AU PEUPLE CENTRAFRICAIN A L’OCCATION DU FORUM NATIONAL DE BANGUI
- Distingués invités au Forum de Bangui
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- Centrafricaines, Centrafricains, Chers Compatriotes,
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Beaucoup d’entre nous sont venus des points très éloignés de la Capitale : des différentes villes de l’intérieur de notre Pays, des différentes Capitales africaines, européennes et américaines, le cœur plein d’un espoir à faire traduire au monde et à la République Centrafricaine. Nous comptons dans vos rangs des ministres, des éminents citoyens, des chrétiens, des musulmans, des non-croyants peut-être et surtout plusieurs étudiants, plusieurs jeunes et vaillants cultivateurs qui seront les lumières de la nation centrafricaine de demain.
Nous avons voulu dater de Bangui, la cosmopolite jadis à hospitalité légendaire, les déclarations de cet autre forum qui ne veut plus désormais servir le bien d’un individu, d’une ethnie, d’une religion, d’un parti, mais qui désire le bien de tout le peuple centrafricain.
Notre démocratie pluraliste, notre envie de la réconciliation nous somment ici, chers concitoyens et amis de Centrafrique, d’intervenir dans le débat national pour en imprimer l’orientation et de ne plus caresser certains gens en armes, qui depuis belle lurette, se font prier indéfiniment à les faire ranger et de facto, qui continuent de terroriser une population civile plus que meurtrie qui n’aspire désormais qu’à la Paix.
Nous sommes venus à Bangui pour ajouter aux principes qui dirigent aujourd’hui nos hommes d’état, nos gouvernants, nos législateurs, un principe supérieur : tourner le dernier et le plus auguste feuillet de l’Evangile et du Coran, celui qui impose la paix aux enfants du même Dieu. Nous y sommes donc venus proclamer deux denrées rares conformément aux idéaux de notre père de l’indépendance : la fraternité non seulement concitoyenne mais avec tous les états africains connue sous le vocable de panafricanisme, ainsi que notre unité nationale aujourd’hui hypothéquée.
En présence d’un tel acte historique, permettez-moi Mesdames et Messieurs, dans mes premières pensées, d’élever symboliquement mes regards plus haut afin observer une minute de silence et d’arrêt d’écriture en mémoire de toutes les victimes du conflit centrafricain.
Et aussi, avant d’aller plus loin, souffrez que je puisse adresser à nos compatriotes locaux que la Diaspora centrafricaine, leurs frères établis ou déplacés à l’étranger, n’a pas été indifférente aux problèmes sécuritaires, aux exactions et aux massacres perpétrés dans notre Pays. Elle en ressent tout aussi le poids, étant donné que chacun a des parents, frères, sœurs et autres au pays et qu’aussi, l’afflux vers elle des déplacés : refugiées, demandeurs d’asile, a constitué une préoccupation majeure. Pour certains, leurs biens et maisons ont aussi été volés, pillés, saccagés.
« On n’est bien que chez soi », reconnait globalement la toute diaspora présente au forum. Dès lors, il est tout aussi important pour elle de participer à l’effort de paix et la réconciliation chez nous en vue d’un retour rapide aux bercails pour certains, et pour d’autres en vue d’investissement futur et d’entrepreneuriat dans notre cher pays bien aimé.
A ceux donc qui veulent escamoter la voix de la diaspora lors de ce dialogue ou lors de la reconstitution de notre pays, je réponds avec toute la diaspora centrafricaine de par le monde, je réponds sans hésiter, et je réponds : Non !
Nous avons aussi des solutions somme toute à proposer pour la paix chez nous. Et Je vais plus loin ; je ne dis pas seulement que nous avons des solutions, je dis : nous voulons participer d’où chacun de nous au travers le monde se trouve, aux conditions de la paix, de la réconciliation et du développement chez nous.
Chers Compatriotes, la loi de Dieu, je ne vous la fais pas dire, ce n’est pas la guerre, c’est la paix, gage de tout.
Et cette lutte, ses massacres, ce chaos ! D’où viennent-ils ? De la guerre, et cela est évident. Mais où vont-ils ? A la paix ; cela n’est pas moins évident.
Il est tout simple que notre foi ait rencontré l’incrédulité vis-à-vis de la parole de Dieu ou d’Allah, et que nous ayons cédé aux ruses de « Babylone » et ses valets ; et qu’aujourd’hui encore, dans ces heures de nos troubles et de nos déchirements, l’idée de la paix et la réconciliation surprend et choque presque comme l’apparition de l’impossible et de l’idéal ; il est tout simple que l’on crie à l’utopie car le méchant est encore puissant; mais pendant cette semaine du 04 au 11, quant à nous patriotes, humbles et obscurs ouvriers dans cette grande marche vers la paix et la réconciliation, nous voulons percevoir cette résistance des esprits sans qu’elle nous étonne, et nous décourage. « La nuit fut longue, mais le jour est venu », chers concitoyens.
Si quelqu’un, il y a soixante-cinq ans, à l’époque où nos grands parents, sous la houlette de Boganda, se battaient à corps et à sang pour l’indépendance de notre pays commun, de ville en ville, de province en province…, si quelqu’un eût dit à Bossangoa, à Bambari, à Obo… à ceux-là: « Un jour viendra où vos descendants fils, petits fils et arrières petits fils se feront la guerre, un jour viendra où ils se lèveront pour partitionner le Berceau des Bantou qui vous ait si cher », ils l’auraient certain achevé à coup sûr au même titre que le colon.
Pourtant, nous avons fait de cette hypothèse impensable une triste réalité aujourd’hui. Que chacun batte sa coulpe : mea culpa...
Bref, qu’ici et maintenant commence un tout nouveau jour où l’on ne dira plus :
- Les Séléka, milices ou ex-rebelles musulmans du Nord, ont attaqué les Sudistes ;
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- les Anti-Balaka, milices ou groupes d’autodéfense chrétiens ont repoussé ces Nordistes ;
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- Bozize, Djotodia par-ci ; FACA, forces nouvelles par-là.
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Les Centrafricains ont toujours paisiblement vécu, témoignant diversement de leur foi en Dieu pour certains et en Allah pour d’autres. La religion n’a jamais été facteur de division, de crimes et de violences chez eux. D’ailleurs, c’est lors qu’il y a eu rupture avec Dieu ou Allah que cette haine est installée par les impérialistes et leurs valets chez nous et qu’aujourd’hui le pardon difficile.
Nous aurons bien encore des différends à régler certes, des intérêts à débattre, des contestations à résoudre, mais savons-nous ce que nous mettrons à la place de tout ceci ? - Le Pardon de Dieu, d’Allah !
Aussi, savons-nous ce que nous mettrons à la place de ces manipulations sataniques, des hommes guerres et leurs timoniers qui parcours encore nos forêts, nos villages, nos cantons à pied et à VLRA, armés des AK 47, des lances, des machettes, des couteaux ? - Nous mettrons tout simplement dans toutes les contrées de nos régions de petites boîtes que l’on appelle l’urne du scrutin.
Et de ces boîtes il sortira, quoi ? - Un Président auquel nous nous sentirons tous, une assemblée qui feront comme votre âme à tous. Ce seront cette présidence et ce concile souverain et populaire qui décideront, qui jugeront, qui résoudront tout en loi, qui feront tomber le glaive de toutes les mains et surgir la justice dans tous les cœurs, qui diront à chacun : Là finit ton droit, ici commence ton devoir. Bas les armes ! Vivez en paix !
Et ce jour-là, nous ne sentirons qu’une pensée commune, des intérêts communs, une destinée commune ; nous nous embrasserons, nous nous reconnaîtrons filles et fils du même sang et de la même patrie ; ce jour-là, nous ne serons plus des peuplades ennemies, nous serons un peuple ; nous ne serons plus Gbaka, Yakoma, Banda, Gbaya, Runga et j’en passe…, nous ne serons plus chrétiens ou musulmans, nous serons Centrafricains tout court une fois de nouveau, voilà tout.
Chers Compatriotes, le temps a marché, que cette chimère devienne enfin réalité au sortir de ce forum de Bangui. Qu’aux esprits corrompus qui diront ici comme ailleurs : une autre réunion des Centrafricains de plus, qu’ils la fassent et nous, avec nos armes en main, nos stratégies de division, nous en empêcherons l’exécution, que nous puissions les combattre avec une seule arme : l’amour entre nous les Centrafricains et non plus la haine.
Et, j’insiste sur ceci en suivant cette prophétie faite d’antonymies : L’amour et non la haine, la justice et non l’impunité, la vérité et non le mensonge. Car seuls les premiers termes seront les facettes de cette Paix et vecteurs de cette réconciliation que chacun appelle de ses vœux.
J’aurais été Jésus-Christ ou Mahomet, Ngakola ou Yanda, que beaucoup l’entendraient. Mais n’est-ce pas leur précepte à tous : – l’amour ?
Le trémolo de ma voix pour terminer se tourne vers Son Excellence Madame SAMBA-PANZA, Présidente de la transition pour lui dire courage : Un jour viendra où l’on montrera un AK 47 dans nos musées comme on y montre aujourd’hui une baïonnette en s’étonnant de ce que cela ait pu être ! Et l’on comparera simplement « Présidente SAMBA-PANZA » pour la légende centrafricaine à ce qui fut « Reine POKOU » pour les ancêtres des ivoiriens.
En définitive, qu’allons-nous faire, mieux qu’avons-nous à faire pour voir arriver le plus tôt possible ce grand jour de la Paix et la réconciliation ?
Nous aimer ! Nous aimer ! Nous aimer ! Ce but sublime. Dans cette œuvre immense de la pacification.
Dès lors, peuples centrafricains, intellectuels, scientifiques, artistes, religieux ou cercles dirigeants, membres de la diaspora, paysans, mettons-nous au travail. Les comportements de mépris au quotidien, les discours de haine, l’exhibition de titres arrogants de supériorité remettront en place, avec le temps, une autorisation à de nouvelles violences contre le peuple innocent.
Surplombons avec l’amour toute la difficulté de faire tenir l’étendard de la patrie pour le brandir ; tant les manipulations et les dominations d’une part, et d’autre part la réalité du criminel devenu momentanément vainqueur de la paix, perdurent dans notre Pays.
C’est pourquoi, cueillons dès à présent nos rameaux d’oliviers, Excellences, Mesdames et Messieurs, pour rallumer la flamme de la paix qui va définitivement brûler et chasser du Centrafrique ces ennemis divers.
Nous sommes et demeurons, quant à nous la diaspora centrafricaine au côté de notre peuple, les bras compétents et forts de cette noble lutte pour la victoire finale.
Que nos conclusions, si minimes soient-elles tirées de ce forum national de Bangui, renforcent celles des autres précédents sur ce chemin difficile mais vital de notre processus de paix et de la réconciliation.
Source d’inspiration : Victor Hugo, Discours au congrès de la paix en 1849
Bangui le 07 Mai 2015
GUIANISSIO Guillaume Dominique
Le Président de la Communauté Centrafricaine au TOGO
Membre de la Diaspora au Forum de Bangui