La République Centrafricaine comme tout Etat au monde dispose des forces de défense et de sécurité (FDS) qui ont la mission de défendre l’intégrité du territoire, c’est-à-dire de protéger l’espace national contre toute attaque extérieure et intérieure, d’assurer la sécurité et libre circulation des personnes et des biens à l’intérieur du territoire national dont la superficie, faut-il le rappeler, est de 623.647 km2.
Mais cette mission traditionnelle d’ouvrier de l’ordre et de la paix confiée à nos forces de défense et de sécurité ne semble pas être comprise par le soldat centrafricain qui reste plongé dans la vision irrationnelle à lui imposée par les mauvaises circonstances du temps depuis une décennie à savoir : résoudre les conflits exclusivement par la violence des armes.
S’il est vrai que la logique militaire consiste à favoriser le retour à la paix par la défaite pure et simple de l’adversaire ou la réduction des capacités de nuisance de l’ennemi en vue de le réduire à sa plus simple expression (car la puissance ne peut être que publique c’est-à-dire relevant exclusivement de l’Etat) et, par voie de conséquence, l’affirmation et l’augmentation de la puissance du vainqueur sur toute l’étendue du territoire national, il n’en demeure pas moins vrai que des interrogations fondamentales méritent d’être soulevées quant à l’incompréhensible et paradoxale cohabitation des forces de défense et de sécurité nationales avec des forces non conventionnelles comme le FPR du chef rebelle tchadien Baba Laddé à Kaga-Bandoro.
En effet, il est établi que dans cette partie du territoire centrafricain située dans le centre-nord, les forces rebelles étrangères multinationales du Tchadien Baba Laddé semblent cohabiter ensemble avec les ex-rebelles centrafricains de l’APRD et les forces gouvernementales, ce qui n’existe nulle part actuellement dans le monde. Pourquoi les forces gouvernementales si promptes à agresser des civils sans arme et non violents y compris les personnes vulnérables telles que les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées, s’accommodent-elles sur son propre territoire de la présence des forces étrangères non conventionnelles? Pourquoi ne libèrent-elles pas ces populations de l’otage de ces forces étrangères nuisibles à la paix et au développement local, régional et régional? Peut-on encore croire à la mission sacrée de nos forces de défense et de sécurité? Le doute est permis.
Vu sous cet angle, le véritable problème qui se pose aux forces centrafricaines de défense et de sécurité est celui de savoir comment faire pour rompre avec la vieille méthode du soldat dévastateur de la nation, prêt à faire du mal à son compatriote pour rien, mais paradoxalement complaisant à l’égard de l’étranger pourtant viscéralement mauvais. Cette question permet de comprendre les différents maux dont souffrent actuellement nos forces de défense et de sécurité.
Sans être exhaustif, parmi les maux qui gangrènent le milieu des FDS se trouve le problème de l’éthique et de déontologie professionnelle qui fait cruellement défaut. Les repères en la matière semblent ne plus existe. C’est ainsi que l’on a des soldats voleurs, violeurs, braqueurs, drogués, soulards à longueur de mois, inconscients, clanistes et tribalistes, indisciplinés. La soumission des subalternes aux autorités supérieures, la perte du sens de l’honneur et des valeurs républicaines, l’immérité en termes de promotion en grade, sont entre autres les maux qui minent ce milieu. Il faut chercher les causes des différents conflits politico-militaires que notre pays à connus ces derniers temps dans ces maux, de même que l’explosion du phénomène de rébellion et la culture des armes. Il y a même des militaires – soldats, gradés, sous-officiers et officiers - qui sont fiers de soulever ou d’avoir soulevé les armes contre les institutions de la république et la démocratie, oubliant que cette époque est révolue! Allons-y comprendre.
L’utilisation des armes dans le but d’obtenir le pouvoir à tout prix étant incompatible avec les valeurs d’une société qui se veut démocratique, il y a lieu de repenser la gestion des forces de défense et de sécurité pour les rendre positives, c’est-à-dire opérationnellement efficaces et républicaines. D’où les quelques propositions suivantes:
-l’enseignement obligatoire des notions civiques et des valeurs républicaines à nos forces de défense et de sécurité dans tous les centres d’instructions militaires;
-la dépolitisation et la détribalisation des postes de responsabilité et du recrutement au sein des forces de défense et de sécurité (armée, gendarmerie, police et services de renseignements civils);
-la nomination des hommes qu’il faut à la place qu’il faut (profils correspondant aux postes, intégrité morale, loyauté, santé physique et mentale) dans des postes de responsabilité dans les différentes structures des FDS, des cabinets et services administratifs des départements ministériels concernés (Sécurité publique et Défense nationale);
-la création d’une Ecole nationale de la culture de la paix;
-l’envoi régulier de nos forces de défense aux différentes missions et opérations internationales de maintien de la paix (au niveau sous-régional, régional, continental et onusien);
-la formation des forces de défense et de sécurité en droit international humanitaire pour se familiariser avec les règles applicables en matière de «jus in bello», c’est-à-dire de droit des conflits armées;
-la vulgarisation de la culture des droits de l’homme en milieu des forces de défense et de sécurité.
L’objectif de la présente analyse est de transmettre un message fort à l’attention de nos soldats qui doivent comprendre et se dire que « je ne suis pas le soldat de la guerre mais plutôt un artisan de la paix et du développement sans considération d’ordre ethnique, politique, religieuse ou sociale».
Godfroy- Luther GONDJE - DJANAYANG
Expert Analyste en Gestion des crises politico-militaires