(Mutations 02/03/2010)
A l'issue du sommet de Bangui tenu les 16 et 17 janvier qui porta
Lucas Abaga Nchama à la tête de l'institut d'émission monétaire de la Cemac, la Banque de France proteste vivement contre ce choix. "Les responsables de la Banque de France étaient favorables à la nomination du gabonais Alex Barrot Chambrier à la Beac.
Dans leurs échanges avec certains dirigeants de la Communauté, ils avaient obtenu un consensus qui laissait croire que cela passerait comme une lettre à la poste", indique une source à
la Beac.
Pour continuer à apporter son soutien au Franc Cfa et sa coopération technique à la Beac, la Banque de France pose des conditions pour la poursuite de la collaboration. Bien que respectant "le choix souverain des chefs d'Etat de la Cemac", la Banque de France exige que le nouveau gouverneur leur présente sa feuille de route, et se sépare du personnel pléthorique et coûteux.
Pour officialiser ces entretiens informels, la Banque de France envoie, au cours du mois de février, une correspondance dans laquelle elle pose de nouvelles conditions devant intégrer le train des réformes engagées au sein de l'institut d'émission monétaire de la sous-région, et qui, selon des sources, vont entraîner la réorganisation fondamentale de son fonctionnement. Quelques jours après la constitution de ce groupe de travail, des sources indiquent que la Banque de France exige la suppression des postes de directeurs généraux, occupés par des personnalités représentant leur pays au sein de leur institution.
Pour les responsables de l'institut d'émission français, ces postes, dont la justification repose sur la politique de représentation, n'ont plus de place dans le dispositif de l'institution, le gouvernorat étant devenu tournant. Un rééquilibrage est aussi suggéré par les français au niveau des directions centrales qui sont des directions techniques de la Beac. Désormais, chaque Etat ne devra plus disposer que d'une seule direction centrale. "Les postes de directeurs généraux étaient des postes politiques alors que la Beac avait besoin des techniciens pour son fonctionnement.
Mais à ce niveau déjà, il y a des Etats comme la Guinée Equatoriale qui, pour des raisons de disponibilité de compétence, ont eu voix au chapitre très tard", explique un cadre de l'institution. L'institut d'émission français demande en plus de cela, que les procès verbaux et les rapports des conseils d'administration soient soumis à son approbation avant leur signature.
Restructuration
Pour la Beac, ces directives ne peuvent pas être considérées comme des injonctions dans la mesure où les relations entre la Banque centrale et l'institut d'émission français n'ont pas de coloration paternaliste. "C'est une relation entre partenaires, parce que la Banque de France participe au conseil d'administration et dans les organismes de contrôles de la Beac. Il est donc normal que sur la base de ce partenariat, la Banque de France émette des avis sur le bon fonctionnement de l'institution", explique-t-on à la cellule de la communication de l'institution.
Le Bureau extérieur de Paris (Bep) n'échappe pas aux foudres de la Banque de
France. Autrefois place forte des achats et des placements d'argent de la Beac auprès des autres instituts d'émission, le Bep, qui avait des missions d'opérationnalité, est désormais réduit à sa
portion congrue. Tous les avantages et autres missions opérationnelles lui sont retirés : toutes les commandes d'achats passées depuis le siège, ne seront plus payées par le Bep.
Yaoundé assurera directement le paiement des factures des fournisseurs via leurs comptes.
Dépouillées de toutes ces missions, le Bep va rester un bureau de représentation et de liaison, qui recevra un budget de fonctionnement sur mesure, et dont les initiatives se limiteront désormais
au contact des fournisseurs, payés directement par le siège. "Même pour l'achat des petites fournitures de
bureau, c'est le siège à Yaoundé qui va s'occuper du règlement des factures. Il n'engage plus rien", soutient une source à la Beac.
Présidé par Issa Allam Ndoul, conseiller spécial du gouverneur, le groupe de travail chargé de proposer les nouveaux textes devant désormais servir de boussole à la gestion transparente de l'institut d'émission monétaire de la Cemac, est placé sous la supervision de Mahamat Tolli Abbas le secrétaire général de la Beac.
Composé de 12 membres dont un représentant de la France, le groupe de travail mis sur pied le 12 février, a commencé ses travaux le 15 février et devait les achever le 28 février. Ceux-ci consistaient à la révision des textes organiques et réglementaires de la Beac sur la base des décisions de la conférence des chefs d'Etat de Bangui. Le travail qui a duré deux semaines, sera présenté au conseil d'administration extraordinaire qui se tient ce mois de mars au siège de la Beac à Yaoundé.
Pierre Célestin Atangana
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La Banque de France émet des réserves sur les réformes en cours à la BEAC
(Afrique Avenir 02/03/2010)
La Banque de France vient d’émettre de sérieuses réserves quant aux
réformes actuellement entreprises au sein de la Banque des Etats de l’Afrique centrale, en pleine restructuration, a appris APA lundi de sources bancaires.
Elle a ainsi réitéré, notamment, son vœu de voir supprimés les trois postes de directeurs généraux, jugés budgétivores.
L’un de ces postes était occupé il y a quelques semaines encore par l’Equato-guinéen Lucas Abaga Nchama, nommé gouverneur de la banque centrale le 17 janvier dernier au terme de la 10è session ordinaire de la conférence des chefs d’Etat de la sous-région tenue à Bangui en République centrafricaine.
La Banque de France souhaite également le rééquilibrage des postes de
directeurs centraux, mais aussi le démantèlement du Bureau extérieur de Paris (BEP), où on a récemment découvert des malversations financières portant sur 858 chèques et 6
virements frauduleux au profit de 101 bénéficiaires, de 1306 retraits en espèces frauduleux et de 38 bénéficiaires de titres de transport aériens frauduleux, pour un
préjudice de l’ordre de 16,6 milliards de FCFA.
A la BEAC, un haut responsable, interrogé sur le sujet par APA, met les observations de la Banque de France sur le compte « des rapports de partenariat entre deux institutions qui se respectent, et qui sont obligées d’échanger des informations pour une meilleure
collaboration ».
La BEAC et la Banque de France sont liées par une Convention de coopération monétaire datant du 23 novembre 1972.
Selon la feuille de route à lui prescrite, le nouveau gouverneur, qui a remplacé le Gabonais Philibert Andzembe, est chargé de poursuivre les audits des procédures comptables, de gestion et de contrôle du siège, d’accélérer les poursuites judiciaires et les procédures de recouvrement à l’encontre des auteurs de fraudes et autres détournements, tant au niveau du BEP que dans le placement du dépôt à terme indexé auprès de la Société générale, une banque française, une opération hasardeuse de 328 milliards FCFA effectué en décembre 2008 et qui a conduit à une perte comptable sèche de 16,4 milliards FCFA.
M. Abaga Nchama devra également procéder à la modification des statuts de la BEAC, en vue du renforcement de la gouvernance et de l’efficacité de l’institut d’émission, assurer le renforcement des capacités en moyens matériels et humains de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC), de la poursuite de la modernisation de nos moyens de paiement pour les mettre au service des populations.
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