'AFP Albert Yaloké Mokpeme, porte-parole de la présidence centrafricaine.

La mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca) a entrepris d'interroger des survivants afin d'éclaircir la réalité des faits, ont précisé les sources onusiennes.

Interrogé, le porte-parole de l'ONU à New York, Stéphane Dujarric, a confirmé que la Minusca "avait reçu des informations sur une opération conduite plus tôt dans la semaine par les forces armées centrafricaines et d'autres forces de sécurité contre de présumés combattants de l'UPC au nord de Bria".

"Nous sommes en train d'évaluer le nombre de victimes et de personnes déplacées", a-t-il dit.

La Minusca, qui a dépêché une mission sur place, "continue d'évaluer la situation, en veillant à ce que les mesures nécessaires soient prises pour protéger les civils", a indiqué Stéphane Dujarric.

- Exactions -

Deuxième pays le moins développé au monde selon l'ONU, la Centrafrique a été plongée dans un conflit sanglant après un coup d'Etat en 2013.

Alors que la guerre civile avait fortement baissé d'intensité ces dernières années, les principaux groupes armés -- qui contrôlaient déjà les deux tiers du pays -- avaient lancé fin décembre 2020 une offensive à quelques jours de la présidentielle pour renverser le président Faustin Archange Touadéra, en lice pour un second mandat.

Les rebelles, dont l'UPC, réunis au sein de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), étaient même arrivés début janvier aux portes de la capitale.

M. Touadéra avait alors appelé la Russie à l'aide, sauvant ainsi son pouvoir, mais la présence des paramilitaires du groupe russe de sécurité privée Wagner est de plus en plus controversée et les attaques rebelles se poursuivent.

A la mi-2021, le groupe d'experts de l'ONU chargé de la Centrafrique et du contrôle de l'embargo sur les armes imposé à ce pays avait dénoncé des exactions commises contre des civils lors d'opérations des forces de sécurité centrafricaines et de paramilitaires russes du groupe Wagner.

Le gouvernement centrafricain avait lui-même reconnu en octobre la réalité de certaines accusations formulées par l'ONU, notamment sur des crimes et actes de torture, commis "majoritairement" par des rebelles mais aussi des soldats centrafricains et leurs alliés.

- "Instructeurs" -

Le groupe Wagner est réputé proche du Kremlin, ce que Moscou dément.

La Russie ne reconnaît officiellement la présence que de 1.135 "instructeurs non armés" mais les ONG opérant sur le terrain, la France et l'ONU affirment qu'une partie d'entre eux appartiennent à Wagner.

Lors de la dernière réunion du Conseil de sécurité sur le conflit centrafricain, les Etats-Unis avaient demandé à Moscou d'enquêter sur les exactions attribuées à des ressortissants russes.

Le groupe d'experts de l'ONU ne fonctionne plus depuis le 31 août, le renouvellement de ses membres ayant été bloqué l'été dernier par la Russie qui estime que sa composition est noyautée par les Occidentaux.

Vendredi, le blocage perdurait, ont indiqué plusieurs diplomates à l'AFP. Les Occidentaux suspectent la Russie de trouver son intérêt à ne pas résoudre ce long et rare blocage.

Le président centrafricain a décrété le 15 octobre un "cessez-le-feu unilatéral" pour favoriser l'ouverture prochaine d'un dialogue.

Les principaux groupes armés avaient annoncé qu'ils respecteraient également un cessez-le-feu. Mais certains, comme l'UPC, ont continué leurs attaques contre des civils et des militaires.

 

Lu pour vous

 

Les terribles compromissions de l’ONU en Centrafrique

 

La rédaction de Mondafrique il y a 3 ans

 

Le contingent de Casques bleus mauritaniens de la Minusca est accusé d’être complice du massacre d’Alindao qui a fait une soixantaine de tués chrétiens et animistes.

Rappelons que les villages dans la périphérie de la sous-prefecture d’Alindao sont en cendres et que les victimes ne peuvent être comptabilisées. A Alindao, dans l’évêché, parmi les victimes, se trouvent deux prêtres qui ont été martyrisés. La paroisse catholique a été décimée et les lieux du culte ont été vandalisés par les hommes et jeunes de l’Union pour la Paix en Centrafrique (UPC) de Ali Darassa Mahamat, un peulh venant du Niger.

Un témoignage édifiant d’un universitaire français, présent à Alindao, publié dans le quotidien La Croix (voir ci dessous), est sans appel.

La complaisance de la Minusca

 L’UPC, jadis composante de la Seleka, fait régner la terreur depuis l’arrivée au pouvoir de « Michel » Djotodia Am Nondroko, auteur du coup d’État de mars 2013. Ali Darassa Mahamat fait régner sa loi sur la population de la région en toute impunité et sous l’oeil complaisant des Casques bleus mauritaniens.

En août 2015, le chargé d’affaires américain avait demandé au responsable de la Minusca, représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, l’arrestation d’Ali Darassa Mahamat. Peine perdue ! Le même responsable de la Minusca, toujours en poste, peut multiplier les communiqués condamnant  » énergiquement » les tueries qui se multiplient. Il n’a évidemment pas manqué d’en faire un nouveau pour le massacre d’Alindao. Qu’en pense le Secrétaire général de l’ONU?

L’aide internationale détournée

De même, le président Touadera et son clan familial siphonnent en toute impunité les multiples aides internationales. Dans toute la partie orientale du pays, il n’y a plus de services publics. L’État a quasiment disparu mais les financements affluent pour un hypothétique redéploiement de ces services publics. Le président Touadera a intégré dans son cabinet des représentants des rebelles pour éviter des oppositions risquant de menacer son régime autocratique. Comment expliquer que parmi ses conseillers à la présidence se trouve Hassan Bouba, l’un des responsables de l’UPC qui vient de mettre à feu et à sang Alindao et ses environs.

Que pourront attendre les Centrafricains d’un nouveau mandat de la Minusca, au coût de fonctionnement de près d’un milliard de dollars ?

LE TEMOIGNAGE PUBLIE PAR LE JOURNAL « LA CROIX » SUR LE MASSACRE D’ALINDAO

Benoît Lallau est maître de conférences à Sciences-Po Lille. Connaissant la RCA depuis près de trente ans, il était à Alindao, dans le cadre d’un partenariat avec la Caritas Centrafrique, le jour où l’évêché a été attaqué et soixante personnes tuées.

Voici son témoignage.

15 Novembre 2018

Évêché d’Alindao, une petite ville à 500 km au sud-est de Bangui, en République Centrafricaine. Il est 5 heures du matin. Je me réveille en même temps que tous mes voisins, les « déplacés » du « site catholique ».

Le camp s’est créé spontanément en mai 2017, lors d’affrontements entre milices antibalaka (groupes d’autodéfense villageois), majoritairement des Chrétiens, et l’une des composantes de l’ex-rebellion séléka, musulmane : l’UPC. UPC comme Union pour la Paix en Centrafrique, mais ne vous laissez pas abuser par le nom, nous avons ici affaire à des professionnels de la prédation sans projet politique national, comme ils s’en trouvent beaucoup en RCA ces dernières années. Jusqu’en mai 2017, cette ville d’Alindao était relativement préservée par le conflit centrafricain. Elle n’avait connu que, si l’on peut dire, la mise à sac de janvier 2013, lorsque les séléka s’emparaient l’une après l’autre des localités du pays. Depuis la ville vivait sous « administration » de l’UPC, difficilement donc, mais elle vivait. Tout a changé suite à ces affrontements de mai 2017, et aux sanglantes représailles exercées par les miliciens séléka. Quatre camps se sont constitués, dont celui-ci, le site catholique (appelé ainsi car situé sur et à proximité de la concession de l’évêché). Il est de loin le plus important, regroupant à lui seul plus de personnes (quelque 26 000) qu’il n’y avait d’habitants à Alindao avant ces massacres. Car la plupart des villages environnants ont aussi été détruits par les UPC et désertés par leurs habitants. La ville n’en est plus vraiment une, constituée de sites de déplacés regroupant pour l’essentiel les chrétiens et animistes, sous la protection des casques bleus de la Minusca (1), et d’un quartier musulman protégé par les séléka. La coexistence paisible qui a longtemps prévalu entre les différentes confessions n’est plus qu’un souvenir, qu’un regret.

En Centrafrique, donner la parole aux victimes pour construire l’avenir

Qu’est-ce qu’un site de déplacés ? Dans un dédale de petits sentiers, les huttes de bambou et de paille s’entassent les unes sur les autres. Mais cette confusion n’est qu’apparente, le camp est organisé par blocs, onze ici, dont les noms montrent qu’on est bien dans le site occupé par des chrétiens : Samarie, Jéricho, Jérusalem, etc. Les humanitaires (outre la Caritas, citons Action Contre la Faim et Cordaid en particulier) ont fourni des bâches pour protéger les déplacés de la pluie, et surtout, ont efficacement « fait du WASH » (entendez Water Sanitation and Hygiene), c’est-à-dire développé l’accès à l’eau potable et aménagé des latrines, essentiel pour éviter des épidémies de choléra dans ces espaces improvisés de forte concentration humaine. Mais les déplacés ne comptent pas sur l’aide humanitaire pour survivre. Paysans, ils s’efforcent de se rendre au champ pour travailler leurs parcelles de manioc, de maïs, d’arachide. Ce qui est dangereux. On ne compte plus les personnes abattues par les séléka, alors qu’elles s’étaient trop éloignées du site pour leurs activités agricoles.

Ces derniers temps, la tension est montée. Les leaders de l’UPC accusent les religieux catholiques de susciter le désordre, en abritant de nombreux antibalaka sur le site, et même en leur fournissant les armes et les munitions leur permettant de s’en prendre à des musulmans. Accusation sans fondement, mais en suite de laquelle ils exigent que le camp soit vidé, que les familles retournent dans leur quartier ou leur village. Ce qu’aucune n’est prête à faire, étant donné l’insécurité qui perdure, et parce que souvent, elles n’ont plus de maison. La vraie raison de cette hostilité vis-à-vis de l’Église catholique est sans doute ailleurs : il s’agit de la seule institution concurrente à l’administration séléka, dans une région où, de fait, l’État centrafricain n’a strictement aucune prise. Dans « l’État UPC », réminiscence des sultanats précoloniaux, les églises chrétiennes n’ont pas leur place, des empêcheurs de piller en rond, en quelque sorte…

Ce 15 novembre donc, la décision est prise par l’UPC, celle d’éradiquer ce site, repère d’antibalaka, et cet évêché, leur « protecteur ». Une agression d’un musulman, aux circonstances peu claires, sert de prétexte. Dans les jours qui ont suivi, sur Radio France Internationale (qui se contente de relayer la version officielle de la Minusca), on parle d’un affrontement entre groupes armés. Faux. Il s’agit d’une razzia, dans les règles de l’art : terroriser, tuer, piller, détruire. Les tirs, très intenses, durent de 8 heures du matin à la nuit tombée. Trois vagues d’assaillants et de pillards se succèdent, les séléka d’Alindao, puis des « renforts » venus d’une petite ville à 60 km, désirant prendre leur part, et enfin une partie de la population musulmane de la ville, venant, comme c’est l’usage, ramasser les miettes laissées par les hommes en armes.

Évêque, en sango cela se dit Kota Bwa, littéralement grand prêtre. Et plus que jamais Mgr Cyr-Nestor Yapaupa, l’évêque du lieu, mérite ce titre. Il incite les habitants du site à fuir en brousse alors qu’ils viennent se réfugier autour de l’évêché. Beaucoup lui doivent la vie. Il discute calmement avec les séléka, tentant de freiner leur violence et leur enthousiasme. Car ils sont contents, tous ces gamins, leurs éclats de rire contrastent avec la peur des déplacés, avec la nôtre. C’est un grand jour pour eux, enfin ils ont détruit ce repère d’antibalaka et se sont bien servis au passage. Ce fait d’armes n’a pourtant rien de glorieux. Face à eux, à peine quelques jeunes armés de fusils artisanaux, bien vite mis en fuite. Et surtout, un contingent mauritanien de la Minusca complètement passif. 26 000 personnes fuyant en brousse, les 11 blocs du camp tout ou partie calcinés, les bâtiments catholiques pillés et pour certains incendiés au lance-roquettes, pour le plaisir, pour le symbole. Et les casques bleus ne bougent pas, les soldats de la paix restent terrés derrière leurs protections, autour du site. De quoi une nouvelle fois alimenter les accusations de collusion entre Minusca mauritaniens et séléka, religion oblige. Collusion ou pas, terrible incurie, une nouvelle fois de ces onusiens et leurs opérations de « maintien de la paix ».

Vendredi 16 novembre

Nous revenons sur le site, sous la protection des Minusca, burundais cette fois. La fumée, âpre, nous prend à la gorge. A perte de vue, des cendres, du bois ou des récoltes qui terminent de se consumer.

Des corps, souvent calcinés, commencent à être mis en terre. Deux prêtres comptent parmi les quelque soixante victimes. Dans l’enceinte du presbytère, comme tant d’autres, une jeune maman est penchée sur les ruines fumantes de ce qui était la hutte familiale, recherchant ce qui n’a pas été brûlé, ou pillé . Il faudra toute recommencer, une fois encore. Mais où, et avec quelle sécurité ? Cette jeune femme m’interpelle, me demandant ce qu’il faut faire maintenant, où il faut aller, elle pleure. Je m’éloigne.

Samedi 17 novembre.

Les séléka permettent enfin à la Croix-Rouge centrafricaine de pénétrer sur le site, pour terminer le travail d’inhumation des corps. Ces volontaires sont sous la protection des casques bleus, qui semblent craindre de nouveaux incidents. D’ailleurs les antibalaka commencent à faire entendre leur colère et leur soif de vengeance. Le cycle des violences risque bien de se poursuivre, ici et ailleurs, tant que perdurera l’impunité des pillards et des massacreurs, quelle que soit la religion dont ils se réclament.

Épilogue

Dimanche 18 novembre après-midi, je suis dans l’hélicoptère de la Minusca qui nous ramène vers Bangui. Cela n’a pas été simple de rentrer. Nous nous sommes vus refuser l’accès au vol humanitaire usuel, de l’UNHAS (2), par le responsable du PAM (3) en Centrafrique. La raison avancée : les UN se doivent de conserver toute neutralité dans le conflit, et donc l’UNHAS ne peut dans ce contexte accepter des prêtres et des personnels de la Caritas. Vous ne parlez pas la novlangue UN ? je traduis : nous ne sommes pas les victimes d’une razzia, mais des belligérants. Me voilà donc considéré par ce technocrate onusien comme un chef de milice antibalaka, de même que les prêtres et l’économe du diocèse qui m’accompagnent. Bizarrement peut-être, j’en veux presque plus à ce monsieur, rentier parmi beaucoup d’autres de la crise centrafricaine, qu’aux gamins de la séléka.

(1) MINUSCA : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique, déployée en avril 2014.

(2) UNHAS : United Nations Humanitarian Air Service.

(3) PAM : Programme Alimentaire Mondial, en charge aussi de l’UNHAS.

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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 14:11
Un Centrafricain, mis en examen en France, libéré sous contrôle judiciaire

 

Crimes contre l’humanité : un Centrafricain, mis en examen en France, libéré sous contrôle judiciaire

Par Le Parisien avec AFP Le 21 janvier 2022 à 12h21

L’ancien officier avait été arrêté en 2020 à Besançon et mis en examen pour torture et complicité de crimes contre l’humanité.

Un ancien officier centrafricain, mis en examen à Paris pour torture et complicité de crimes contre l’humanité, a obtenu mercredi sa libération sous contrôle judiciaire, a-t-on appris ce vendredi de sources concordantes.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a ordonné la libération et le placement d’Éric Danboy Bagale sous contrôle judiciaire, selon une source judiciaire. Écroué depuis septembre 2020, l’homme, aujourd’hui âgé de 43 ans, a quitté la prison de Fresnes dans la nuit de mercredi à jeudi, a indiqué son avocate Me Marie-Alix Canu-Bernard.

Éric Danboy Bagale, qui vit en France depuis mai 2014, a été arrêté à Besançon et mis en examen le 18 septembre 2020.

Ex-officier devenu agent d’entretien à son arrivée en France

La justice française soupçonne cet ex-officier qui a servi dans la garde présidentielle, devenu agent d’entretien depuis son arrivée dans l’Hexagone, de s’être livré à des actes de tortures sur des opposants politiques entre 2007 et mars 2013, date de sa fuite du pays pour suivre François Bozizé, ex-président de 2003 à 2013, renversé par un putsch.

Elle le suspecte aussi d’avoir été responsable de milices anti-balaka et donc complice de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité entre mars 2013 et mai 2014 en Centrafrique mais aussi au Cameroun, en Ethiopie, au Kenya et au Soudan du Sud.

Les milices anti-balakas, des groupes armés majoritairement chrétiens et animistes, ont été formées pour combattre les milices de la Séléka, une alliance de rebelles issus du nord du pays à majorité musulmane, qui ont chassé François Bozizé du pouvoir en 2013. Ce dernier a été placé en 2014 sous sanctions par les Nations unies pour avoir organisé une contre-insurrection sanglante depuis son exil à l’aide de ces milices.

Il reconnaît avoir été proche de Bozizé

S’il reconnaît bien avoir été proche de Bozizé, dont il est un cousin, et avoir participé au coup d’État en 2003 ayant mené ce dernier au pouvoir, Éric Danboy Bagale clame son innocence pour les faits qui lui sont reprochés par la justice française.

« La cour d’appel de Paris a tiré les conséquences du caractère hasardeux et confus d’une telle procédure », a commenté Me Canu-Bernard. « On ne peut que s’interroger sur les raisons de son ouverture en France, alors même que tant la Cour pénale spéciale que la Cour pénale internationale sont saisies de ces faits, sans avoir jamais mis en cause Monsieur Danboy qui pour autant s’est vu reprocher des faits d’une gravité exceptionnelle et a fait 16 mois de détention à Fresnes ! »

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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 14:09
Des « exactions » militaires et de leur couverture médiatique sélective (suite et fin)

 

https://reseauinternational.net/   5 janvier 2022 / par Éric Denécé.

 

Des alertes ignorées

Les militaires ou membres de la CIA qui ont travaillé avec Talon Anvil de 2014 à 219 déclarent que dans sa précipitation à détruire l’ennemi, l’unité a contourné les règles imposées par le Pentagone afin de protéger les non-combattants, ce qui a rapidement alarmé ses partenaires car elle tuait des civils qui n’avaient aucun rôle dans le conflit. De même, plusieurs villes syriennes, dont la capitale régionale, Raqqa, ont été quasiment détruites par les bombardements. Plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme affirment que la coalition a causé la mort de milliers de civils pendant cette guerre.

Pourtant, le Pentagone a présenté la guerre aérienne contre l’État islamique comme la plus précise et la plus « humaine » de l’histoire militaire, affirmant que des règles d’engagement très strictes et la supervision de hauts gradés ont permis de limiter au maximum les victimes collatérales en dépit du rythme féroce de bombardements. Néanmoins, plusieurs responsables militaires reconnaissent que la majorité des frappes n’ont pas été validées par l’État-Major d’Al-Udeid au Qatar, mais déclenchée par des commandos – sergent ou sergent-chef – de la Delta Force appartenant à Talon Anvil.

Certes, les opérateurs de cette unité ont subi une pression énorme afin de protéger les forces terrestres kurdes et syriennes et de permettre la réussite des offensives. Se sentant entravés par les règles régissant les frappes aériennes, ils ont trouvé le moyen de les déclencher plus rapidement en prétendant qu’elles avaient pour but « l’autodéfense ».

En effet, la plupart des restrictions ne s’appliquaient qu’aux frappes offensives. Il y en avait beaucoup moins concernant les frappes défensives dont le but était de protéger les forces alliées confrontées à une menace imminente. Le droit des conflits armés permet aux troupes en situation de danger de mort de demander des frappes en vertu de ce que les règlements militaires appellent un « droit inhérent à la légitime défense ». Dans ce cas, le commandant américain permettait aux opérateurs de terrain de demander des frappes sans remonter toute la chaîne hiérarchique et ses règles. De plus, ces frappes défensives ne nécessitaient pas de justification fondée sur du renseignement, contrairement aux opérations offensives, qui en exigeaient une.

Les forces américaines et leurs alliés locaux invoquèrent donc cet argument lorsqu’ils étaient confrontés non seulement à des tirs ennemis directs, mais aussi à toute personne affichant une « intention hostile ». Selon cette définition, en véhicule situé à des kilomètres des forces amies, mais roulant dans leur direction pouvait dans certains cas être visé. Ainsi, Talon Anvil a commencé à justifier toutes les frappes demandées au nom de la légitime défense des unités de terrain, ce qui lui permettait d’agir rapidement, quand bien même les cibles étaient situées à des kilomètres.

Les militaires ayant travaillé avec Talon Anvil ont par ailleurs déclaré que l’unité s’appuyait trop souvent sur des renseignements peu fiables provenant des forces terrestres kurdes et arabes ou se précipitait pour attaquer sans se soucier des civils se trouvant à proximité. Les membres de la cellule d’attaque décidaient souvent seuls d’une cible ennemie alors qu’il y avait peu de preuves à l’appui.

Une partie du problème venait du fait que les opérateurs Delta, qui changeaient à peu près tous les quatre mois, étaient formés comme des commandos d’élite mais avaient peu d’expérience dans la gestion d’une cellule de guidage de frappes aériennes. En outre, la multiplication des tirs qu’ils ordonnait éroda peu à peu leur humanité. Ainsi, la grande majorité des frappes de Talon Anvil tuèrent beaucoup moins de combattants ennemis que de civils.

Les partenaires de la cellule s’en sont rapidement aperçus et ont alerté leur hiérarchie à mesure que les mauvaises frappes se multipliaient. Les pilotes de l’US Air Force ont parfois refusé de larguer des bombes parce que Talon Anvil voulait frapper des cibles douteuses dans des zones densément peuplées. Le centre d’opérations de l’US Air Force a été à plusieurs reprises informé suite à ces bad strikes, mais ses chefs semblaient réticents à enquêter sur cette unité secrète. Y compris au sein de Talon Anvil, certains opérateurs ont parfois refusé de demander des frappes visant des personnes qui ne participaient pas au combat.

Après avoir vu à une dizaine de reprises la cellule ordonner des bombardements sans considération pour les civils, les personnels de la CIA se sont également plaints au JSOC de ces frappes indiscriminées déclenchées par des sous-officiers et ont alerté les autorités sur ces dérives. Le personnel du Centre des opérations aériennes au Qatar a aussi fait remonter ses doutes concernant les frappes commandées par l’unité. Les avocats de l’armée de l’air ont commencé à tenir le compte des bombardement demandés par Talon Anvil au titre de l’autodéfense, puis les a comparé avec les images des drones et d’autres preuves. Fin 2018, environ 80% de toutes les frappes aériennes demandées par Talon Anvil invoquaient la légitime défense, alors que c’étaient les Américains et leurs alliés qui étaient à l’offensive. De plus, cette analyse montra que les opérateurs de la cellule justifiaient leurs demandes en donnant des renseignements qu’il était impossible de vérifier via les images de drones.

Plus grave encore, certains membres de Talon Anvil poussaient les analystes à dire qu’ils avaient vu des preuves – par exemple des armes – pouvant légalement justifier une frappe… même lorsqu’il n’y en avait pas ! Si un analyste ne voyait pas ce qu’un opérateur Delta de la cellule voulait, il le demandait à un autre. Et lorsque les analystes vérifiant les images des frappes de drones et de missiles commencèrent à contester les affirmations de Talon Anvil – notamment celles qualifiant de « combattants de Daech » des corps qui étaient clairement ceux d’enfants – les opérateurs de la cellule se mirent à couper les caméras des drones peu avant une frappe, empêchant ainsi la collecte de preuves vidéo.

Toutefois, bien qu’un certain nombre de cadres du centre d’opérations aient soupçonné Talon Anvil d’inclure des fausses informations trompeuses dans leurs demandes afin de justifier les frappes, ils considéraient ne pas avoir suffisamment de preuves pour faire incriminer la cellule. Et en dépit des alertes répétées provenant de l’US Air Force et de la CIA, il n’a jamais été mené d’enquête indépendante sur ces bombardements ayant tué chaque fois des dizaines de femmes et d’enfants.

L’absence de réaction des autorités

Les règlements du Pentagone exigent que toute violation « possible, soupçonnée ou présumée » du droit des conflits armés soit immédiatement signalée au commandant d’unité, ainsi qu’aux enquêteurs criminels, aux chefs d’État-Major interarmées et au secrétaire à la Défense. Pourtant, rien de tel n’a eu lieu. Ces frappes non justifiées n’ont entraîné aucune enquête des autorités militaires.

Dans l’affaire de Karama (mars 2017), un officier de l’US Air Force a déclaré avoir immédiatement signalé les pertes civiles au centre d’opérations d’Inherent Resolve, mais dit n’avoir jamais reçu de réponse bien que l’armée américaine se soit engagée à enquêter et à rendre public chaque cas de victimes civiles. Aucun enquêteur militaire ne l’a jamais contacté. Pourtant les preuves de l’attaque – enregistrements des forums de discussion, coordonnées des bombardements, vidéos, etc. – sont stockées sur des serveurs gouvernementaux. Mais en raison du secret entourant Talon Anvil, tout est classifié.

Dans celle de Baghuz (mars 2019), après avoir visionné les images, un avocat de l’armée de l’air, le colonel Korsak, a ordonné aux analystes d’Al-Udeid de préserver neuf éléments de preuve, dont les vidéos, et a prévenu sa chaîne de commandement que cette frappe constituait un possible crime de guerre qui nécessitait une enquête. Il a également ajouté que Talon Anvil semblait couvrir ses violations répétées des règles d’engagement en invoquant abusivement « l’autodéfense ». Il a insisté à plusieurs reprises auprès des autorités et des enquêteurs criminels de l’US Air Force pour qu’ils agissent. Comme ils ne le faisaient pas, il a alerté l’inspecteur général indépendant du ministère de la Défense.

Mais à presque tous les niveaux, les militaires ont pris des mesures pour dissimuler ces frappes catastrophiques. Le nombre de morts a été minimisé et les comptes-rendus ont été retardés, expurgés et classifiés. À Baghuz, les forces de la coalition dirigée par les États-Unis ont même rasé le site du bombardement au bulldozer afin de faire disparaître toute preuve. Et les hauts dirigeants n’ont pas été informés.

L’inspecteur général indépendant du ministère de la Défense a ouvert une enquête sur les pertes civiles, mais son rapport publié au printemps 2021 demeure « Top secret ». Cependant, son bureau a reconnu que ce rapport ne mentionnait pas Baghuz ! Deux ans après la frappe, ne voyant aucune preuve que l’organisme de surveillance prenait des mesures, le colonel Korsak a envoyé un courriel à la commission des Forces armées du Sénat, disant que ses supérieurs n’avaient pas ouvert d’enquête.

Les détails des frappes demandées par la Task Force 9 via sa cellule Talon Anvil ont été reconstitués par le New York Times pendant des mois à partir de documents confidentiels et d’entretiens avec des personnels civils et militaires ayant été directement impliqués dans ces actions. L’enquête du média a permis de révéler que le bombardement de Baghuz avait été ordonné par la Task Force 9 sans que le commandement des opérations aériennes au Qatar n’en soit informé.

Après que le New York Times ait transmis ses conclusions au Central Command, qui supervise la guerre aérienne en Syrie, celui-ci a reconnu pour la première fois la réalité de ces frappes, mais a affirmé que celles-ci étaient justifiées. Il a concédé qu’il n’était pas certains que toutes les victimes aient été des combattants de Daech, mais il a déclaré qu’il n’était pas non plus convaincu qu’elles soient des « civils innocents », parce que les femmes et les enfants de l’État islamique prenaient parfois les armes.

Néanmoins, à la suite de la parution du premier article du New York Times en novembre 2021, le secrétaire à la Défense Lloyd J. Austin III a enfin ordonné une enquête de haut niveau sur les actions commanditées par Talon Anvil

 

 

*

Dérives, débordements et exactions militaires se sont malheureusement toujours produits à l’occasion des conflits. Les principaux responsables en ont été les Britanniques dans leur lutte contre l’indépendance irlandaise (1919-1921), les Allemands et les Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale – à une échelle incomparable –, la France et le Royaume-Uni à l’occasion des conflits de la décolonisation, puis les Américains pendant la guerre du Viêt-Nam (massacre de My Lai, agent Orange) et les Soviétiques en Afghanistan. Depuis la fin de la Guerre froide, les victimes collatérales des opérations militaires ont été également nombreuses, en particulier à l’occasion des opérations russes en Tchétchénie comme sur tous les théâtres où les Américains ont déclenché leur guerre planétaire contre le terrorisme (GWOT). Les actions de leurs SMP et d’unités comme Talon Anvil en sont les preuves flagrantes.

En dépit de leurs efforts médiatiques pour mettre en lumière les dérapages de leurs adversaires, les Américains commettent autant de bavures et de crimes de guerre que leurs rivaux. C’est pourquoi faire croire que ces derniers sont les seuls auteurs de ce type d’acte n’est qu’une désinformation orchestrée pour se donner le beau rôle. Qu’il s’agisse des bévues de leurs SMP ou de leurs forces armées, force est de constater l’extrême rareté des condamnations médiatiques, comme l’absence de sanctions de l’Union européenne contre ces sociétés ou contre les États-Unis et leur armée. Le ciblage des populations du Donbass par les ultra-nationalistes ukrainiens est également passé sous silence. Seuls les Russes sont « coupables ».

Passés maîtres dans la manipulation des faits et des médias, comme dans l’art du storytelling et de la diversion, les Américains et leurs auxiliaires de l’OTAN servent à l’opinion publique occidentale les plats médiatiques qu’ils ont concocté à leur bénéfice, afin de faire prévaloir leur vision du monde et servir leurs intérêts. Le Russian Bashing en est un exemple flagrant… comme le fut celui du French Bashing en 2003 !

source : https://cf2r.org

  1. https://disclose.ngo/source-memos-terreur-egypte
  2. Eric Denécé, « Opération Sirli : zones d’ombres et soupçons de manipulation », Fildmedia.com, 5 décembre 2021.
  3. Avion léger de surveillance et de renseignement.
  4. Composée principalement d’éléments des forces spéciales de plusieurs pays de l’UE, elle est chargée d’assister les forces armées maliennes dans leur lutte contre les groupes djihadistes.
  5. Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la Stabilisation au Mali.
  6. Mathieu Olivier, « Russie-Afrique : Wagner, enquête sur les mercenaires de Poutine », Jeune Afrique, 26 juillet 2021
  7. Décision du Conseil Affaires étrangères du 13 décembre 2021.
  8. Début 2003, elle est rachetée par la société Computer Science Corporation (CSC), qui travaille également pour le Pentagone.
  9. À la suite de ces faits, Blackwater adopte le nom de Xe en février 2009, puis change à nouveau son nom pour celui d’Academi en décembre 2011.
  10. Cf. Eric Denécé et Alain-Pierre Laclotte, « La Nouvelle guerre secrète : unités militaires clandestines et opérations spéciales », Mareuil éditions, Paris, 2021.
  11. Dave Philipps and Eric Schmitt, « How the U.S. Hid an Airstrike That Killed Dozens of Civilians in Syria », The New York Times, 13 novembre 2021.
  12. Dave Philipps, Eric Schmitt and Mark Mazzetti, « Civilian Deaths Mounted as Secret Unit Pounded ISIS », The New York Times, 12 décembre 2021.
  13. Rappelons que ce que les Américains appelaient « Forces syriennes alliées » étaient les quelques combattants de l’Armée syrienne libre (ASL), dont la majorité des membres, une fois formés et équipés, partaient rejoindre divers groupes djihadistes dont le Front Al-Nosrah, la filiale d’Al-Qaïda en Syrie, localement en conflit avec Daech.
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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 13:55
Des « exactions » militaires et de leur couverture médiatique sélective
Des « exactions » militaires et de leur couverture médiatique sélective

 

Lu pour vous

 

https://reseauinternational.net/   5 janvier 2022 / par Éric Denécé.

L’actualité récente est riche d’articles de presse dénonçant les dérives, débordements et exactions militaires à l’occasion des opérations armées conduites par les principaux acteurs géopolitiques mondiaux.

Ces derniers mois notamment, la France et la Russie ont fait l’objet d’une couverture particulière à travers leurs opérations en Égypte (opération Sirli) pour l’une, ou en Syrie, en Ukraine et en Afrique (groupe Wagner) pour l’autre. En revanche, les nombreuses bavures américaines – qu’elles relèvent des forces armées ou des sociétés militaires privées – ne sont évoquées que de manière sommaire dans les médias et ne font jamais la « une » de l’actualité. Ce choix des rédactions traduit une étonnante sélectivité dans le traitement médiatique de ces événements et dans le parti pris des informations portées à la connaissance du public.

Voici un excellent éditorial de Eric Denécé, directeur du Centre fançais de Recherche sur le Renseignement, sous le titre : « Des exactions militaires et de leur couverture médiatique sélective », Editorial n°57, janvier 2022.

Cet article a pour premier mérite de nous rappeler quelles ont été ces principales exactions, émanant souvent de sociétés militaires privées, épaulant les armées régulières. Ces exactions ont souvent suscité la haine contre le camp de ceux qui les ont perpétrées. Elles ont constitué l’une des origines principales de la montée du terrorisme dans le monde.

Cet éditorial présente aussi l’intérêt de nous rappeler les différences considérables qui existent dans les traitements médiatiques et judiciaires de ces exactions selon le camp auquel les mis en cause appartiennent. Par exemple, les sociétés militaires privées américaines semblent bien exonérées, par contrat, de leurs responsabilités dans les exactions qu’elles commettent et pour leurs conséquences, qui semblent peu couvertes, voire occultées par les médias ~ Dominique Delawarde

*

Les attaques contre la France au sujet de l’opération Sirli

Selon Disclose, l’aide militaire de Paris apportée à l’Égypte à partir de 2016 afin de lutter contre le terrorisme aurait été détournée par Le Caire pour bombarder des civils se livrant à la contrebande dans l’ouest du pays. Le média affirme que des membres de la Direction du renseignement militaire (DRM) envoyés en Égypte auraient à plusieurs reprises alerté leur hiérarchie, sans que rien ne soit fait. Ces révélations se fondent sur des documents classifiés communiqués au média par une source secrète. Il accuse donc la France de collusion avec le régime d’Al-Sissi et de complicité dans le massacre d’innocents1.

En dépit de la production d’un certain nombre de documents officiels émanant de la DRM et du Quai d’Orsay, les accusations formulées par le média apparaissent particulièrement discutables car fondées sur des éléments fragmentaires ne donnant qu’une vue partielle de la situation et sur des sites internet de contrebandiers que Disclose considère comme « objectifs et fiables ». Les arguments du média sont donc totalement orientés car il estime que ces contrebandiers sont des « civils innocents » ne trafiquant que du riz, mais bien sûr jamais des armes ni de la drogue, et qu’ils sont sans lien avec les islamistes et la criminalité organisée.

Affirmer qu’il n’y pas de liens entre contrebande et terrorisme est faux. Les uns et les autres appartiennent ou utilisent, dans la très grande majorité des cas, les mêmes réseaux criminels. Présenter les trafiquants comme des « civils » est un abus évident de langage afin de créer de la confusion… Terroristes et criminels sont en effet des civils, mais pas des innocents pour autant ! De plus, nier que l’Égypte connaît une menace terroriste élevée et de nombreux trafics d’armes sur ses frontières (Libye, Sinaï, Gaza) relève d’un refus évident de rendre compte de la réalité. Rappelons que la Libye est le principal marché d’armes d’Afrique du Nord, depuis le renversement de Kadhafi et le pillage de ses stocks d’armement. Rappelons également que l’est de la Libye (Dernah, Al-Baïda, Ajdâbiya) a été longtemps le principal foyer islamiste du pays et que la frontière occidentale de l’Égypte est très difficile à contrôler. C’est la principale voie d’infiltration des trafiquants du Sahel et des membres des Frères musulmans, lesquels, bien qu’ils aient été heureusement « étrillés » par le régime de Sissi, n’ont pas abandonné l’idée de conquête du pouvoir, y compris par la force2.

Ainsi, contrairement aux conclusions hâtives de Disclose, il n’existe à ce jour aucune preuve tangible de liens directs entre la surveillance de l’ALSR3 français et les frappes égyptiennes, ni sur les effets de celle-ci. Il ne s’agit pas de nier, pour le plaisir de préserver l’honneur des armées, qu’un détournement des renseignements transmis à notre partenaire ait pu avoir lieu, mais de le prouver. Certes, selon des notes de la DRM, des risques de dérives avaient été identifiés et des frappes à partir de nos renseignements ont probablement eu lieu… mais sur quelles cibles ?

Si l’ALSR français a permis à l’armée égyptienne de frapper et d’éliminer des djihadistes, responsables d’attentats sur notre sol ou qui opèrent au Sahel, nous ne pouvons que nous en féliciter. En revanche, si certains de ces renseignements ont conduit au ciblage, erroné ou délibéré, de contrebandiers, nous ne sommes plus en effet dans notre rôle d’assistance à un allié. Mais de là à vouloir faire croire à l’opinion que nos renseignements sont à l’origine de toutes les frappes égyptiennes et que celles-ci n’ont ciblé que des innocents, il y a un monde ! Aussi est-on en droit de soupçonner une manipulation du média, lequel cherche en l’espèce à la fois le scoop à tout prix et à faire prévaloir ses positions idéologiques.

En effet, Disclose, bien qu’annonçant vouloir jouer un rôle de lanceur d’alerte, appartient à cette sphère journalistique partiale qui attaque régulièrement le régime égyptien du président Al-Sissi car il a mis un terme au régime des Frères musulmans. Rappelons que ce mouvement islamiste extrémiste et haineux est la matrice de tous les groupes terroristes sunnites appelant au djihad, mais qu’il a toujours bénéficié du soutien d’une certaine gauche militante et islamophile.

Notons au demeurant que Disclose n’a jamais protesté contre l’occupation d’une partie du territoire syrien par la Turquie ou par ses frappes contre le PKK ; ni concernant l’agression azerbaïdjanaise contre le Haut Karabakh, l’ostracisation des populations du Donbass par le régime de Kiev – qui les a conduit à prendre les armes –, ou les destructions et exactions militaires saoudiennes au Yémen. Ce média critique la situation des droits de l’Homme en Égypte, mais jamais en Arabie saoudite, au Bahrein ou en Turquie. Il n’a jamais pris la défense des coptes égyptiens victimes de la persécution et des attentats des Frères musulmans, ni rendu compte du fait que Mohamed Morsi livrait des secrets d’État égyptiens à ses parrains turcs et qataris qui l’utilisaient pour islamiser et affaiblir le pays… Dès lors qu’un média est aussi partial, il convient de prendre ses informations avec la plus extrême prudence.

 L’obsession de la société militaire privée russe Wagner

À la mi-décembre dernier, l’Union européenne a décidé de suspendre ses actions de coopération militaire en République centrafricaine en raison de la présence du groupe Wagner dans le pays. Des violations des droits de l’Homme et l’influence de ses instructeurs sur l’armée centrafricaine sont les principaux motifs de l’interruption des actions militaires de la mission européenne à Bangui.

Paris et Bruxelles ont également menacé le Mali de réduire leur assistance à son armée si Bamako faisait appel à la société militaire privée (SMP) russe. En effet, selon des représentants Français et de l’ONU, Bamako a autorisé le déploiement du groupe Wagner sur son sol. Des observateurs auraient détecté la présence de nombreux opérateurs de la société – sans être en mesure d’estimer les effectifs – dans le pays, et observé la rotation d’avions militaires russes, l’installation d’un camp d’accueil sur l’aéroport de Bamako et l’arrivée de géologues russes associés à Wagner.

Une situation que Paris déplore dans un communiqué commun avec quatorze autres États européens : Allemagne, Belgique, Canada, Danemark, Estonie, Italie, Lituanie, Norvège, Pays Bas, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni et Suède. La plupart sont présents militairement au Sahel, au sein de la Task Force Takuba4 et de la MINUSMA5.

Si les États-Unis n’ont pas signé cette déclaration, nul doute qu’ils fassent parti des instigateurs, la quasi-totalité des signataires étant membres de l’OTAN et Washington accusant depuis 2014, non sans raison, le Kremlin d’employer en grand nombre les « mercenaires » de Wagner dans le Donbass (Ukraine) afin que Moscou puisse nier toute intervention directe dans le conflit.

Pour Paris et ses partenaires européens, l’arrivée des hommes de Wagner génère un risque majeur pour les opérations. En effet, tous les combattants à peau blanche se ressemblent aux yeux des locaux. Une confusion des actes de Barkhane, de Takuba et de Wagner – surtout en cas d’exactions – est fort probable, ce qui pourrait encore alimenter le sentiment anti-français. De même, le risque de confrontation avec les « mercenaires » russes est également possible.

Pourtant, Wagner n’opère pas directement en Centrafrique, ni apparemment au Mali. En réalité, il est plus approprié pour désigner les actions « privées » russes de parler des « conseillers » et des entreprises d’Evgueni Prigojine, contrôlés via sa holding financière Concord. Ainsi, par exemple, les Russes interviennent au Soudan depuis 2013, via trois sociétés : M-Finance, à laquelle Wagner fournit des troupes, M-Invest et Meroe Gold, qui détiennent plusieurs concessions minières dans le pays. En Centrafrique, Prigojine opère via les sociétés Lobaye Invest (activités minières) et Sewa Security Services, qui fournit des prestations militaires et de sécurité6.

Afin de réagir au déploiement de la SMP russe en Centrafrique et au Mali, l’Union européenne a décidé d’émettre des sanctions contre les États coopérant avec Wagner7. Elle a adopté une série de mesures restrictives à l’encontre de la société russe, de huit personnes et trois entités lui étant liées, impliquées dans de graves violations des droits de l’Homme, notamment des tortures et des exécutions sommaires, et dans des actions de déstabilisation dans les pays où elles interviennent.

Si ces faits sont indéniables et si les opérateurs de Wagner sont probablement responsables des accusations dont ils sont l’objet, il convient de rappeler que Moscou agit, depuis une dizaine d’années, d’une manière en tout point similaire à ce que font les Américains afin d’assurer le contrôle et la sécurité dans les pays où Washington intervient – Balkans, Afghanistan, Irak, Libye, Pakistan, etc. – et dans ceux dans lesquels le Pentagone souhaite pouvoir nier son implication directe. Dès lors, rien de surprenant à ce que le Kremlin parle d’une « hystérie occidentale » au sujet de Wagner, les États-Unis et leurs alliés refusant de reconnaître à Moscou le droit d’user des méthodes qu’ils emploient depuis plus de trois décennies à l’occasion de leurs opérations extérieures. De plus, n’en déplaise aux médias qui les stigmatisent, les exactions des SMP russes, évidemment condamnables, restent pour le moment, moindres que celles de leurs homologues américaines.

L’étonnante amnésie des médias occidentaux au sujet des nombreuses bavures des SMP américaines

Le premier État occidental à avoir mis sur pied une société militaire privée est l’Afrique du Sud, en 1989, à la suite de l’accord de paix mettant fin au conflit d’Afrique australe. Se posa alors la question de la reconversion des nombreux membres des forces spéciales et des unités de contre-guérilla sud-africaines. Executive Outcomes allait devenir leur débouché professionnel naturel. La société fut rapidement engagée au Sierra Leone afin d’assurer la sécurisation de l’extraction et l’exportation des richesses minières du pays (concessions diamantifères), puis le gouvernement de Freetown fit appel à ses services durant la guerre civile en 1995.

Ce « business » très juteux dans un monde d’après-guerre froide devenu très instable allait être également exploité par les États-Unis.

À partir de 1994, la société militaire privée américaine Military Professional Resource Inc. (MPRI) intervint au profit de la Croatie lors des conflits des Balkans en accord avec la politique de Washington. Elle forma et équipa l’armée croate et conseilla son État-Major, participant directement au succès de l’offensive de l’opération Tempête en Krajina qui permit à Zagreb de l’emporter face aux Serbes.

Puis Dyncorp, société de services du Pentagone aux activités diversifiées, se mit à son tour sur le créneau. En 1998, elle fournit la plupart du personnel de la Mission américaine d’observation au Kosovo. Mais rapidement, les premières dérives allaient apparaître. En 1999, en Bosnie-Herzégovine, plusieurs de ses employés furent impliqués dans des trafics d’armes et d’adolescentes. Tous furent licenciés mais aucun ne fut traduit en justice pour ces actes criminels car, bien qu’étant des opérateurs privés, ils étaient couverts par l’immunité diplomatique ; et la société conserva la confiance du Pentagone. À partir de 2002, en Afghanistan, les hommes de Dyncorp furent chargés de la sécurité d’Hamid Karzaï, le nouveau président afghan, en remplacement de la Delta Force8.

Mais la SMP américaine la plus tristement célèbre est Blackwater. Fondée en 1997 par Eric Prince, un ex-Navy Seal, elle devient rapidement une multinationale du mercenariat au service de la politique étrangère américaine, travaillant notamment en Irak et en Afghanistan pour le compte du Pentagone.

Bien que n’étant officiellement engagés que pour des contrats défensifs, les hommes de Blackwater participent à des raids offensifs organisés par la CIA ou le Joint Special Operations Command (JSOC) en Irak. Dans ce cadre, ils vont alorsmultiplier les frappes inconsidérées et commettre de nombreuses bavures. En réaction, en mars 2004, quatre membres de la société sont tués lors d’une attaque à Falloujah. Leurs corps, brûlés, sont pendus à des luminaires d’un pont sur l’Euphrate avant d’être démembrés par une foule en furie.

Puis le 16 septembre 2007, place Nissour à Bagdad, alors qu’ils circulent en véhicules blindés, des hommes de Blackwater ouvrent le feu à la mitrailleuse et lancent des grenades afin de se frayer un passage, bientôt appuyés par des hélicoptères.Les passants tentent désespérément de se mettre à l’abri. La fusillade sur cette place bondée fait au moins 17 morts et 24 blessés, dont des femmes et des enfants.

Le porte-parole de la société déclara alors que ses employés avaient agi « conformément à la loi en réponse à une attaque » et que « les civils sur lesquels ils avaient fait feu étaient des ennemis armés ». Cette version des faits sera rapidement contredite par les témoignages et les procureurs américains. Toutefois, les poursuites contre Blackwater furent impossibles car l’Autorité provisoire dirigée par Paul Bremer garantissait aux Américains, militaires et civils, l’immunité vis-à-vis du droit irakien.

Ce tragique événement survenant après d’autres excès – dont des trafics d’armes organisés par des membres de Blackwater –, conduisit en 2009, les autorités irakiennes à demander et obtenir le départ de la société de leur pays9. En effet, les preuves des bavures de la SMP dirigée par Erik Prince étaient accablantes. Dès octobre 2007, un rapport de la Chambre des Représentants avait recensé, pour la période allant du 1er janvier 2005 au 12 septembre 2007, 195 fusillades impliquant Blackwater à l’occasion desquelles, dans 163 cas, ses employés avaient ouvert le feu les premiers. Le rapport mentionnait également le meurtre, en décembre 2006, d’un des gardes du corps du vice-président irakien par un employé ivre de Blackwater, lequel fut rapidement évacué vers les États-Unis sans être inquiété. Le rapport révéla aussi que Blackwater avait dû procéder à 122 licenciements de « contractors », dont 28 pour usage inconsidéré d’armes et 25 pour consommation de drogue ou d’alcool. Il s’étonnait enfin que les autorités américaines (département d’État et Pentagone) faisant appel à la société ne remettent pas en cause ses contrats.

De nouveau, en mai 2009, quatre employés de Paravant, une filiale de Blackwater, sont responsables d’une bavure à Kaboul (un mort et deux blessés). Ils sont licenciés mais aucune poursuite n’est lancée contre eux.

Néanmoins, en octobre 2013 aux Etats-Unis, quatre anciens membres de la société responsables des tirs place Nissour à Bagdad en 2007 font face à un nouveau procès. L’un d’entre eux est condamné à la prison à perpétuité, les trois autres à une peine de 30 ans. Mais tous les quatre seront graciés par Donald Trump en décembre 2020, ce qui suscitera une vive indignation en Irak et sera dénoncé par des juristes de l’ONU comme un « affront à la justice ».

À la lecture de ce très incomplet inventaire des « exploits » des SMP américaines – il ne s’agit là que des cas les plus connus –, on mesure combien leurs bévues meurtrières ont été nombreuses en Irak comme en Afghanistan, et l’on comprend qu’elles aient engendré un fort ressentiment anti-américain chez les populations et nourri la rébellion.

Dès lors, les accusations des Occidentaux à l’encontre du groupe Wagner apparaissent pour le moins paradoxales car aucun Etat européen n’a condamné ni imposé de sanctions aux sociétés américaines responsables de crimes infiniment plus nombreux et documentés que ceux des « contractors » russes. Notons au passage que les Américains ont eu la sagesse de ne pas être signataires de l’« appel » de l’UE – sans nul doute conscients que les bévues à répétition de leurs SMP ne les plaçaient pas en position crédible pour dénoncer Wagner – mais en ont chargé leurs auxiliaires européens, lesquels se sont immédiatement exécutés.

D’autant que les SMP américaines n’ont pas été les seules à cibler sans vergogne des innocents. Les unités militaires clandestines10 déployées par Washington sur ses théâtres d’opération se singularisent également par leur mépris des vies humaines et leur emploi démesuré de la force, sans souci des dégâts collatéraux.

Les crimes de guerre des unités spéciales américaines en Syrie

Alors que la presse occidentale accordait, à la mi-décembre, toute son attention aux dérives de Wagner, les révélations par le New York Times concernant deux graves affaires dans lesquelles des unités militaires américaines se sont rendues coupables de crimes de guerre en Syrie n’ont quasiment pas été reprises par les médias européens, et à peine par ceux des pays anglo-saxons.

Le premier article est daté du 13 novembre11 et le second du 12 décembre12. Tous deux évoquent de manière très documentée les exactions conduites en Syrie par deux unités, Talon Anvil et la Task Force 9, qui n’ont pas hésité à cibler des populations civiles sans vérification.

Les frappes indiscriminées de la Task Force 9 et de Talon Anvil

À partir de 2014, après que l’État islamique eut envahi de grandes parties de l’Irak et de la Syrie, une unité d’opérations spéciales classifiée appelée Task Force 9 supervisa la contre-offensive américaine en Syrie (opération Inherent Resolve). Elle avait de multiples missions :

– les Bérets verts du 5th Special Forces Group de l’US Army formaient les forces kurdes et arabes syriennes alliées13 et coordonnaient leurs actions ;

– de petits groupes d’opérateurs de la Delta Force étaient chargés de conduire des raids contre des objectifs de grande valeur de l’État islamique ;

– une cellule appelée Talon Anvil était chargée d’identifier des cibles terroristes (convois de véhicules, dépôts d’armement, centres de commandement, groupes de combattants ennemis, etc.) et de les désigner aux frappes aériennes.

– une seconde cellule de renseignement travaillait avec la CIA mais n’était responsable que d’une fraction mineure des frappes car elle avait pour mission de ne s’en prendre qu’aux cadres dirigeants de l’État islamique.

Talon Anvil opéra en Syrie de 2014 à 2019. Elle travailla d’abord depuis Erbil, en Irak, puis, au fur et à mesure que l’offensive contre Daech progressait, elle s’implanta dans une cimenterie désaffectée dans le nord de la Syrie puis dans un complexe résidentiel près de la frontière irakienne appelé Green Village.

Talon Anvil était une petite unité ultrasecrète composée d’une vingtaine d’opérateurs, essentiellement des membres de la Delta Force. Extérieurement, peu de signes permettaient de discerner qu’ils étaient militaires. Ils n’avaient ni grade ni uniforme et s’appelaient par leurs prénoms. Beaucoup portaient des barbes broussailleuses et travaillaient en civil. Mais depuis leur salle de contrôle, ils contrôlaient une flotte de drones Predator et Reaper hérissés de missiles Hellfire et de bombes guidées laser qu’ils guidaient sur Daech. Ils désignaient leurs cibles à partir d’informations provenant des forces kurdes et syriennes, d’interceptions électroniques, de vols de reconnaissance de drones ou d’aéronefs, etc.

De 2014 à 2019, Talon Anvil a dirigé des milliers de frappes – le New York Times parle de 112 000 bombes et missiles – contre les combattants de l’État islamique en Syrie. « Ils étaient impitoyablement efficaces et bons dans leur travail » raconte un officier de renseignement de l’US Air Force ayant travaillé avec ses membres. « Mais cette cellule a aussi fait beaucoup de mauvaises frappes », notamment parce qu’elle a interprété de manière extensive les règles d’engagement de l’armée.

En effet selon de nombreux responsables militaires et du renseignement, les frappes indiscriminées demandées par Talon Anvil tuait régulièrement des civils. Elle n’hésitait pas à guider les tirs de drones et d’aéronefs sur des foules et des immeubles d’habitation, tuant des personnes qui n’avaient aucun rôle dans le conflit : agriculteurs dans leur champ, enfants jouant dans la rue, familles fuyant les combats ou villageois s’abritant dans des bâtiments. L’unité serait ainsi à l’origine d’un nombre élevé de morts de civils et l’on observe que durant sa période d’activité, le taux de pertes civiles en Syrie a considérablement augmenté.

Quatre incidents sont en particulier relatés par le New York Times :

– À l’automne 2016, près de la ville de Manbij, trois hommes munis de sacs de toile travaillent dans une oliveraie. Bien qu’ils n’aient pas d’armes et ne se soient pas trouvé à proximité de combats, Talon Anvil les a éliminé considérant qu’ils étaient sûrement des combattants de Daech.

– Début mars 2017, Talon Anvil a envoyé un drone Predator au-dessus de la ville de Karama pour frapper les positions de Daech dans la région en vue d’une offensive prévue une semaine plus tard. Après que le drone eut survolé la ville à l’aube, un opérateur de Talon Anvil transmit un message sur le forum de discussion indiquant que tous les civils avaient fui la zone et que ne se trouvaient plus sur place que des combattant ennemis. L’unité décida alors de frapper un bâtiment qu’elle considérait être un centre d’entraînement des djihadistes.

Toutefois, une équipe de renseignement de l’armée de l’air observait la situation depuis un centre d’opérations situé aux États-Unis. Même avec des capteurs infrarouges, les analystes ne détectèrent pas de mouvement dans ce bâtiment. Selon eux, les capteurs suggéraient seulement qu’un téléphone cellulaire ou une radio de l’ennemi pouvait se trouver dans le voisinage, mais ils étaient incapables de le localiser. Néanmoins, Talon Anvil n’attendit pas de confirmation et ordonna la frappe, et un drone Predator largua une bombe de 500 livres à travers le toit. Lorsque la fumée se dissipa, les analystes de l’US Air Force découvrirent avec consternation sur leurs écrans des femmes et des enfants sortant en titubant du bâtiment partiellement effondré, certains ayant perdu bras ou jambes, d’autres traînant des morts. Ils dénombrèrent 23 morts ou blessés graves, 30 blessés légers, tous probablement civils.

– En juin 2017, les forces soutenues par les États-Unis attaquèrent Raqqa, la plus grande ville syrienne tenue par Daech. Des civils cherchèrent alors à fuir les combats et embarquèrent sur des ferries de fortune pour traverser l’Euphrate. Talon Anvil ordonna alors des frappes qui coulèrent plusieurs de ces bateaux, tuant au moins 30 personnes.

– Mais c’est en mars 2019 qu’eut lieu la frappe la plus dramatique. Dans les derniers jours de la bataille contre l’État islamique en Syrie, les membres de Daech étaient encerclés dans un camp près d’une ville appelée Baghuz. Le site regroupait les militants les plus endurcis qui avaient juré de se battre jusqu’à la mort. Dans la ville, parmi les abris de fortune, les véhicules criblés de balles et les bunkers sommaires, se trouvaient des dizaines de milliers de femmes et d’enfants. Certains étaient là de leur plein gré, d’autres non. La coalition assiégeait les lieux, espérant affamer les combattants. En six semaines, 29 000 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, s’étaient rendues. Les drones de la coalition surveillaient le camp 24/24 depuis des semaines et en connaissaient presque chaque centimètre carré, y compris les mouvements quotidiens des groupes de femmes et d’enfants qui se rassemblaient pour manger, prier et dormir près d’une rivière.

Le 18 mars 2019, un drone de l’US Air Force tournait à haute altitude au-dessus de Baghuz, à la recherche de cibles militaires car le camp abritait toujours un grand nombre de personnes, des combattants et leurs familles. Mais ce matin-là, les analystes du Centre d’opérations aériennes combinées de l’armée américaine au Qatar ne virent qu’une foule de femmes et d’enfants regroupés au bord de la rivière. Soudain, un avion d’attaque américain F-15E traversa le champ de vision de leur drone et largua une bombe de 500 livres sur la foule, l’engloutissant dans un nuage de sable et de fumée. Lorsque la fumée se dissipa, quelques personnes s’éloignèrent pour se mettre à l’abri. Puis l’appareil revint et largua trois bombes de 2000 livres tuant la plupart des survivants.

Au Qatar, le personnel qui suivait en direct les images du drone était incrédule. L’un des analystes demanda « Qui a largué ça ? ». Un autre s’exclama : « On vient de tuer cinquante femmes et enfants » ; mais une première évaluation des dommages révéla que le nombre de morts était supérieur à 70.

La Task Force 9 conteste cette version des faits. Selon elle, ce jour-là, des centaines de combattants de l’État islamique piégés dans le camp de Baghuz ont lancé à l’aube une contre-offensive, contre les forces de la « coalition ». Pour les arrêter, Talon Anvil déclencha des frappes d’arrêt, qui furent si nombreuses qu’en milieu de matinée, elle avait utilisé tous les missiles de ses drones. Vers 10 heures, les forces syriennes locales signalèrent qu’elles étaient sous le feu et en danger d’être submergées, et ont demandé une frappe aérienne.

Un officier du 5e SFG regarda les images du drone d’observation utilisé par la Task Force 9 et n’y vit pas de civils. Mais ce drone n’avait qu’une caméra à définition standard – l’officier dira plus tard qu’il n’y avait pas de drones à haute définition dans la zone lui permettant d’obtenir une meilleure vue de la cible. Il donna donc l’ordre de tirer. Comme il ne restait plus de missiles de précision, il fit appel à un aéronef doté de bombes de 500 et 2 000 livres et la frappe fut classée comme étant de la « légitime défense ».

En fait, un drone haute définition était disponible sur zone, mais la Talon Anvil ne l’a pas utilisé. Or, ce drone haute définition a enregistré une scène très différente de celle décrite par l’unité. Selon les analystes image, seuls deux ou trois hommes erraient dans le camp près de la foule. Ils étaient armés de fusils mais ne semblaient pas engager les forces de la coalition ou agir d’une manière pouvant justifier une frappe « d’autodéfense » avec des bombes de 2000 livres.

La frappe de Baghuz a été l’un des plus importants drames de la guerre contre l’État islamique, celui qui a fait le plus de victimes civiles. Les observateurs qui se sont rendus sur le site du bombardement le lendemain ont trouvé de très nombreux corps de femmes et d’enfants morts, qualifiant la frappe de « terrible massacre ». Mais elle n’a jamais été reconnue publiquement par l’armée américaine.

à suivre...!

 

 

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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 13:23
Nouvelles nationales sur RNL
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Centrafrique: l’ANE annonce des élections municipales pour septembre 2022

https://www.radiondekeluka.org/ vendredi 21 janvier 2022 12:52

L’institution en charge des élections en République centrafricaine se prépare pour la tenue des consultations municipales. Prévues pour le 11 septembre 2022, l’Autorité nationale des élections (ANE) entend mobiliser plus de 9 milliards de XFA pour l’organisation de ce scrutin. Position exprimée ce 19 janvier 2022 lors d’une conférence de presse à Bangui. 

Si l’Autorité nationale des élections s’active pour les scrutins de septembre prochain, le financement de ce processus reste encore une équation à résoudre. Alors que le gouvernement a prévu dans le budget de cette année, 1 milliard 600 millions de XFA pour les opérations électorales, l’Autorité nationale des élections compte sur ses partenaires comme l’Union Européenne, la Minusca, le PNUD, les ambassades de France et des Etats-Unis d’Amérique pour combler le gap.

« Les élections doivent se tenir cette année »

"Les élections, non seulement vont avoir lieu, mais doivent se tenir au courant de cette année. Nous avons, conjointement avec le PNUD, effectué une mission au Cameroun où nous avons rencontré des diplomates de la Suisse, de l’Allemagne, du Japon, d’Italie et du Canada. Il y a eu de belles avancées" soutient Barthélemy Mathias Morouba, président de l’ANE.

Selon l’institution, l’enveloppe prévue par le gouvernement permettra de réviser le dernier fichier électoral.

"Cette enveloppe est mobilisée pour réaliser ces étapes stratégiques avant d’aller aux élections proprement dites. Je voudrais parler de mise à jour de la cartographie, de la révision et du toilettage du fichier électoral, en radiant des listes, tous ceux qui sont déclarés morts" a fait savoir Davy Yama, président de la commission finances de l’ANE.

Le gouvernement, de son côté, se dit disponible pour accompagner l’ANE dans ces tâches pour la consolidation de la démocratie en République centrafricaine.

"Le chef de l’Etat a décidé à ce que l’Autorité nationale des élections soit accompagnée dans ce processus d’organisation des élections locales. Prenant en compte les municipales, régionales et sénatoriales" a précisé Bruno Yapandet, ministre de l’Administration du territoire.

Les dernières élections locales organisées dans le pays remontent à plus de 30 ans. Pour l’heure, ce pari fait face à deux grands défis majeurs, notamment, la sécurité et les finances.

 

 

Centrafrique : la situation sécuritaire demeure préoccupante dans le Nord-ouest centrafricain

https://www.radiondekeluka.org/ jeudi 20 janvier 2022 07:30

Plusieurs centaines de maisons ont été incendiées, ce 14 janvier 2022, dans le village Herbo, non loin de la frontière centrafricano-tchadienne. Les autorités locales en pointant du doigt le groupe 3R, dénoncent le laxisme de la Minusca.

Depuis mi-décembre 2021, les rebelles de 3R multiplient les attaques contre les civils dans les localités du Nord-ouest centrafricain. Ces hommes armés font parler d’eux au quotidien dans les préfectures de l’Ouham-Pendé et de la Lim-Pendé. Plusieurs affrontements les ont opposés entre décembre 2021 et janvier 2022 avec les Forces armées centrafricaines. Ainsi, ce 14 janvier, le groupe rebelle a pris pour cible le village Herbo, situé non loin de la frontière centrafricano-tchadienne, dans la région de Ngaoundaye. Plusieurs centaines de maisons ont été incendiées et des milliers de civils contraints à fuir en brousse ou vers les localités périphériques. Les autorités locales, elles, dénoncent l’inaction des Casques bleus de la Minusca.

« Je me demande quel est le rôle de cette Minusca »

"Aujourd’hui au village Herbo, il n’y a plus rien. Que de cendres. Le groupe armé 3R est en train de massacrer la population civile, incendier les greniers et les habitations, la Minusca est là. Je me demande quel est le rôle de cette Minusca, notamment le contingent bangladais qui est à Ndim. C’est ça, voler au secours de la population" a déploré Ernest Bohnang, député de Ngaoundaye 3.

La Minusca accusée d’inaction par le député Ernest Bohnang n’a pas encore réagi.

Déplorant cette situation qui affecte plusieurs villages de la zone, les autorités locales appellent le gouvernement à doubler d’efforts afin de protéger ces populations meurtries.

« Ces gens ne sont-ils pas des centrafricains ? »

"Plusieurs fois, on a demandé au gouvernement de voler au secours des populations, il n’y a pas de réaction. Ces gens ne sont-ils pas des centrafricains ? Nous demandons au gouvernement de doubler d’efforts pour protéger les populations de Ngaoundaye, notamment les villages Nzakoundou, Nzamaré, Katé Herbo et Nzana", lancé l’élu de la Nation.  

Par ailleurs début janvier, deux personnes ont été tuées et de nombreuses maisons ont été incendiées dans les villages Karé et Kagoué, non loin de la ville de Batangafo. Selon des sources locales, l’attaque a été commise par des hommes armés proches de la CPC. D’autres sources affirment que deux femmes et un enfant ont été kidnappés par ces assaillants. Pour les autorités locales, la population est à la merci des rebelles.

"Depuis une semaine, la situation est devenue préoccupante. Une femme enceinte et un maitre-parent ont été tués. Deux autres femmes ont été enlevées et emmenées à une destination inconnue. Plusieurs maisons sont incendiées. Aujourd’hui, ces populations qui ont fui en brousse, vivent comme au moyen-âge" s’est alarmée Carmen Ducasse Ndotiga, députée de Batangafo 2.

A Bangui, les autorités n’ont pas encore officiellement réagi à cette recrudescence de l’insécurité constatée depuis fin décembre 2021 dans le Nord-ouest centrafricain.

 

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