LE MONDE | 04.10.2013 à 12h05 • Mis à jour le 04.10.2013 à 12h06 |Par Alexandra Geneste (New York, Nations unies, correspondance) et Cyril Bensimon
Nous sommes les seuls à nous soucier du sort de la Centrafrique..." Cet amer constat revient régulièrement dans la bouche de diplomates français au siège de l'ONU, à New York. Car la crise sécuritaire, humanitaire et politique que traverse la République centrafricaine (RCA) depuis la prise du pouvoir par la coalition rebelle Séléka, en mars, n'émeut pas outre-mesure les 14 partenaires de la France au Conseil de sécurité.
"Victimes de leur succès au Mali, les Français sont poliment encouragés à régler seuls les problèmes de leur ancienne colonie", souligne une source diplomatique. Une semaine après le cri d'alerte lancé par François Hollande lors de l'Assemblée générale des Nations unies, la France a déposé un projet de résolution visant notamment à renforcer la force panafricaine présente en RCA pour aider le gouvernement transitoire à rétablir l'ordre.
Le texte, examiné pour la première fois jeudi 3 octobre, par le Conseil de sécurité au niveau des experts, "n'a pas été remis en cause sur le fond", assure-t-on côté français. La première résolution substantielle jamais présentée sur la Centrafrique n'a aucune raison de déclencher de houleux débats. Elle se veut avant tout porteuse d'un soutien aux efforts de l'Union africaine (UA) pour sécuriser le pays."L'idée est celle d'une appropriation africaine du dossier avec un rôle d'appui de l'ONU", explique une source proche du dossier.
TRANSFERT SOUHAITÉ DE L'UNION AFRICAINE À L'ONU
La France espère voir la Mission internationale de soutien en Centrafrique (Misca), placée sous l'égide de l'UA, devenir une opération gérée et financée par l'ONU, idéalement au printemps 2014. Avant cela, dans les trente jours suivant le vote de la résolution, le secrétaire général de l'ONU devra présenter "des options détaillées pour un soutien international à la Misca, y compris transformation éventuelle en une mission de maintien de la paix de l'ONU".
Un scénario qui rappelle le dispositif mis en place au Mali, où la mission onusienne (Minusma) a pris le relais d'une force à 100 % africaine. "C'est la séquence malienne qui est en train de se jouer, mais elle ne dit pas son nom", estime l'ambassadeur de la RCA à l'ONU, Charles-Armel Doubane. Ce que ne dit pas la résolution, c'est la détermination de Paris à "appuyer de manière opérationnelle la Misca". Le ministre français de la défense, Jean-Yves Le Drian, l'a annoncé jeudi à Paris, après avoir insisté sur l'importance d'"agir en RCA, pays au centre d'une zone à risques".
La France, qui dispose de près de 450 soldats sur place, n'a encore annoncé aucun chiffre en termes de renforts. Mais "l'idée d'avancer est acquise" ; l'objectif, explique un proche conseiller du ministre, sera de "patrouiller sur Bangui et les principaux axes routiers", notamment celui reliant la capitale à la frontière camerounaise. Un axe stratégique d'où la RCA tire la moitié de ses recettes douanières, aujourd'hui soumis au racket des combattants de la Séléka. Si l'Afrique compte déployer 1 400 soldats en plus des 2 200 hommes déjà sur place, le Bureau politique pour la consolidation de la paix en RCA (Binuca), a aussi besoin de renforts pour rayonner au-delà de Bangui. La résolution française demande donc à l'ONU de lui fournir des observateurs des droits de l'homme et de mettre en place une "force neutre" assurant leur protection. "Toutes les parties, en particulier la Séléka", sont par ailleurs sommées de faciliter la distribution de l'aide humanitaire.
Le texte menace de sanctions "tous ceux qui nuisent à la paix, la stabilité et la sécurité" ou entravent la transition politique. Enfin, les autorités transitoires sont appelées à organiser des "élections libres et équitables" dans dix-huit mois. Pour éviter l'enlisement politique, souligne le cabinet de Jean-Yves Le Drian, l'une des solutions serait d'avancer la date du scrutin. Sauf que, dans les pillages, les registres d'état civil ont été partiellement détruits.