La descente faite le jeudi 10 juin dernier au parquet du Tribunal de Bangui par le président de la République François Bozizé pour y ordonner l’arrestation du bâtonnier de l’ordre des avocats et un autre citoyen qu’il accuse d’être à l’origine de l’incendie d’un supermarché appartenant à son ami libanais a quelques apparentements avec celle effectuée en 2007 par l’ancien et défunt président guinéen Lansana Conté à la prison centrale de Conakry pour ordonner la libération de son ami Mamadou Sylla, un homme d’affaire qui y croupissait pour avoir été condamné à cause d’un détournement de plusieurs milliards de francs. Il s’agit d’actes similaires d’une extrême gravité, posés par deux généraux présidents soudards africains qui se ressemblent dans leur nullité, à mettre dans les annales du fonctionnement des républiques bananières. Bozizé vient donc de détrôner Lansana Conté qui seul, détenait jusqu’ici le bonnet d’âne en quelque sorte.
S’agissant de Bozizé, c’est la traduction de sa conception médiévale et autocratique de la justice et de l’appareil judiciaire. Ne connaissant absolument rien en droit, ne serait-ce que même quelques notions sommaires en culture générale, il aurait dû s’entourer de juristes dignes de ce nom et compétents pour le conseiller. Il a plutôt choisi par pures considérations tribalistes, de s’attacher les services d’un charlatan et apprenti sorcier corrompu comme Firmin Feindiro qu’il a nommé procureur de la République de Bangui depuis son coup d’Etat du 15 mars 2003 et sur qui pèsent par dessus le marché, de graves soupçons de faux diplômes. Il se serait inscrit en master de droit à l’université de Grenoble puis en doctorat à celle de Toulouse avec le diplôme d’un tiers qu’il aurait falsifié. La multiplication des boulettes et autres bourdes juridiques et judiciaires de Bozizé s’explique en partie par ces raisons.
Quelque jours avant que même l’incendie eût détruit le supermarché du libanais Ali Akhrass, le procureur Feindiro avait dans une interview publiée par le journal proche du pouvoir La Plume, déclaré que le gérant de l’entreprise ADMN Jean Daniel Dengou devrait être arrêté pour incitation à la haine raciale contre les commerçants libanais en RCA à cause de la pétition qu’il a lancée pour défendre les droits des occupants expulsés manu militari de l’immeuble Bangui 2000 vendu dans des conditions scandaleuses mais sans doutes juteuses pour Feindiro et Bozizé, au Libanais Ali Akhrass.
A en croire certains membres du gouvernement de Bozizé, la façon dont il préside les conseils de ministres depuis qu’il est arrivé à la tête du pays peut donner une idée de la médiocrité et de la grave incapacité de l’homme à assumer réellement les charges de la fonction. Selon les confidences recueillies auprès de plusieurs ministres, les conseils de ministres débuteraient presque toujours par d’invraisemblables communications présidentielles où Bozizé passe son temps à attirer l’attention de tel ou tel ministre à propos des fiches de ses services de renseignement qui lui ont signalé la tenue la semaine précédente de plusieurs réunions nocturnes d’opposants. Parfois, il adresse de sévères mises en garde aux ministres au sujet de la mollesse et du manque de détermination de certains d’entre eux à combattre les opposants.
Toujours d’après ses ministres, aussi sidérant que cela puisse paraître, Bozizé occupe ses journées à gérer ses courriers privés et surtout contrôler lui-même l’identité des voyageurs à l’arrivée ou au départ de l’aéroport international Bangui Mpoko, en particulier ceux empruntant les vols d’Air France. C’est même un de ses fils, Franklin Bozizé, frère cadet de Francis, qu’il a placé comme chargé de sécurité à l’aéroport de Bangui outre le commissariat de police et la brigade de gendarmerie. C’est tout simplement hallucinant ! On peut comprendre ainsi la multiplication surtout ces derniers temps des tracasseries faites à certaines personnalités de l’opposition ou soupçonnées comme étant de l’opposition qui ont été empêchées d’embarquer avec à la clé la confiscation de leur passeport.
Selon un scénario quasi immuable, c’est le porte parole du gouvernement qui, devant l’indignation générale suscitée par la médiatisation des affaires d’interdiction de voyage et de la retenue de passeport de ces personnes, a la dure tâche d’expliquer la survenue de l’incident, de présenter les plates excuses du gouvernement et d’annoncer où et quand le passeport peut être restitué. En réalité, c’est Bozizé en personne qui, dans les coulisses, tire les ficelles. Dans certains cas, ceux des candidats au voyage qu’il connaît et qui parviennent à le joindre au téléphone depuis l’aéroport, encore faut-il avoir son contact téléphonique direct, peuvent obtenir de lui l’autorisation in extremis de prendre leur vol. Un président qui n’a rien d’autre à faire que de s’occuper des gens qui prennent l’avion ! Du jamais vu, mais Bozizé n’est pas comme les autres et vrais présidents. C’est une gravissime calamité arrivée par accident à la tête de la République centrafricaine dont cherche à se débarrasser le pays. Tant qu’il sera là, il n’y aura hélas pas d’élections transparentes ni crédible. Comment faire ? Les Centrafricains doivent y réfléchir sérieusement.