Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sommaire

  • : centrafrique-presse
  • : informations générales sur la république centrafricaine et l'Afrique centrale
  • Contact

Recherche

Liens

3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 03:35

 

 

 

FH

bozize-2

 

 

LE MONDE GEO ET POLITIQUE | 25.01.2013 à 15h02 • Mis à jour le 29.01.2013 à 10h12

 

Par Christophe Châtelot

 

Guerre au Mali, discours "fondateur" de la politique française en Afrique à Dakar, leçon de démocratie au Sommet de la francophonie à Kinshasa, envoi de paras en République centrafricaine (RCA), opération commando en Somalie... Rarement, au cours de ces dernières années, l'agenda africain d'un président français aura été aussi chargé en aussi peu de temps. Surtout pour quelqu'un dont on disait avant son élection, le 6 mai 2012, qu'il ne connaissait pas le continent noir, auquel il ne s'intéressait d'ailleurs guère. Les analystes se seraient donc trompés : tant d'événements en aussi peu de temps... L'Afrique serait donc une priorité de François Hollande ? A moins, plus probablement, que l'Afrique n'ait rattrapé le nouveau président d'un pays qui, au regard de son passé colonial, ne pourra jamais prétendre entretenir des relations "normales" avec ce continent. Il n'empêche, s'il ne maîtrise pas le cours des événements, François Hollande a commencé à imprimer sa marque, différente de celle laissée par Nicolas Sarkozy ou de la "Françafrique à la papa" de leurs prédécesseurs.


Certaines apparences sont pourtant trompeuses. Prenons le cas de la dernière crise en RCA. Début janvier, le président François Bozizé est aux abois, menacé par la poussée d'une rébellion arrivée quasiment aux portes de Bangui. Comme d'autres avant lui, le "général-président" appelle alors au secours "les cousins français" pour repousser les rebelles et sauver un régime discrédité, corrompu, népotique, installé dix ans plus tôt à la force des kalachnikovs avec la bénédiction de Paris.


Quelques jours après l'appel de Bangui, 600 paras français débarquent dans la capitale centrafricaine. A bord de Jeep ou de camions soulevant des nuages de latérite, les bérets rouges du 8e RPIMa (re)font leur apparition dans les rues de la capitale. La rébellion stoppe sa marche en avant à une soixantaine de kilomètres de la capitale. François Bozizé a sauvé sa tête. Grâce à Paris ? Comme aux plus belles heures de la France "gendarme de l'Afrique" ?


Le passé plaiderait pour cette version. En 1979, l'extravagant et meurtrier despote Jean-Bedel Bokassa,qui s'était couronné empereur deux ans plus tôt lors d'une cérémonie ruineuse calquée sur celle de Napoléon en 1804 et dont la France avait réglé l'intendance, est renversé. C'est l'opération "Barracuda", conduite par des commandos français et le Service action de la DGSE. En 1996, des troupes françaises interviennent à trois reprises pour sauver le pouvoir d'Ange-Félix Patassé contre des soldats mutinés. Rebelote en 1997 et en 2001. Puis en 2006, pour secourir l'actuel président.


Pourtant, six ans plus tard, François Hollande profite de cette énième crise en RCA pour marquer sa différence. Le SOS de François Bozizé"Si nous sommes présents, ce n'est pas pour protéger un régime, c'est pour protéger nos ressortissants et nos intérêts, et en aucune façon pour intervenir dans les affaires intérieures d'un pays, en l'occurrence la Centrafrique (...). Ce temps-là est terminé", martèle François Hollande. De fait, si l'on ne peut négliger l'effet dissuasif du déploiement des paras français auprès des rebelles, la France n'est pas venue pour "sauver le soldat Bozizé". Au contraire, Paris soutient le plan de sortie de crise concocté par les pays voisins de la RCA réunis au sein de la Communauté économiques des Etats d'Afrique centrale (CEEAC). L'accord dépouille Bozizé, cruellement surnommé l'"autiste de Bangui" par certains diplomates, de l'essentiel de ses pouvoirs au profit d'un gouvernement d'union nationale dirigé par un opposant et dans lequel figurent des ministres rebelles.


Dans ce pays où la France n'a pas d'intérêts économiques majeurs à défendre, le président centrafricain n'est plus dans la ligne. Il a été réélu au premier tour en 2011 au terme d'un simulacre électoral. Avec un Parlement quasi monocolore où sa famille et ses proches occupent un quart des sièges, il est la caricature des dérives népotiques et de la mauvaise gouvernance sur le continent. L'inverse des valeurs sur lesquelles François Hollande entend fonder les relations entre la France et l'Afrique.


Trois mois avant François Bozizé, Joseph Kabila avait lui aussi goûté à la "rupture" française, du moins pour la tonalité, par rapport à l'époque de Nicolas Sarkozy. A la veille de son déplacement, longtemps incertain, à Kinshasa pour participer au XIVe Sommet de la francophonie, François Hollande avait qualifié "la situation" en République démocratique du Congo (RDC) de "tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie, et de la reconnaissance de l'opposition". Il y a propos plus diplomatiques.


En marge du sommet, le président français avait aussi battu froid ses homologues Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et Paul Biya (Cameroun), tous deux accrochés au pouvoir depuis des lustres. Ali Bongo, le chef de l'Etat gabonais, avait quant à lui pu mesurer auparavant le changement de ton à Paris. "Le président Bongo est furieux contre la France", glissait l'un de ses proches à Kinshasa. Quant à Idriss Déby Itno, président tchadien dont le régime a été plusieurs fois sauvé par la France, il avait préféré se faire porter pâle plutôt que de se rendre à Kinshasa. Il aurait, lui aussi, pu y entendre tout le mal que l'on pense dorénavant de ses manquements à la démocratie, même s'il est sollicité, aujourd'hui, pour dépêcher des troupes au Mali...


"Ce n'est pas une posture. Rappelez-vous que, dès 2002, François avait publiquement pris ses distances avec le "camarade" Laurent Gbagbo [alors président de la Côte d'Ivoireà une époque où beaucoup, au PS, le soutenaient encore", rappelle un proche du président français. "Notre ligne n'est pas de rompre les relations avec eux mais nous ne leur déroulerons pas le tapis rouge", ajoute-t-on à l'Elysée à l'égard des chefs d'Etat africains qui prennent des libertés avec leurs engagements.


Pour que le message soit bien clair, Paris chouchoute les "bons démocrates", tels que le président sénégalais Macky Sall, tombeur d'Abdoulaye Wade,ou le Nigérien Mahamadou Issoufou, élu à la régulière. Une attitude qui résonne comme un lointain écho du discours de La Baule de François Mitterrand, qui, en 1990, se voulait fondateur d'une nouvelle ère de démocratisation en Afrique : "La France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté." Il oubliera sa promesse.


Aujourd'hui, l'objectif de cette franchise - "Nous devons tout nous dire, sans ingérence mais avec exigence", a dit François Hollande à Dakar - n'est pas seulement d'encourager la démocratie. Il s'agit aussi de faire passer le message de la rupture. Sont ainsi visés des présidents emblématiques de la Françafrique, ce système opaque hérité de la décolonisation où les relations personnelles et privilégiées entre dirigeants et la défense d'intérêts particuliers prenaient le pas sur les principes républicains.


Pour faire taire ceux qui pensent que Paris se priverait de relais utiles en Afrique, l'Elysée met l'accent sur la transparence et le développement du multilatéralisme. En opposition aux relations bilatérales parfois incestueuses du passé. C'est du reste l'un des axes de la politique de François Hollande vers l'Afrique : favoriser la recherche de solutions africaines aux problèmes africains en s'appuyant sur les organisations régionales, l'Union africaine, ou sous-régionales, CEEAC pour l'Afrique centrale, Cedeao pour les pays de l'ouest du continent. L'avantage est multiple : responsabiliser et mutualiser les risques, mais aussi les coûts, en ces temps de disette budgétaire. "Le futur de l'Afrique se bâtira par le renforcement de la capacité des Africains à gérer eux-mêmes les crises africaines", expliquait ainsi le président Hollande dans son discours de Dakar, le 12 octobre. La méthode est en action en Centrafrique ou dans l'est de la RDC, en proie à une instabilité chronique.


Mais, au regard de la crise malienne, un mot du président prend tout son sens :"futur". Car, le 11 janvier 2013, ce sont bien des avions de chasse français qui sont intervenus au Mali, et non des avions africains. Depuis, plus de 2 000 soldats français d'élite ont été déployés au sol, dont une partie est en première ligne pour traquer djihadistes étrangers et islamistes touareg qui contrôlent le nord du pays depuis près d'un an et menaçaient, grâce à une percée début janvier, de descendre sur Bamako.


Pour autant, cette intervention n'a rien à voir avec celles du passé. "Au Mali, explique Jean-François Bayart dans Le MondeParis jette ses forces non contre l'une des factions qui se déchirent ce qui reste d'Etat, mais contre des mouvements armés en partie étrangers qui remettent en cause l'intégrité territoriale du pays et ne cachent pas leur intention de recourir à l'action terroriste contre les "croisés"." "En outre, ajoute ce directeur de recherche au CNRS, François Hollande a répondu à l'appel explicite de son homologue malien, dans un cadre légal préalablement défini par des résolutions des Nations unies."


Même si la question de la légalité de l'intervention peut faire débat, personne ou presque, en France comme à l'étranger (à l'exception de l'Egypte et de la Tunisie), n'en conteste la légitimité. Tout d'abord parce qu'elle brandit l'étendard de la lutte, très consensuelle, contre le terrorisme. Cet argument, développé par François Hollande depuis le début de la crise au Mali, a d'ailleurs pris toute sa signification mi-janvier avec la prise d'otages meurtrière d'In Amenas, en Algérie, revendiquée par Mokhtar Belmokhtar, l'un des djihadistes algériens les plus recherchés installé de longue date dans le nord du Mali.


Le 26 septembre 2012 à l'ONU, François Hollande avait tenu des propos qui campaient le débat : "Ce qui se produit au Nord-Mali n'est pas un défi pour les autorités de ce pays seulement, c'est une menace pour l'Afrique de l'Ouest et le Maghreb. C'est également un risque pour l'ensemble de la communauté internationale. Car, quand un territoire grand comme la France est occupé par des groupes terroristes dont le but n'est pas simplement de contrôler une population, de la punir, de la soumettre, mais de constituer une base arrière pour mener des offensives de même nature terroriste sur les Etats de la région, alors nous sommes devant une menace qui concerne l'ensemble du monde."


On ne peut donc pas accuser Paris d'avoir agi unilatéralement. Depuis des mois, les diplomates français épaulent leurs collègues de la Cedeao dans la rédaction des textes adoptés à l'ONU. Ils sillonnent l'Europe pour alerter du danger et mobiliser moyens et énergies. De plus, c'est la Cedeao, communauté de 15 pays dont le Nigeria anglophone, poids lourd politique et économique du continent hors de la sphère d'influence française, qui la première a demandé une intervention militaire d'urgence. Initiative soutenue par Paris qui, dès le printemps 2012, a dépêché des spécialistes de la planification militaire pour aider la Cedeao à mettre sur pied le contingent africain, soit près de 6 000 hommes issus de 9 pays, réunis au sein de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma) commandée par un général nigérian.


Mais, à supposer que cette mobilisation internationale entraînée dans le sillage de la France chasse les djihadistes du nord du Mali, une autre partie, aussi difficile, se jouera : reconstruire un pays failli, plongé dans un chaos institutionnel depuis le coup d'Etat du 22 mars 2012. Passé le temps d'apprécier la capacité de l'armée française à se projeter sur un théâtre d'opérations, il s'agira alors de juger de l'efficacité d'un autre volet, essentiel, de la politique française en Afrique, celui de l'aide au développement. Et il n'est pas là question que du Mali.


La refonte de ce secteur, sinistré sous la présidence de Sarkozy, est en chantier. En novembre se sont ouvertes les Assises du développement et de la solidarité internationale pilotées par Pascal Canfin, ministre délégué au développement, et associant tous les intervenants en ce domaine (Etat, ONG, syndicats, entreprises, fondations, collectivités territoriales, parlementaires, organismes de recherche). Les conclusions de ces assises ne seront connues qu'en mars, mais l'organisation non gouvernementale Survie fait part de ses doutes. "Les grandes lignes de la politique gouvernementale sont déjà bien définies et ancrées dans la continuité en matière monétaire, économique ou diplomatique, et les rares propositions réformatrices soigneusement balisées", dénonce l'ONG.


Ces dernières années, l'inclusion des annulations de dettes massives dans les chiffres de l'aide publique au développement (APD) a permis de gonfler artificiellement des statistiques qui, malgré cela, restaient en deçà des 0,7 % du PIB que la France s'est engagée à y consacrer. Ces annulations vont bientôt prendre fin, et l'on peut douter, en cette période de crise, que la France racle le fond de ses caisses pour développer l'APD. La question est pourtant cruciale pour François Hollande, s'il ne veut pas, demain, se trouver confronté à d'autres Mali.


Christophe Châtelot

 

Partager cet article
Repost0
Centrafrique-Presse.com - dans FRANCE