Conseil de sécurité 6345e séance – après-midi 28 juin 2010
CONSEIL DE SÉCURITÉ: LA REPRÉSENTANTE SPÉCIALE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL POUR LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE ESTIME QUE LA SITUATION DANS LE PAYS A ATTEINT UN « STADE CRITIQUE »
Le succès du processus électoral et du programme de DDR « déterminera l’avenir du processus de paix », affirme Mme Sahle-Work Zewde
La Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République centrafricaine, Mme Sahle-Work Zewde, a estimé, cet après-midi devant le Conseil de sécurité, que la situation dans le pays avait atteint un « stade critique », où le succès du processus électoral et du programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) « déterminera l’avenir du processus de paix ».
« Ces deux événements majeurs figurent parmi les recommandations clefs du Dialogue politique inclusif de décembre 2008 et sont considérés comme essentiels à une stabilisation durable de la République centrafricaine », a déclaré Mme Zewde, qui dirige également le Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA).
Mme Zewde, qui présentait au Conseil de sécurité le rapport du Secrétaire général, le premier depuis la création du BINUCA, le 1er janvier dernier, a souligné que la situation politique, sécuritaire et socioéconomique du pays demeurait « précaire et marquée par de nombreux pièges et défis ».
« La communauté internationale doit rester engagée à fournir un appui politique et financier solide à la République centrafricaine afin de lui permettre de relever les défis urgents de la mise en œuvre des recommandations du Dialogue politique sans exclusive », a-t-elle assuré. Plus que tout, un financement approprié doit être apporté au Gouvernement pour qu’il puisse être en mesure d’achever les processus électoral et de DDR, a-t-elle estimé.
Le Représentant permanent de la République centrafricaine auprès de l’ONU a, de son côté, observé que le rapport du Secrétaire général illustrait parfaitement le climat dans lequel se trouve actuellement son pays. La mise en œuvre des recommandations du Dialogue politique sans exclusive n’a pas eu le succès escompté, a-t-il reconnu. La sécurité sur l’ensemble du territoire de la République centrafricaine est « nécessaire pour mener à bien des élections justes et transparentes ». Il a ainsi mis l’accent sur la nécessité de réussir le programme DDR, faisant remarquer toutefois que l’intervention de groupes rebelles ne facilitait pas le processus.
M. Fernand Poukré-Kolo a demandé plus de souplesse dans l’assistance apportée par la communauté internationale, rappelant que son pays était à la « croisée des chemins ».
Dans son exposé, la Représentante du Secrétaire général a indiqué que le 29 avril, le Président de la République centrafricaine, M. François Bozizé, avait convoqué une réunion des parties prenantes nationales et des partenaires internationaux afin d’examiner la nouvelle crise du processus électoral. Cette réunion, a-t-elle précisé, a abouti au report des scrutins présidentiel et législatif. Lors d’une réunion le 14 juin, la Commission électorale indépendante, a-t-elle ensuite expliqué, a pu déterminer les dates des deux tours des élections, à savoir les 24 octobre et 19 décembre 2010.
Le succès de l’organisation des élections dépend, a-t-elle souligné, de la capacité de la Commission électorale à mener à bien sa tâche dans le cadre du calendrier établi et des fonds disponibles.
Les estimations financières du processus électoral ont été révisées à la hausse lors de la réunion du 14 juin, a-t-elle dit, notant que le budget de l’organisation du scrutin s’établissait à 19,31 millions de dollars et celui de la numérisation des listes d’électeurs à 1,54 million de dollars, soit un total de 20,85 millions de dollars. En tenant compte des contributions promises par l’Union européenne et le Fonds pour la consolidation de la paix, le manque à gagner s’élève à environ 7,5 millions de dollars, a-t-elle précisé.
La Commission électorale indépendante a demandé la fourniture urgente de 3,5 millions de dollars pour lui permettre de conduire les opérations de recensement du 14 au 28 juillet, « ce qui est essentiel pour la mise en œuvre du calendrier électoral », a ajouté la Représentante spéciale.
En outre, 18 mois après l’établissement du Comité directeur du processus de DDR, les opérations de démobilisation et de désarmement affrontent toujours de « nombreux défis ». Mme Zewde a néanmoins mis l’accent sur l’achèvement réussi de la deuxième phase de la campagne de sensibilisation des ex-combattants et des communautés d’accueil, qui comprenait également le déploiement d’observateurs militaires.
« Beaucoup reste à faire pour accélérer le processus », a-t-elle toutefois affirmé, notant que le processus de désarmement, démobilisation et réintégration d’environ 8 000 anciens combattants constituait une « condition sine qua non du succès du processus de paix et de réconciliation nationale » et de la « création d’un climat de sécurité propice au développement social et économique à long terme de la République centrafricaine ».
La Représentante spéciale a par ailleurs déclaré qu’en dépit de la situation politique et sécuritaire, l’exécution des 12 projets financés au titre de la première allocation de 10 millions de dollars s’était poursuivie, tandis que des projets ont été élaborés pour la mise en œuvre de la deuxième étape du Fonds pour la consolidation de la paix.
La Représentante spéciale s’est, enfin, déclarée « profondément préoccupée par la situation humanitaire », soulignant la nécessité pour la communauté internationale de renforcer l’aide internationale humanitaire aux réfugiés, aux personnes déplacées et aux autres groupes vulnérables.
Pour sa part, le Président de la formation République centrafricaine de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Jan Grauls (Belgique), a indiqué qu’il s’était rendu en mission à Bangui du 9 au 12 juin dernier, y rencontrant des membres du Gouvernement centrafricain, de la Commission électorale indépendante, du Comité de suivi du Dialogue politique inclusif, de la communauté internationale, ainsi que les hauts responsables et l’équipe pays de l’ONU, des représentantes d’organisations de femmes et des partenaires humanitaires.
S’agissant du processus électoral, il est important, a-t-il estimé, que les dates proposées par la Commission électorale indépendante soient validées d’urgence au travers d’un décret présidentiel, et ce, afin d’encourager la communauté internationale à « soutenir davantage le processus ».
En outre, M. Grauls a souhaité que le Conseil de sécurité « pousse davantage toutes les parties prenantes, notamment les groupes armés récalcitrants, à s’engager dans le processus de DDR ». « L’écart nécessaire entre le démarrage des activités de la DDR et la tenue des élections pourrait devenir problématique, étant donné que certains dirigeants rebelles maintiennent l’espoir de participer à un gouvernement de transition dans un contexte où les élections ont été reportées au-delà du calendrier constitutionnel », a-t-il dit.
M. Grauls a estimé qu’un « départ pur et simple » de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) de la région, « encline à des agitations internes et des retombées régionales », ne représentait pas une option « à cause du risque réel pour le pays de sombrer à nouveau dans le conflit ». Si l’option régionale est retenue, un renforcement numérique et logistique important de la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX) sera nécessaire, a-t-il dit. Cela ne sera possible qu’avec des mesures d’appui de la communauté internationale. « Si la République centrafricaine a la vocation de servir d’exemple réussi en matière de transition du maintien à la consolidation de la paix, à court terme, cependant, l’importance du maintien de la paix ne doit pas être oubliée », a conclu le Président de la formation République centrafricaine de la CCP.
LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Rapport du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine et sur les activités du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays (S/2010/295)
Le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, dans ce rapport, rend compte des faits survenus dans les domaines politique, socioéconomique et humanitaire et sur le plan de la sécurité et des droits de l’homme ainsi que des activités du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA), depuis le 8 décembre 2009.
Le BINUCA a succédé au Bureau d’appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BONUCA) à compter du 1er janvier 2010.
M. Ban décrit également les mesures prises pour mettre en place la structure et les effectifs nécessaires au fonctionnement du BINUCA ainsi qu’au processus d’intégration.
La situation politique en République centrafricaine depuis décembre a été caractérisée par les efforts réalisés pour appliquer les recommandations du dialogue politique sans exclusive de décembre 2008, notamment celles concernant le programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et la préparation et la conduite d’élections présidentielle et législatives transparentes et crédibles.
Depuis sa création, le BINUCA n’a cessé de jouer un rôle clef dans l’application des recommandations du dialogue politique sans exclusive. Il a également cherché à renforcer l’action de l’ONU en République centrafricaine. La préparation en cours du cadre stratégique intégré permettra à l’ONU de parler d’une seule voix, de partager une vision commune et d’adopter une approche cohérente et coordonnée à l’appui des efforts du pays pour faire face aux défis complexes et très divers auxquels il est confronté.
Le Secrétaire général encourage la Commission électorale indépendante à continuer son action avec le soutien d’experts nationaux et internationaux, en dépit des problèmes que pose l’organisation d’élections crédibles, transparentes et sans exclusive. Il demande à la communauté internationale de continuer à appuyer le processus électoral en République centrafricaine. Il exhorte les États Membres à verser des contributions au fonds commun créé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à l’appui des élections.
Il demande au Gouvernement de la République centrafricaine et à toutes les parties prenantes nationales d’accélérer la mise en œuvre des recommandations du dialogue politique sans exclusive, notamment celles concernant la sécurité et les groupes armés, et de continuer à être guidé par le même esprit de consensus et de consultation qui a caractérisé le dialogue.
M. Ban souligne avoir pris acte de la décision consensuelle de reporter la tenue des élections ainsi que de l’adoption de deux amendements constitutionnels permettant au Président et aux membres de l’Assemblée nationale de rester en fonction après l’expiration de leur mandat. Il exhorte toutes les parties prenantes nationales à faire preuve d’un haut degré de responsabilité à respecter l’ordre constitutionnel et à convenir ensemble des modalités qui permettront au processus électoral de progresser. À cet égard, il juge essentiel que la Commission électorale indépendante arrête, dès que possible, un calendrier clair et réaliste pour les élections.
Le Secrétaire général demeure préoccupé par la lenteur de la mise en œuvre des phases de désarmement et de démobilisation du processus de désarmement, démobilisation et réintégration. L’achèvement de ce processus contribuerait à la création d’un environnement propice à la tenue d’élections. Tout nouveau retard pourrait se traduire par des frustrations chez les ex-combattants en attente d’être désarmés et une reprise du conflit.
Il reste également très préoccupé par la disparition de dirigeants politiques, en particulier alors que le processus de paix et de réconciliation nationale est encore fragile. Il demande aux autorités de la République centrafricaine de faire la lumière sur ces disparitions et de demeurer fermement déterminées à assurer la sécurité des dirigeants politiques et militaires qui se sont joints au processus de paix et qui résident actuellement à Bangui conformément à la décision prise par le Comité de suivi, créé en vertu de l’Accord global de paix signé en juin 2008 à Libreville.
Il se félicite des efforts de démobilisation et de réintégration des enfants associés à des groupes rebelles et autres groupes armés. Il importe toutefois de mettre fin à l’impunité persistante, qui perpétue un climat de violation des droits de l’homme, de corruption et de non-respect de l’état de droit.
Le Secrétaire général encourage enfin les acteurs régionaux à poursuivre leur coopération, notamment en matière de partage d’informations au sujet des événements ayant une incidence négative sur la sécurité dans la région.