26/09/2013 à 12:00 | AFP
Le "risque religieux" en Centrafrique vient plus de l'extérieur, en particulier d'une infiltration d'éléments du groupe islamiste radical Boko Haram venus du Nigeria, que de l'intérieur du pays où l'ex-rébellion Séléka, accusée d'exactions contre les populations chrétiennes, n'a aucun "agenda religieux", estime Thierry Vircoulon, spécialiste de l'Afrique centrale à l'International Crisis Group (ICG).
Q: Après des affrontements meurtriers début septembre entre chrétiens et musulmans dans le Nord-Ouest de la Centrafrique, le président français François Hollande a invoqué un risque de "confrontation religieuse" pour appeler à une mobilisation urgente de la communauté internationale. Cette menace est-elle réelle ?
R: Pour la première fois depuis l'indépendance, ce sont des musulmans qui ont pris le pouvoir à Bangui, suscitant des inquiétudes dans la région car la Centrafrique, pays majoritairement chrétien, se situe sur la ligne de fracture entre musulmans et chrétiens en Afrique centrale.
Il y a déjà eu par le passé des heurts répétés, notamment à Bangui, entre la population et les commerçants musulmans qui dominent le marché ce qui provoque un ressentiment; il y a eu aussi les actes commis par la Séléka à l'encontre d'édifices religieux et du personnel ecclésiastique; enfin, ce qui s'est passé dans l'Ouest a pris une tournure religieuse, car il s'agit de populations chrétiennes harcelées par des combattants musulmans et qui contre-attaquent.
Mais, on n'est pas dans une logique de guerre religieuse. Il s'agit d'un antagonisme vis-à-vis d'un nouveau pouvoir, musulman certes, mais surtout extrêmement prédateur pour le moment.
Q: Des Centrafricains, et notamment certains leaders religieux mais aussi des proches de l'ancien président François Bozizé, renversé en mars, ont mis en garde contre une islamisation forcée de la Centrafrique, faisant même le parallèle avec la situation du Mali, où des groupes islamistes armés ont occupé le Nord du pays pendant plusieurs mois y imposant la charia. Partagez-vous cette crainte ?
R: C'est de la propagande. Au début de la crise en décembre, c'était le langage de Bozizé et de son gouvernement qui disaient que les Séléka étaient des musulmans radicaux, mais c'était pour rallier les Occidentaux à leur cause.
Les gens de la Séléka ne sont pas venus convertir les Centrafricains, ils sont venus les voler. Cela n'a rien à voir avec ce qui s'est passé au Mali. La Séléka est effectivement composée de musulmans mais on ne peut pas parler de rébellion musulmane, ils n'ont pas d'agenda religieux.
Q: Il n'y a donc pas de "risque" religieux en Centrafrique ?
Le risque musulman tient plus au risque d'infiltrations d'éléments de Boko Haram venus du Nigeria. Ils sont en pleine guerre au nord du Nigeria. les combats sont très violents avec les forces de sécurité nigérianes, et selon nos informations, ils ont commencé à s'éparpiller dans les pays de la région. La Centrafrique étant actuellement un Etat failli, c'est le parfait endroit pour se cacher.
(Propos recueillis par Anne Le Coz)