
A quelques jours seulement de l'ouverture du Congrès du parti "Kwa na kwa" à M'baïki, une forte délégation du MLPC a effectué une tournée dans la Lobaye, notamment dans les sous-préfectures de Mongoumba et M'baïki. Conduite par M. Martin Ziguélé. Président du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain en personne, cette mission a été appuyée par M. Hugues Dobozendi, une des figures de proue de la Lobaye et dinosaure du MLPC. C'est dire toute l'importance que le MLPC attachait à cette tournée qui a été diversement interprétée dans les milieux politiques, surtout dans les cercles proches du pouvoir. Cette tournée a-t-elle des relations avec la décision du KNK d'organiser son congrès à M'baïki ? M. Martin Ziguelé répond à cette question et aborde par la même occasion les supputations qui se font autour de la présence d'Ange Félix Patassé à Bangui. La position du MLPC, selon M. Martin Ziguélé, est claire et ne varie pas d'un iota.
Le Confident: M. Martin Ziguélé, le MLPC vient de surprendre tout le monde par une tournée dans la Lobaye. Qu'est-ce qui a véritablement motivé cette mission?
Martin Ziguelé : Effectivement, je viens d'achever une tournée marathon dans la Lobaye à l'invitation de la Fédération MLPC de la Lobaye, et notamment des sous-fédération de M'baiki et de Mongoumba. Donc j'ai parcouru treize localités dans la Lobaye en trois, jours et c'est pourquoi j'ai parlé de marathon. En parlant de Bangui, nous avons fait M'baïki, Moungoumba, Zinga, Batalimo, Mbata, Bouchia.
Après, nous avons fait la SCAD, Safa-Moscou, Bangandou et enfin Boukoko, Bonaka et Ndolobo. Au chemin du retour, nous avons clôturé par Bérengo. Nous avons parcouru treize localités de la Lobaye où nous avons rendu visite aux sections du parti. Mais je dois dire que partout où nous sommes passés, ces rencontres, qui étaient destinées à la sensibilisation de nos organes, se sont étendues à d'autres compatriotes, qui ne sont pas forcément militant du MLPC. Ils étaient nombreux, très nombreux, venus nous voir, discuter des problèmes de l'heure avec nous, la ligne politique du MLPC nouvelle.
Vous avez omis Boda ?
Je n'ai pas omis Boda. J'ai déjà été à Boda à trois reprises. Nous avons découpé la Lobaye en trois parties. Cette partie que je viens de faire est déjà achevée. Maintenant, je suis en train de programmer dans tout le nord de la Lobaye, c'est-à-dire Pissa et dans la Lesse, Karawa, Mbanza jusqu'à Karbara etc .. et puis à Bangui-Bouchia, Bokanga. Dans ta même lancée, nous ferons, Boda, Bossoui, Ngotto, Saguia, Boganangone, Boguéra, Gazi-Béa, Bankouè et Boganda. Avec cette minute, nous allons dans toutes les sections du parti. Nous ne restons pas seulement dans les sous-préfectures qui abutent les sous-fédérations. Nous allons dans les sections, c'est-à-dire dans les villages au contact des Centrafricains, de tous nos compatriotes militants, de nos sympathisants, de tous nos compatriotes je le dis bien, mais vraiment dans les villages à base.
Beaucoup d'observateurs ont vu en cette tournée, un piège que vous tendez au KNK, qui a ouvert son Congrès, 48 heures à la fin de votre mission dans la Lobaye?
Non, nous savions que le KNK allait tenir son Congrès le 13 Novembre à Mbaïki. Mais nous ne sommes pas liés à l'agenda du KNK pour nos activités politiques. Nous sommes un parti politique expérimenté, représenté sur tout le territoire national et nous sommes autonomes dans notre démarche politique. Nous avons une vision de ce qu'il faut faire sur le terrain et nous l'exécutons sans vraiment nous préoccuper de ce qui se passe aux alentours.
Le MLPC est-il vraiment implanté dans la Lobaye?
Plus que jamais, le MLPC est devenu un acteur majeur dans la Lobaye. Et nous pensons tout simplement que cela est dû à un travail d'explication. Je pense que nos compatriotes de la Lobaye ont senti que le MLPC, dont je parle, lorsque je les rencontre, n'a plus rien à voir avec le MLPC du passé. Les hommes et les femmes qui animent le parti aujourd'hui ont une vision, une volonté, un agenda, un programme et ont une démarche politique contractuelle. Qu'est ce que vous vouiez ? Qu'est ce que nous pouvons faire ensemble ? Comment nous allons contrôler ensemble ce que nous allons faire ? Nous sommes dans une démarche de vérité et de sincérité.
Nous ne sommes pas dans une démarche de démagogie politique, une démarche de promesses sans lendemain et de promesses surtout perpétuelles. Nous disons à nos compatriotes de la Lobaye qu'au-delà des fêtes et des manifestations festives, il y a le développement de la Lobaye, qui est quand même une des régions les plus riches de la RCA et qui est carrément laissée à l'abandon.
M. le Président, vous avez établi une comparaison entre le MLPC du passé et celui que vous dirigez. Le MLPC actuel peut-il relever le défi du retour de Patassé en Centrafrique?
Je crois qu'il n'y a une rupture nette au parti depuis le Congrès de Juin 2007. Je vous rappelle qu'au Congrès de 2007 il y a eu trois décisions majeures. La première décision c'est la dépersonnalisation du parti. Nous n'avons pas un gourou à la tête du parti qui, tirant ses connaissances et son savoir de droit divin, doit imposer des instructions à l'ensemble des militants du MLPC qui eux, se comportaient comme des moines soldats.
Tout cela est terminé. Deuxièmement, c'est la modernisation du parti social-démocrate, qui doit offrir aux Centrafricains ce qu'il y a de plus généreux, de plus noble, de plus exigeant sur le plan de la justice, de la liberté, de la fraternité et des débats d'idées. Le MLPC doit retrouver sa place de catalyseur des aspirations des Centrafricains pour leur proposer un projet crédible et non démagogique.
C'est ça la modernisation. Et la modernisation touche même au fonctionnement du parti. Débats autour de toutes questions débats autour de tous les projets, il ni y a pas de sujets tabous à l'intérieur du MLPC et des organes du MLPC.
Troisième programme, restructurer le parti pour gagner les élections en 2010. Et par rapport à cet objectif le Congrès nous a dit clairement que n'avons qu'un seul adversaire politique. Il s'appelle François Bozizé Yangouvonda. La stratégie politique de notre adversaire comporte plusieurs volets dont la fragilisation du MLPC par l'instrumentalisations des personnes qui sont en dérive politique et qui cherchent à s'accrocher. Et donc, nous pensons que nous ne devons pas être des traits. Je dirai même plus. Dans une lecture dialectique de la politique centrafricaine, je dirais que l'investissement que le pouvoir fait pour tenter de fragiliser le MLPC est la preuve que nous sommes sur le bon chemin. Donc nous continuons la lutte sur le terrain auprès de nos compatriotes parce que les Centrafricains savent lire et distinguer le fil blanc du fil noir.
L'ancien président, Ange Félix Patassé, a déclaré qu'il va convoquer un Congrès du MLPC. De quel MLPC s'agit-il, car l'observateur perd un peu son latin?
Ces jours-ci, je vois beaucoup de choses qui se disent, qui s'écrivent, qui se commentent par ci par là, mais nous sommes quand même dans un Etat de Droit. Je voudrais dire aux uns et aux autres que la Justice Centrafricaine a définitivement tranché la question de la légitimité de la direction du parti. Et avant que la justice centrafricaine, n'intervienne, et ce rappel est très important, le ministère de l'Intérieur avait déjà écrit à des plaignants auparavant pour reconnaître que les actes issus du Congrès du 21 au 23 juin 2007 sont légitimes, fondés et reconnus par l'administration du Territoire. Et d'ailleurs, c'est en contestation de cette décision du ministère de l'Intérieur, que certains ont cru devoir entamer une procédure judiciaire et ifs ont régulièrement et contradictoirement perdu aussi bien au niveau en Grande Instance qu'en Appel. Donc sur le plan juridique, les Centrafricains ne doivent pas se laisser distraire. Nous ne sommes pas dans un feuilleton qui amuse la galerie. Les choses sont claires et nous avons là le droit de notre côté. Nous avons l'Administration qui a reconnu les actes du Congrès de 2007. Politiquement, l'ensemble du Bureau Politique du parti, l'ensemble du Conseil Politique National, l'ensemble des fédérations et sous- fédérations du parti sont derrière nous pour mener le combat contre Bozizé. Tout le reste fait partie de cette stratégie globale, organisée, dirigée et financée par Bozizé pour fragiliser le MLPC. Mais cette stratégie échouera comme d’autres ont échoué par te passé.
M. le président, si jamais l’ex-président Ange Félix Patassé, qui a été d'abord suspendu puis radié du parti pas le Congrès de juin 2009, voudrait revenir au MLPC?
S'il veut revenir au MLPC, il doit d'abord reconnaître que le MLPC est un organe structuré qui a des statuts et son Règlement Intérieur. Les dispositions des Statuts et Règlement Intérieur face à un ex-camarade, à quelqu'un qui a été radié du parti sont claires. C'est une nouvelle adhésion qui doit être examinée par la cellule à laquelle il veut adhérer,
Je voudrais être clair là-dessus. Le MLPC est un parti politique désormais structuré, moderne et qui respecte scrupuleusement ses textes. Nous ne voulons plus d'aventure personnelle. Le MLPC ne servira plus de tremplin ou de bouée de sauvetage à des hommes politiques, quels qu’ils soient, qui pensent qu'ils peuvent abuser continuellement de la disponibilité des militants du parti. C’est terminé. La page est tournée. Le temps, c'est la seule chose qu'on ne peut pas arrêter dans notre vie.
Et avec le temps, les mentalités évoluent. la République Centrafricaine de 1979 n'est pas celle de 1992, n'est ni celle de 2003, ni celle de 2010. Aujourd'hui, novembre 2009, les Centrafricains savent lire et vous lire entre les lignes. Ils comprennent bien où se trouve l'intérêt du pays. Les jeux politiciens, nous n'en voulons pas. Les calculs politiciens, nous n'en voulons plus. Les tentatives de récupération du parti pour assouvir des ambitions personnelles, nous n'en voulons pas. Nous menons une lutte politique. Nous avons une vision, nous avons un objectif, nous avons la volonté. Nous prendrons le temps qu'il faudra pour que les Centrafricains comprennent qu'il faut tourner la page de ces manipulations qui ont fait tant de mal à notre pays. Et que des jeunes, des moins jeunes se réunissent autour de cet idéal pour tenter de remettre sur les rails un parti qui, ne l'oublions pas, a été victime du coup d'état du 15 mars 2003. Je pense à nos martyrs, je pense à ceux qui sont tombés au nom du MLPC et qui aujourd’hui, là où ils sont, regardent ce qui se passe avec ceux pour qui nous avons parfois payé de notre vie. Ils s'allient avec ceux qui nous ont renversés pour tenter de détruire l'espoir des militants. Et ça, nous ne le permettrons pas. Je vous le dis très solennellement, au prix de notre vie, s’il le faut, nous ne permettrons pas un retour au passe.
Que dites-vous des militants et cadres du MLPC qui prennent contact avec l’ancien président Ange Félix Patassé ?
L'ancien président Ange Félix Patassé est un Centrafricain. Il appartient à ce pays, comme vous appartenez à ce pays. Si vous revenez d'exil, les membres de votre famille, les amis politiques actuels et anciens viennent par civilité vous saluer. Cela n’a aucun écho politique. Ce que je voudrais dire c'est que le MLPC a payé le prix humain le plus élevé et les Centrafricains ne le savent pas assez pour que beaucoup d'entre nous puissent faire une carrière politique. Et aujourd'hui, je pense que s'ils ont un peu d'humilité, de reconnaissance, ils auraient dû nous féliciter pour le travail et nous n'avons vraiment pas besoin d’opportunistes ou de situationnistes. Des gens qui travaillent objectivement pour le pouvoir en place et qui continuent à casser le MLPC et qui n’ont aucune reconnaissance pour le travail que les uns et les autres font, pour ça, je pense que le parti est debout. Nous avons un seul objectif, je le répète pour la troisième fois, c’est de battre dans les urnes François Bozizé Yangouvonda. Et je sais que la majorité des Centrafricains aujourd’hui souhaite que le MLPC reste debout et ne se laisse pas distancé pour atteindre cet objectif. C’est pourquoi nous privilégions le travail de terrain. Nous ne nous perdrons pas dans les querelles qui ont pour unique but de nous distraire. Nous ne nous perdrons pas dans ces querelles.
Source : Le Confident n° 2279 du 16 novembre 2009