La Procureur adjoint de la CPI Mme Fatou Bensouda
ici avec le PM guinéen Jean Marie Doré
Guinée: crimes contre l'humanité pour la Cour pénale internationale
Les premiers éléments de l'enquête sur les massacres du stade de Conakry en septembre dernier démontrent qu'il y a eu crimes contre l'humanité, a annoncé la Cour pénale internationale. Plus de 150 opposants au président Moussa Dadis Camara ont été tués par les forces de sécurité guinéennes.
L'opposition contestait l'intention du chef de la junte militaire, au pouvoir depuis 2008, de se présenter à l'élection présidentielle de 2010.
Moussa Dadis Camara, qui nie toute implication, a été agressé le 3 décembre par un de ses lieutenants. Il a été hospitalisé au Maroc et suit actuellement une convalescence au Burkina Faso.
(ats / 19 février 2010 22:03)
CONAKRY - La procureur adjointe de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, qui achevait vendredi une mission en Guinée, a estimé "que des crimes de l'ordre de crimes contre l'humanité" avaient été commis le 28 septembre 2009 par les forces de l'ordre à Conakry.
"En tant que procureur adjointe de la CPI, je retire de cette visite le sentiment que des crimes de l'ordre de crimes contre l'humanité ont été commis", a déclaré la magistrate, au cours d'une conférence de presse dans un hôtel de Conakry, au terme d'une mission de trois jours.
Décrivant des "crimes atroces" commis dans le plus grand stade de Conakry et aux environs, la magistrate a résumé: "des hommes en uniforme se sont attaqués à des civils, ils ont tué et blessé. En plein jour, ils ont brutalisé, violé et soumis à des femmes à des violences sexuelles inouïes".
Ce jour-là, une foule d'opposants au régime militaire emplissait le stade pour s'opposer à une éventuelle candidature à la présidentielle du N°1 du régime militaire, le capitaine putschiste Moussa Dadis Camara.
Dans un rapport publié le 21 décembre 2009, une commission d'enquête internationale nommée par l'ONU avait déjà déclaré : "Il est raisonnable de conclure que les crimes perpétrés le 28 septembre 2009 et les jours suivants peuvent être qualifiés de crimes contre l'humanité".
La commission avait alors annoncé que les violences avaient fait au moins "156 morts ou disparus" et qu'"au moins 109 femmes" avaient été victimes de viols ou d'autres violences sexuelles.
Cependant, Mme Bensouda a assuré, au nom de la CPI, que la Guinée pouvait à présent "devenir un exemple" si elle parvenait à juger les principaux responsables de la tuerie.
"C'est un traumatisme pour toute la Guinée, pour tous les voisins de la Guinée, pour toute l'Afrique et pour l'ensemble de la communauté internationale. Mais la Guinée peut aussi devenir un exemple. Si les Guinéens jugent les principaux responsables de ces crimes atroces, cela servira la paix et la réconciliation en Guinée", a-t-elle dit.
"Ces quelques jours de travail en Guinée ont confirmé que les institutions guinéennes et la Cour pouvaient travailler de manière complémentaire: soit les autorités guinéennes peuvent poursuivre elles-mêmes les principaux responsables (de ces crimes, ndlr), soit elles se tourneront vers la Cour pour le faire", a souligné la magistrate, rappelant qu'il n'y aurait "pas de troisième option".
La mission de la CPI est intervenue alors que la Guinée vient de doter d'un gouvernement de transition chargée de mener le pays vers une élection présidentielle en juin. Le colonel Siba Lohalamou, considéré comme un proche de Moussa Dadis Camara, a été maintenu à la Justice.
En décembre, la commission d'enquête de l'ONU avait pointé à la "responsabilité pénale individuelle" du chef de la junte, de son aide de camp le lieutenant Aboubacar Chérif Diakité, dit Toumba, et du ministre chargé des services spéciaux, le commandant Moussa Tiégboro Camara.
Mais, depuis, une commission d'enquête nationale a blanchi Moussa Dadis Camara et Moussa Tiégboro Camara en assurant qu'ils n'avaient été "responsables de rien".
Et les ONG de défense des droits de l'homme à Conakry doutent généralement que les autorités guinéennes soient prêtes à "aller vers la manifestation de la vérité".
Vendredi, le magistrat sénégalais Amady Bâ, chef de la section de la coopération du bureau du procureur de la CPI à la Haye, a déclaré devant la presse: "Nous prévenons que la Cour (pénale internationale) ne permettra pas de de simulacre d'enquête ni de simulacre de procès".
(©AFP / 19 février 2010 21h41)