Le CSRD a un président, annonce que le gouvernement est
"dissous"
NIAMEY - Le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSDR), qui a mené jeudi un coup d'Etat au Niger, s'est doté d'un président et a annoncé dans la nuit à vendredi que le
gouvernement avait été "dissous", dans une déclaration sur les médias d'Etat.
"Le gouvernement étant dissous, le CSRD informe la population que les affaires publiques courantes seront expédiées par les secrétaires généraux des ministères et des gouvernorats", selon un communiqué de la junte.
Ce texte, lu sur la chaîne de télévision d'Etat Télé Sahel par un soldat qui n'a pas été identifié par l'AFP, était signé "chef d'escadron Salou Djibo, président du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie".
Peu connu du grand public, Salou Djibo est le commandant de la compagnie d'appui de Niamey, qui dispose d'armements lourds, tels les blindés.
Les observateurs estiment que les éléments de cette compagnie ont joué un rôle capital dans les opérations jeudi.
Des témoins ont fait été de tirs nourris, notamment autour du palais présidentiel, dans la journée de jeudi.
Des ministres, joints au téléphone, ont affirmé à l'AFP avoir été séquestrés lors d'une réunion du cabinet, tandis que le président Mamadou Tandja a été "emmené" vers un lieu non spécifié.
"Le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSDR), dont je suis le porte-parole, a décidé de suspendre la Constitution de la sixième république et de dissoudre toutes les institutions qui en sont issues", a annoncé dans la soirée le colonel Goukoye Abdoulkarim sur les ondes de la Voix du Sahel, radio d'Etat.
(©AFP / 19 février 2010 02h23)
Les militaires prennent le pouvoir au Niger
AP | 19.02.2010 | 00:28
Coup d'Etat confirmé au Niger. Un groupe de soldats mutins a annoncé jeudi soir avoir renversé le président Mamadou Tandja, suspendu la Constitution et dissout les institutions républicaines. Le pays est désormais dirigé par une junte baptisée Conseil suprême pour la restauration de la démocratie.
Quelques heures après l'attaque en plein jour du palais présidentiel, les militaires ont pris la parole à la télévision nigérienne, confirmant avoir pris le pouvoir dans la journée.
"Le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD), dont je suis le porte-parole, a décidé de suspendre la Constitution de la VIe République et de dissoudre toutes les institutions qui en sont issues", a affirmé un soldat se présentant comme le porte-parole du groupe, selon un extrait de son allocution diffusée sur France-Info.
"Nous demandons à la population de garder son calme et de rester unie autour des idéaux qui animent le CSRD et qui pourront faire du Niger un exemple de démocratie et de bonne gouvernance, à l'instar des autres Etats épris de paix et de stabilité", a-t-il ajouté.
Ce porte-parole a indiqué qu'un couvre-feu avait été décrété et que les frontières du pays étaient fermées. Il a affirmé tous les traités signés par le pays seraient respectés et a demandé à la communauté internationale de faire confiance au CSRD.
Selon un diplomate du Burkina Faso, pays voisin, le chef des mutins est le colonel Abdoulaye Adamou Harouna, ancien aide de camp du leader du dernier coup d'Etat au Niger, en 1999, le major Daouda Malla Wanke. A Niamey, des soldats d'une garnison contactés par téléphone ont confirmé que le leader des renégats était bien le colonel Adamou Harouna, mais ont donné un prénom différent, Djibril.
Le coup d'Etat a débuté jeudi après-midi, lorsque des soldats en armes ont investi le palais présidentiel à Niamey. Des tirs ont été entendus pendant une vingtaine de minutes et de la fumée s'est ensuite échappée du palais présidentiel. Des soldats ont ensuite bloqué les rues menant au bâtiment.
Selon Radio France Internationale (RFI), les soldats sont entrés dans le palais, ont neutralisé la garde présidentielle avant de pénétrer dans la pièce où Mamadou Tandja tenait une réunion avec les ministres de son gouvernement. Ils ont alors enlevé le président et l'ont conduit dans un camp militaire dans les faubourgs de Niamey.
La France a demandé à ses ressortissants à Niamey de rester chez eux, selon le ministère des Affaires étrangères. Air France a de son côté annoncé avoir "décidé de suspendre ses vols à destination de Niamey jusqu'à nouvel avis en raison de la situation politique", a fait savoir une porte-parole de la compagnie jointe par l'Associated Press. Le vol Paris-Niamey-Ouagadougou (Burkina Faso) de jeudi n'a pas fait escale à Niamey jeudi. Air France opère quatre vols Paris-Niamey par semaine en temps normal.
A New York, la porte-parole des Nations unies Marie Okabe a indiqué que le secrétaire général Ban Ki-moon suivait de près les développements au Niger.
Ce coup d'Etat intervient après plusieurs mois de tensions entre le président Tandja et l'opposition, qui l'accuse de dérives totalitaires.
En mai 2009, le chef de l'Etat a dissout le Parlement, opposé à l'organisation d'un référendum prévu en août pour lui permettre de prolonger son second mandat au-delà de son terme officiel, en décembre dernier. La décision était légale mais, en juin, Mamadou Tandja a invoqué des pouvoirs extraordinaires pour gouverner par décret. Or, la Constitution du Niger n'autorise le président à agir ainsi qu'en cas de menace grave sur le pays, et avec un Parlement en place pour empêcher d'éventuels abus de pouvoir.
Quelques jours plus tard, la Cour constitutionnelle a jugé illégal ce référendum. Mamadou Tandja a réagi par décret en dissolvant la Cour et en la remplaçant par une autre dont il avait choisi les membres. L'opposition protestait depuis contre l'acharnement à rester au pouvoir de Tandja, élu en 1999 après le précédent coup militaire, puis réélu lors de scrutins jugés équitables.
Pays du sud du Sahara, frappé par la sécheresse et la désertification, le Niger
a connu trois coups d'Etat entre 1974 et 1999. Le pays, qui figure parmi les moins développés selon l'index des Nations unies, a un taux de 70% d'illettrisme parmi sa population, et le plus fort
taux de natalité au monde.
AP
Mamadou Tandja, un ex-militaire mordu de politique et de pouvoir
NOUVELOBS.COM | 18.02.2010 | 18:50
Coiffé de son éternel bonnet rouge sombre, le président nigérien Mamadou Tandja, cible apparente d'une tentative de coup d'Etat jeudi à Niamey, promène sa longiligne silhouette sur la vie politique nationale depuis 35 ans.
Après plus de dix ans de pouvoir, il devait initialement se retirer en décembre 2009, mais la nouvelle constitution adoptée en août, malgré les protestations de l'opposition, lui a assuré en principe encore au moins trois ans à la tête du pays.
Parcours au départ classique pour le jeune Tandja né en 1938 dans le département de Diffa (sud-est), frontalier avec le Nigeria et le Tchad, à un millier de kilomètres de Niamey: après des années de formation militaire au Mali et à Madagascar, on l'envoie diriger plusieurs garnisons dans le pays.
Cet obscur militaire commence à faire parler de lui en avril 1974 lorsqu'il participe au renversement du premier président du Niger indépendant, Diori Hamani, par le général Seyni Kountché (mort au pouvoir en 1987).
Pas question de discuter avec des "bandits"
Le nom de Mamadou Tandja, membre de l'ethnie minoritaire kanouri, est, dès lors, associé à ce régime dont beaucoup de
Nigériens ont la nostalgie, les années qui l'ont suivi ayant été marquées par une instabilité politico-sociale et un appauvrissement dramatiques.
Sous Kountché, Mamadou
Tandja commence vraiment à goûter à la politique et au pouvoir, un virus dont il ne se débarrassera jamais: deux fois
préfet, ministre de l'Intérieur, ambassadeur du Niger au Nigeria.
Il est encore ministre de l'Intérieur de mars 1990 à mars 1991, dans le gouvernement du président Ali Saïbou. Cette fois on se souviendra surtout de lui pour la sanglante répression en mai 1990 d'une manifestation de Touareg à Tchintabaraden qui avait fait 63 morts. S'en suivirent quatre ans de rébellion touareg (1991-1995).
La question touareg le poursuivra d'ailleurs jusqu'à la présidence : ces deux dernières années, l'ancien militaire à dû faire face à
une résurgence de cette rébellion avec l'apparition du Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ). Pour le président, pas question de discuter avec des "bandits", dira-t-il souvent quand tout le monde, même le parlement, le pressait de
discuter.
Avant son accession en 1999 à la magistrature suprême, il avait tenté deux fois sa chance aux présidentielles en 1993 et en 1996.
Mamadou Tandja devait se retirer fin 2009
La troisième fut la bonne : le 22 décembre 1999, l'homme aux lunettes jaunes légèrement fumées devenait président et succédait au
commandant Daouda Mallam Wanké, au pouvoir depuis l'assassinat le 9 avril de la même année du président Ibrahim Baré Maïnassara.
Réélu facilement en décembre 2004, il avait battu au second tour avec 65,53% des voix le chef de file de l'opposition, le socialiste Mahamadou Issoufou. Celui-là même qui a
accusé son ancien rival d'avoir monté un coup d'Etat pour se maintenir au pouvoir, alors que constitutionnellement Mamadou Tandja devait se retirer fin 2009.
Il y a un "mystère Tandja", jugeait l'an passé un observateur: le pays est en paix depuis dix ans, l'économie s'est redressée, il a finalement commencé à parler avec les rebelles touareg, les relations avec l'ancienne puissance coloniale (la France) sont bonnes, "il aurait pu partir avec le sentiment du devoir accompli et entrer comme d'autres anciens présidents dans la catégorie des 'sages de l'Afrique'".
(Nouvelobs.com)