RFI jeudi 21 mars 2013 Par Nicolas Champeaux
En Centrafrique, la coalition rebelle Seleka a annoncé mercredi 20 mars qu'elle allait reprendre les armes. L'ultimatum de 72 heures qu'elle avait donné au gouvernement pour satisfaire ses nombreuses revendications a expiré. Nicolas Tiangaye, le Premier ministre de transition nommé à la mi-janvier à l'issue des accords de Libreville, souhaite que les rebelles reviennent à la raison.
RFI : Monsieur le Premier ministre, quel message adressez-vous à la rébellion Seleka, qui détient encore cinq de vos ministres et qui menace de reprendre les hostilités ?
Nicolas Tiangaye : Je pense qu’il faut renouer le dialogue et retourner à Bangui, autour de la table des négociations, pour que les revendications de la Seleka soient apposées au représentant spécial du médiateur qui se trouve actuellement à Bangui.
Et c’est un message que vous avez déjà transmis à la rébellion ?
Oui, nous comptons sur leur patriotisme. Ce n’est, ni dans l’intérêt du pays, ni dans l’intérêt de la Seleka, d’engager de nouvelles hostilités. Je pense que la raison finira par triompher. Je ne doute pas aussi de la sincérité de nos frères de la Seleka. Je ne doute pas qu’eux aussi, ils doivent être conscients que la reprise des hostilités ferait couler beaucoup de sang dans notre pays, et ne règlerait aucun problème.
Monsieur le Premier ministre, vos cinq ministres – à votre avis – sont-ils vraiment retenus en otage contre leur gré, ou participeraient-ils à une mise en scène pour permettre à la Seleka d’obtenir satisfaction ?
Je ne peux pas le savoir puisque je n’ai pas eu de contact avec eux depuis qu’ils sont partis.
La rébellion Seleka souhaite le départ des troupes étrangères de Centrafrique. Est-ce que c’est une demande irrecevable, selon vous ?
Ça fait partie des points inscrits dans l’accord de Libreville. Mais le président Bozizé estime que la situation sécuritaire du pays n’a pas atteint un point de stabilisation, susceptible de permettre, donc, le départ des troupes sud-africaines.
L’accord de Libreville prévoit que les Etats membres de la CEEAC œuvreront avec le gouvernement centrafricain, pour le retrait progressif du territoire national, de toutes les troupes étrangères non communautaires, en fonction de l’évolution de la situation sécuritaire sur le terrain.
Donc, il y a une question d’interprétation que je pose. La coalition Seleka souhaite le retrait immédiat des troupes sud-africaines, donc il s’agit là d’une question qui présente un aspect un peu complexe, qui sera soumise à l’arbitrage du médiateur.
Et quelle est votre interprétation à vous, monsieur le Premier ministre ?
Moi je n’ai pas d’interprétation. Je suis Premier ministre, je n’ai pas à interférer en donnant mon interprétation ! Je suis à la disposition de cet accord-là !
Autre revendication de la rébellion – et les barrières érigées par des milices – d’après nos informations, elles continuent, ces milices, de se livrer à des arrestations. En tant que Premier ministre, il vous est impossible de mettre un terme à ces agissements ?
Il ne s’agit pas de ministre qui procède à des arrestations. Il n’y a pas d’arrestations. Les milices érigent des barricades dans la ville le soir. Il s’agit des milices Cocora et Coac. D’après les accords de Libreville, ces milices doivent être dissoutes. Je crois que cela doit être fait, parce qu’il s’agit des engagements qui ont été pris et qui doivent être respectés.
Quelles sont vos relations avec le président François Bozizé, avec qui vous collaborez en tant que Premier ministre, depuis deux mois maintenant ?
Ce sont des relations qui reposent sur le respect mutuel, mais également sur l’intérêt du pays.
Il est de notoriété publique que vos relations avec le président Bozizé sont exécrables. Comment se passe la collaboration ?
Tout le monde souhaite qu’il y ait des relations exécrables, alors que nous nous rencontrons régulièrement pour discuter des questions d’intérêt national ! Pourquoi vous souhaitez que nos relations soient des relations exécrables ?
Alors est-ce que vous pouvez nous donner un exemple qui illustrerait cette parfaite collaboration avec le président ?
Mais ce n’est pas une question de relations exécrables ou de relations parfaites ! Je dis que nous travaillons dans le cadre du respect des intérêts de notre pays ! Et je n’ai pas à donner des détails, pour des raisons d’Etat, je n’ai pas à donner des détails sur les questions d’intérêt national qui sont abordées par le président de la République et son Premier ministre !
Qu’est-ce que votre collaboration a à son actif, dans ces cas-là – sans donner de détails – de quoi êtes-vous fier ?
Vous me posez des questions sur Seleka. Ne cherchez pas la petite bête. Moi, je vous dis que même si à un moment donné il y a eu des divergences avec Bozizé, aujourd’hui la situation de mon pays commande que nous taisions nos divergences, pour chercher à résoudre les problèmes auxquels notre pays est confronté ! Il s’agit d’une question de survie nationale, et que nos modestes personnes passent au second tour ! Voilà ce que je peux vous dire sur cette question !
Et quand le président François Bozizé, à l’occasion du 10ème anniversaire de son accession au pouvoir le week-end dernier, traite la Seleka de « voleur » et de « violeur », est-ce que vous considérez qu’il participe à la survie du pays ?
Les accords de Libreville prévoient que des acteurs doivent éviter de punir des troupeaux qui seraient de nature à envenimer la situation.