Libération 11/05/2010 Par Sabine Cessou
Deux personnes travaillant pour la Croix rouge ont été tuées en Centrafrique, le 6 mai, dans une attaque de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA). C'est le dernier incident lié à l'émiettement de cette rébellion, l'une des plus violentes d'Afrique, née voilà plus de vingt ans au nord de l'Ouganda. Ce mouvement recrutait initialement parmi l'ethnie achoni, sur fond de revendication théocratique reposant sur la Bible. Aujourd'hui, la LRA est active en République démocratique du Congo (RDC), au Sud Soudan et en République de Centrafrique, dans des zones frontalières qui échappent à toute autorité. Dans un rapport publié le 28 avril, l'organisation non gouvernementale International Crisis Group (ICG) insiste sur la dimension régionale prise par la guerre lancée par l'Ouganda contre cette rébellion, et la nécessité d'une réponse adéquate, de la part de la communauté internationale.
La tentative d'écrasement de la rébellion par l'armée régulière ougandaise, du 15 décembre 2008 au 15 mars 2009, dans le parc national du Garamba, une base arrière de la LRA située en RDC, n'a fait qu'aggraver le problème : les six principaux groupes existants de rebelles, qui étaient au courant de l'attaque planifiée contre eux à cause d'une défection du côté des renseignements ougandais, se sont dispersés par petites escouades dans trois pays. Au Sud Soudan, en Centrafrique et au Congo, ils pillent, mutilent et massacrent des villageois, tout en fuyant l'armée ougandaise, engagée depuis deux ans dans une véritable chasse à l'homme. Cette course folle s'est soldée par la mort de plus de 900 civils, tués par la LRA et dont la protection a été le cadet des soucis des armées de l'Ouganda et de RDC. Cette protection, qui se trouve au coeur du mandat des 20 500 Casques bleus présents en RDC, n'a pas non plus été assurée par la Mission des Nations unies au Congo (Monuc).
Les combattants de la LRA enlèvent des enfants pour en faire des soldats, qui représenteraient jusqu'à 80 % de leurs effectifs, par ailleurs difficiles à estimer. Selon la propagande ougandaise, 370 rebelles ont été capturés et il n'en resterait plus que 200 en cavale. Soutenue sur le plan logistique par les Etats-Unis, l'armée ougandaise continue de viser la tête de la LRA, Joseph Kony. Erreur stratégique ? Ce choix semble inspiré par la débandade historique de l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (Unita), après la mort de son chef historique, Jonas Savimbi, en 2002, tué dans une embuscade. «Même si Kony est capturé ou tué, les combattants de la LRA resteront un danger terrible pour les civils», affirme Edward Dalby, analyste pour l'Afrique de l'ICG. Joseph Kony, 48 ans, est sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), depuis 2005, pour crime contre l'humanité. Selon les services ougandais, Kony se trouvait en mars dernier au sud Soudan, où il aurait recherché le soutien de son ancien allié, le régime de Khartoum. Il se trouverait actuellement en Centrafrique.
«Pour mettre fin à une rébellion devenue sans cause et sans port d'attache, une nouvelle stratégie est nécessaire, de manière à protéger les civils», explique Thierry Vircoulon, directeur de projet de l'ICG pour l'Afrique centrale. L'ONG préconise un programme de démobilisation des combattants de la LRA, mais aussi de s'attaquer à la racine du problème, en remédiant aux frustrations ressenties au nord de l'Ouganda, le berceau de la LRA. Dans cette région, les populations s'estiment marginalisées par le régime de Yoweri Museveni, à la tête de l'Ouganda depuis 1986 – l'année où la LRA s'est formée.
© Reuters / Un officier de la LRA capturé en mars 2009 par l'armée ougandaise.