Par Alain Barluet 26/03/2013 à 15:28
DÉCRYPTAGE - La France a «pris acte» du départ du président François Bozizé après lui avoir refusé son soutien, limitant son engagement à la protection de ses ressortissants et à un «accompagnement» diplomatique.
En Afrique, Paris a désormais pris le parti de limiter ses interventions directes à la défense d'«intérêts vitaux». C'est le cas au Mali dans la guerre contre les djihadistes. En Centrafrique, en revanche, la France fait le service minimum, en s'appuyant sur le multilatéralisme - le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni lundi soir - et les organisations régionales.
Dimanche, l'Élysée a appelé au calme dans un communiqué et «pris acte» de la fuite du président François Bozizé, lorsque la capitale centrafricaine, Bangui, est tombée aux mains des rebelles. Lundi, le porte-parole du Quai d'Orsay, Philippe Lalliot, a condamné le recours à la force et demandé l'arrêt des pillages.
L'engagement militaire français s'est limité à l'envoi à Bangui durant le week-end de 300 soldats en renfort des 250 militaires déjà présents, pour protéger les ressortissants français, européens et américains. «Les pillages ont diminué, une évacuation n'est pas prévue», indique-t-on mardi à l'Élysée.
Avec la crise centrafricaine, on veut voir à Paris une illustration de la posture définie en octobre dernier à Dakar par François Hollande qui avait annoncé, une nouvelle fois, la fin de la «Françafrique». François Bozizé «n'a pas bénéficié de notre soutien militaire, pas plus qu'aucun autre président africain désormais», souligne-t-on dans l'entourage du président de la République.
Mais attention, ajoute-t-on, non-ingérence ne signifie pas indifférence. Le chef de l'État est «impliqué», il s'est entretenu au téléphone avec nombre de ses homologues africains, notamment à deux reprises avec le Sud-Africain Jacob Zuma, fait-on valoir à l'Élysée.
Un nouveau mantra diplomatique
Pour Paris, le principal message aux protagonistes de la crise est le retour à l'accord sur une transition politique signé le 11 janvier dernier à Libreville entre le camp gouvernemental, l'opposition et les rebelles. Conformément à ce compromis, un premier ministre issu de l'opposition démocratique, Nicolas Tiangaye, a été nommé. «C'est notre interlocuteur», dit-on à l'Élysée, où l'on exclut que Michel Djotodia, le nouvel homme fort de Bangui, puisse être reçu par François Hollande.
Le nouveau mantra diplomatique, pour la Centrafrique comme ailleurs en Afrique, consiste à «accompagner» les organisations régionales. La France mise en particulier sur la Communauté des États d'Afrique centrale (CEAC), qui a parrainé l'accord de Libreville avec le Congo-Brazzaville et le Gabon. Une organisation opportunément présidée par le Tchad, interlocuteur clé, très impliqué en Centrafrique, et avec lequel la France a partie liée au Mali.
Reste à savoir si la mobilisation des acteurs africains favorisée par Paris permettra de remettre d'aplomb les États faillis en Afrique. Dans le cas contraire, les liens historiques, avec les attentes des populations et les menaces de déstabilisation, pourraient inciter l'ex-puissance coloniale à remettre en cause sa prise de distance et à revenir en première ligne.