À quelques mois des élections législatives et présidentielle théoriquement fixées au 23 janvier prochain, nous avons appris le limogeage du directeur général de la SODECA (Société de distribution d’eau en Centrafrique) Paul Bellet et son remplacement par Rufin Benam, ancien chef de cabinet du ministre délégué aux mines, présenté comme un proche parent du sulfureux Sylvain Ndoutingaï.
On le sait, Paul Bellet est le président d’un minuscule parti politique alimentaire, le Mouvement national pour le renouveau (MNR) membre de la majorité présidentielle mais surtout un ressortissant de la préfecture de la Lobaye, dans laquelle François Bozizé avait fait de meilleurs scores lors de la présidentielle de 2005 et qui constitue, à ne point douter, un bassin électoral non négligeable.
Ce limogeage de Paul Bellet et son remplacement par un Gbaya, ressemble plus à un pied de nez aux ressortissants de la Lobaye, donc aux potentiels électeurs, qui se voient ainsi, malgré leur vote massif de 2005 en faveur de Bozizé, traités avec mépris et ingratitude par ce régime avec son overdose de Gbayas qui occupent tous les postes juteux de l’administration centrafricaine. En politique, cela s’appelle une bourde mémorable !
Ce qui laisse supposer que la grosse colère de François Bozizé contre son « neveu » Sylvain Ndoutingaï à l’origine du limogeage de Paul Bellet, procède plus de la découverte par celui-ci d’une grosse bêtise qu’on lui a fait faire à quelques mois des élections que par le rejet du voyoutisme d’État que pratique depuis un certain temps son ministre de parent, qui n’est pas à son premier coup d’essai dans le racket des artisans miniers.
Manifestement, Bozizé s’est
rendu compte après coup que c’aurait été plus intelligent et politiquement acceptable de remplacer Paul Bellet, du reste indéfendable du
fait de la situation de crise sans précédent de la SODÉCA, par un autre ressortissant de la Lobaye afin de respecter l’équilibre régional et ethnique, indispensable à la cohésion nationale et la
paix sociale dans un pays marqué par les clivages ethnocentristes comme la Centrafrique.
Mais c’est sans compter avec le tribalisme primaire, rompant et nauséabond du soi-disant neveu de Bozizé, ministre des mines que celui-ci
avait d’ailleurs élevé, suprême insolence aux symboles de la nation centrafricaine, Grand Croix de l’ordre du mérite national, la plus haute distinction honorifique du pays, qui rêve d’instituer
sur la terre de nos pères, un empire exclusivement Gbaya ou du moins dont les rênes ne seront tenues que par ses parents.
Le tribalisme, oh pardon, le gbayalisme pathologique de Sylvain Ndoutingaï qui entend établir en Centrafrique, la République des fio, nam,
bona feï, ngaï, saute même à l’œil d’un aveugle. Pour s’en convaincre, il suffit de faire un petit tour au ministère des mines et dans les sociétés d’État sous sa tutelle pour s’apercevoir que
95% des employés à commencer par les directeurs généraux jusqu’aux plantons, sont des Gbayas. Là où le bât blesse, c’est que la plupart de ces nouveaux fonctionnaires n’ont fréquenté ou si peu,
les bancs d’université. Ils sont peu nombreux, ceux qui ont passé le cap du brevet. De leur bourgade de Bezambé ou de Ngbaolé, le village de Bozizé, ils se sont retrouvés dans les atmosphères feutrées des bureaux banguissois à l’air conditionné.
Cette situation étant érigée en mode de gouvernement, elle n’offre plus que deux alternatives aux autres Centrafricains qui n’ont guère eu la chance ou la malchance, c’est selon, d’être des proches parents de Ndoutingaï et Bozizé : être réduit à errer sous les manguiers de Bangui ou prendre le chemin de l’exil. Dans la majorité des cas, ces valeureux cadres pourtant formés à prix d’or par l’État centrafricain, choisissent la seconde alternative laissant ainsi le pays entre de mains peu expertes le conduisent vers sa perte. D’où l’incurie actuelle.
Une grotesque diversion
C’est être naïf et très peu informé sur le fonctionnement de la bozizie que de considérer le coup de gueule de Bozizé contre son soi-disant neveu comme une véritable rupture. Certes, Bozizé a tancé Ndoutingaï. Certes l’orgueil de ce dernier a pris un coup. Certes cette sortie de Bozizé laisse momentanément planer l’illusion, surtout pour ses collègues du gouvernement, que Ndoutingaï est vulnérable comme les autres « ministres » qui soit dit en passant le détestent ainsi qu’ils détesteraient le premier amant de leur épouse. Mais au fond, rien de nouveau. Ce n’est que de la poudre aux yeux !
Car, ce n’est pas pour demain que Bozizé va se résoudre à virer Sylvain Ndoutingaï du gouvernement. Ce n’est ni hier et ce ne sera pas aujourd’hui que Bozizé va enfin comprendre qu’être président de la République signifie en réalité se départir de sa famille, de son clan et appartenir à un collectif, c’est-à-dire, à une NATION, avec un destin commun. Tant que Bozizé se comportera en chef de gang, tant qu’il aura toujours la rancune chevillée au corps, tant qu’il raisonnera en termes de MARA « ethnie » pour gérer la cité centrafricaine, Ndoutingaï aura de beaux jours devant lui, restera au gouvernement et continuera inlassablement d’extorquer les collecteurs et autres artisans miniers dans le but de garnir encore davantage ses comptes en banque à l'étranger.
Il a beau admonester Sylvain Ndoutingaï pour amuser la galerie, il reste et restera que le jour du vote, l’ensemble des Centrafricains y compris les ressortissants de la Lobaye se souviendront de son tribalisme fieffés, son incompétence notoire, son esprit de vengeance avérée et, au moment de glisser leur bulletin de vote dans l’urne, choisiront de tourner la calamiteuse page Bozizé, véritable fléau national.
Source : http://www.lindependant-cf.com Dimanche 19 Septembre 2010