André Parant
LE MONDE | 10.05.10 | 19h18
En diplomatie, certaines vérités sont bonnes à dire, à la condition que chacun ignore qui les a révélées. Il suffit de glisser le message idoine à l'oreille de journalistes afin qu'ils le rendent public. André Parant, le "M. Afrique" de Nicolas Sarkozy, n'ignore rien de cette pratique du "off the record", qui permet d'éviter la langue de bois tout en épargnant la susceptibilité de pays amis. Pas moins que les journalistes de l'Association de la presse diplomatique qui, le 15 avril à Paris, l'avaient invité à un déjeuner "off".
Se pensant protégé par cette règle dont les journalistes font aussi leur miel, le conseiller de l'Elysée a, en réponse à une question, exprimé l'inquiétude de la France à propos de la situation du Sénégal. Dans ce pays considéré comme un exemple démocratique, le président Abdoulaye Wade, 83 ans, prétend briguer un nouveau mandat de sept ans et rêve d'installer à sa place son fils Karim, un homme d'affaires impopulaire. "Il paraît évident que le président Wade ne pourra pas se représenter : il a 84 ans, voire 85 ou 86", a lâché M. Parant, discernant, sous la candidature proclamée du père, " un projet de succession monarchique non avoué". Or, pour le diplomate, Karim Wade a " une mauvaise image auprès de l'opinion" dans un pays où "il y a une vie démocratique". Dans un "contexte social extrêmement difficile, a-t-il ajouté, il y a un risque d'explosion sociale, et donc politique, extrêmement élevé".
Ces vérités d'évidence, non bonnes à dire publiquement par un diplomate, représentant qui plus est l'ancienne puissance colonisatrice, un journaliste du Républicain lorrain, qui assistait au déjeuner, s'est cru autorisé à les publier trois jours plus tard en en citant l'auteur. Provoquant l'embarras à l'Elysée, un démenti formel de l'ambassade de France à Dakar, un courroux forcé des autorités sénégalaises, et une traînée de poudre sur l'Internet africain. La presse sénégalaise, souvent inventive, a même prêté à André Parant des formules peu amènes visant d'autres chefs d'Etat africains, si abracadabrantes qu'elles ne peuvent pas avoir été prononcées.
Parfaitement informés des arcanes de la présidence française, les commentateurs sénégalais ont remarqué que, tandis que la cellule diplomatique de l'Elysée représentée par M. Parant constatait, "off the record", les risques d'une succession monarchique au Sénégal, Claude Guéant, le secrétaire général de la présidence française, faisait de Karim Wade un de ses interlocuteurs privilégiés.
Le 6 avril en effet, le plus proche collaborateur de Nicolas Sarkozy avait reçu, comme il l'avait déjà fait à plusieurs reprises, le fils du président sénégalais venu pour apaiser les tensions nées des déclarations de son père présentant la suppression de la base militaire française de Dakar comme une victoire sur la France. " Paris a plusieurs doctrines et plusieurs pratiques", constate un éditorialiste. Un Sénégal en "on" et un autre en "off", autrement dit, deux fers au feu.
Philippe Bernard
Article paru dans l'édition du 09.05.10
LES RÉVÉLATIONS SUR L’AFRIQUE : LES AUTRES VICTIMES DE PARANT
Vendredi, 30 Avril 2010 17:42
L’information relayée par le journal français « Le Républicain Lorrain » continue de faire des vagues entre la France et certains pays africains. En plus de ce que le journaliste français Philippe Waucampt (qui a confirmé et maintenu ses propos) a écrit d’autres révélations qui nous sont parvenues. Ces propos prêtés à « Monsieur Afrique » de l’Elysée, « André Parant » bien que démentis par l’Ambassade de France et non par le principal concerné, ont crée un profond malaise. On se demande déjà si le Chef de l’Etat français continuera à cheminer avec « André Parant » qui semble avoir l’ambition de dresser les présidents sénégalais, gabonais, mauritanien, congolais et togolais contre Sarko.
L’adjoint de Jean David Levitte, a été surpris par la publication de ses informations par le journal français : « Le Républicain Lorrain ». Car en réalité, la rencontre entre André Parant et certains journalistes diplomatiques n’aurait pas été officielle. En plus, les propos rapportés étaient dits « of the record ». Mais l’auteur de l’article démenti par l’Ambassade de France à Dakar semble bien comprendre la démarche des autorités ou des diplomates de manière générale. « Ils font véhiculer des informations pour venir ensuite les démentir ». Dans ce cas précis, l’objectif a été atteint. Car de Dakar à Libreville en passant par Nouakchott, Abidjan, Lomé et Brazzaville, les nerfs sont tendus. Les Chefs d’Etat de ces pays prennent mal les propos de ce Conseiller diplomatique de l’Elysée. Seule la version qui concerne le Sénégal a été publiée par la presse dakaroise. Mais selon des sources digne de foi, des propos acerbes auraient été tenus contre le Général Aziz de la Mauritanie, le Président Denis Sassou Ngesso du Congo, Faure Eyadéma du Togo et Ali Bongo du Gabon.
UN PLAT DE RÉSISTANCE POUR WADE ET SON FILS
Selon le journal « Le République Lorrain », le Monsieur Afrique de l’Elysée, André Parant aurait déclaré qu’il existe au Sénégal, « un risque certain d’instabilité ». « Il paraît évident que le président Wade ne pourra pas se représenter : il a 84 ans, voire même 85 ou 86. On le voit mal solliciter un nouveau mandat de sept ans ! », aurait confié André Parant à des journalistes français. Selon la même source, « l’ancien ambassadeur de France au Sénégal croit déceler derrière la volonté de Me Wade de se représenter un projet de succession monarchique non avoué ». En termes plus clairs, c’est un projet qui vise à faire succéder au président Wade, son fils Karim Wade. A son avis, le fils du président « a une mauvaise image auprès de l’opinion » au Sénégal où « il y a une véritable vie démocratique ». « La lutte pour la succession va être extrêmement vive et susciter des tensions. Tout ça risque de ne pas être très simple dans un contexte social extrêmement difficile. Il y a un risque d’explosion sociale, et donc politique, extrêmement élevé. Les deux années à venir vont être cruciales pour le Sénégal » augure-t-il.
UNE BANANE PLANTIN POUR GBAGBO
Selon d’autres sources, le président ivoirien Laurent Gbagbo (qui vient de recevoir le président Wade) aurait été également été fortement décrié par « André Parant ». « Gbagbo est la pire des espèce. Avant il était un boulanger mais maintenant c’est un pâtissier » aurait-t-il dit sur le président ivoirien. Selon le « Conseiller Afrique » de Nicolas Sarkozy « si l’+ Union Européenne + et la France ne s’impliquent pas dans le processus électoral, Gbagbo ne tiendra pas d’élection ».
LE « BAMBIN » ALI BONGO
De l’avis de « Monsieur Afrique de l’Elysée », « Ali Bongo est un bambin à qui on a donné une sucette déjà consommée ». Rappelons que le défunt d’Ali
Bongo, El Hadji Omar Bongo a été un grand ami de la France et un doyen de la « Françafrique ». Récemment, Nicolas Sarkozy s’était
rendu à Libreville en visite officielle après avoir reçu à l’Elysée le fils de Bongo.
LES « DICTATEURS » PEINTS EN « DÉMOCRATES »
« Le Général Aziz est un dictateur peint à démocrate. Il a organisé des élections frauduleuses. On a simplement fermé les yeux » aurait confié André Parant. Notre source a soutenu que ce qui a été dit sur Faure Eyadéma président du Togo et Denis Sassou Ngesso du Congo « est tellement grave qu’il serait même maladroit de l’évoquer en public ».
L’AMBASSADE DE FRANCE DÉMENT À LA PLACE DE PARANT
« Après consultation avec l’intéressé, l’Ambassade de France au Sénégal dément que M. André Parant, conseiller diplomatique adjoint à la Présidence de la République, ait tenu les propos rapportés dernièrement dans divers organes de presse sénégalais, citant le Républicain Lorrain. M. Parant n’a pas accordé d’interview à ce journal ». Voilà le communiqué que l’ambassade de France a envoyé aux rédactions pour démentir le journal français. Au même moment, le journaliste qui a publié les propos d’André Parant maintient ses écrits. Le communiqué de l’ambassade de France parle d’interview. Il est évident qu’il ne s’agissait pas d’interview. Mais plutôt d’une discussion au cours de laquelle, ces indiscrétions ont été dites. Et le Conseiller politique de Karim Wade, Cheikh Diallo n’a pas perdu du temps pour répliquer. Il a demandé à André Parant de démentir lui-même. Car estime-t-il, l’ambassade de France n’a rien à voir dans cette affaire.
LA CELLULE AFRIQUE DE L’ELYSEE DIVISÉE
Au niveau de l’Elysée, des personnes spécifiques ont été nommées pour s’occuper des questions africaines. Contrairement à ce que certains croient, c’est Claude Guéant (que d’aucuns surnomment « Vice président de France ») qui est le patron. Après bien sûr, le Chef de l’Etat. Claude Guéant est le Secrétaire Général de l’Elysée. Xavier Musca lui sert d’adjoint. Jean- David Levitte est le Conseiller diplomatique et Sherpa. André Parant dépend directement de Levitte. Donc sur le plan hiérarchique, André Parant ne vient même pas après Guéant. Le « Monsieur Afrique » est l’avant dernier dans l’ordre protocolaire des Conseillers du président Sarkozy. Il est suivi de Jean-Pierre PICCA, conseiller justice de Karim Wade, son ami Claude Guéant et Robert Bourgi semblent être dans le collimateur de « Parant ». Bien qu’étant « Monsieur Afrique », « André Parant » voit toujours le fils du président sénégalais et d’autres Chefs d’Etat africains, collaborer directement avec le « Vice président » Claude Guéant. Ce qui peut frustrer ou déranger « Parant ». Aujourd’hui, le « Monsieur Afrique » de l’Elysée s’est mis à dos des Chefs d’Etat comme Wade, le Général Aziz, Faure, Sassou Nguesso et Gbagbo.
COOPÉRATION INTERNATIONALE
Apparemment, le « Monsieur Afrique » est bouleversé par les nouvelles orientations diplomatiques et la diversité de la coopération internationale du Sénégal. Maintenant, en plus de la France qui est un partenaire historique du Sénégal, les autorités sénégalaises ont ouvert d’autres perspectives dans le domaine de la coopération avec l’Inde, les Usa et la Chine (tout comme la France dont le président était récemment à Pékin.
RAPPORTS TENDUS ENTRE WADE ET PARANT
C’est le 22 septembre 2009 qu’« André Parant » était nommé conseiller aux Affaires africaines au sein de la cellule diplomatique de l'Elysée, dirigée par Jean-David Lévitte en remplacement de Bruno Joubert, ambassadeur à Rabat. Dans sa carrière diplomatique, il a servi au Maroc. « André Parant » y a été secrétaire d’ambassade au milieu des années 1980, avant d’être affecté à Bruxelles, où il a suivi la renégociation des accords de Lomé. En 1990, il devient chef de la mission de coopération à Bangui. L’ambassade étant paralysée par une guéguerre franco-française entre le titulaire du poste et le colonel Mansion, chef de la garde présidentielle, c’est lui qui supervise la première consultation centrafricaine pluraliste, en août 1993 qui se solde par la défaite d’André Kolingba et l’élection d’Ange-Félix Patassé. Rappelé à Paris, « André Parant » travaille aux côtés de Jean-Michel Severino à la direction du développement du « Quai d’Orsay », puis intègre le cabinet du ministre Hervé de Charette en tant que chargé de mission Maghreb et Moyen-Orient. Il revient en Afrique. L’ambassadeur de France à Dakar, Jean-Didier Roisin, entretenait alors avec le président Abdoulaye Wade des rapports à ce point tendus que ce dernier a réclamé son rappel à Jacques Chirac. « André Parant » fut donc nommé avec la mission explicite de renouer le dialogue. « Il deviendra ambassadeur au Liban. Il restera un peu plus de deux ans à Beyrouth, le temps d’essuyer certaines critiques (antisyrien, proche de Samir Geagea…), dont il se défend. Le temps aussi de recevoir à deux reprises un homme qu’il avait déjà accueilli à Dakar » dit une source.