NDLR Centrafrique-Presse : Nous proposons ci-dessous un remarquable article publié en Anglais par Martin ZIGUELE dans la revue du John F. Kennedy
School of Governement, le " Harvard Africa Policy Journal" dans son volume 5,2008-2009 du 28 mai
2009.
En prenant l’initiative d’une
telle publication dans une aussi prestigieuse revue, on peut le dire sans crainte de se tromper que l’ancien Premier Ministre de la République centrafricaine et désormais candidat du Mouvement de
Libération du peuple Centrafricain (MLPC) à la prochaine élection présidentielle, a innové et mis ainsi la barre à un niveau assez haut. Cela ne peut qu’honorer l’auteur dont l’initiative tranche
avec la médiocrité ambiante en République centrafricaine, notamment de la part de ses prédécesseurs et autres candidats au fauteuil présidentiel, il faut bien le reconnaître. Il s’agit, par le
contenu de l’article, d’un effort louable de projection intellectuelle et prévisionnelle dans l’avenir économique de la République centrafricaine, compte tenu de ses atouts majeurs à savoir
notamment, son immense potentiel de ressources naturelles, pour ne citer que celles-là.
En effet, l’incapacité des dirigeants actuels du pays - Bozizé et sa clique de quasi analphabètes en armes qui tuent, terrorisent et pillent le pays en s’illustrant par une si mal gouvernance – à
planifier, prévoir ou programmer quoi que ce soit pour les générations à venir, constitue un gros et réel handicap qui compromet sérieusement l’évolution de la RCA.
Un exemple : les négociations autour du projet d’exploitation de l’uranium de Bakouma menées par l’équipe du tristement célèbre ministre des mines de Bozizé, Sylvain Ndoutingai, n’ont
essentiellement porté que sur les dessous de table et autres royalties pour lesquels celui-ci et Bozizé se pourléchaient les babines mais nullement sur la nécessité de prévoir ne serait-ce que la
réalisation d’une ligne de chemin de fer de Bakouma à un littoral, (Douala par exemple) ou un accès portuaire quelconque.
Sans avoir préalablement lu la convention qu’ils ont signée avec AREVA, dont certaines clauses sont certainement et malheureusement restées confidentielles, on peut affirmer que rien n’est prévu
pour développer la région de Bakouma ni toutes celles qui seront traversées par l’acheminement du minerai d’uranium, sans parler des énormes et inévitables problèmes d’irradiation des habitants
qui vivent à proximité des chantiers.
Voilà un brillant article qui donne tout son sens au combat que mène Martin Ziguélé pour une bonne gestion transparente et moderne des affaires de la RCA ainsi que pour une mise en valeur et une
exploitation profitable aux Centrafricains des énormes richesses naturelles du sol et du sous-sol de leur pays, pour le plus grand bien être de leur progéniture et les générations
futures.
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Située au cœur du continent africain et entièrement enclavée, la République Centrafricaine avec 623.000
km2 de superficie partage ses frontières avec cinq pays, notamment au nord le Tchad sur 1.197 km, à l’est le Soudan sur 1.165 kms, dans son flanc sud le Congo sur 467 kms et la République Démocratique du Congo sur 1090 kms , et enfin à l’ouest le Cameroun sur plus
de 600 kms, et dont le port de Douala constitue l’accès le plus proche à la mer.
Ancienne colonie française sous le nom de « Territoire de l’Oubangui Chari », la République Centrafricaine est proclamée le 1er décembre 1958 sous l’impulsion de l’Abbé Barthélemy BOGANDA, député Oubanguien au Parlement français, décédé le 29 août 1959 dans un accident d’avion moins d’une année avant l’indépendance formelle du pays proclamée le 13 août 1960.
Membre du club peu envié des Pays les Moins Avancés, et classé au 171ème rang
mondial sur 177 pays à l’Indice de Développement Humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), ce territoire plus grand que la
France est quasiment sous peuplé car avec environ 4 millions d’habitants il n’a qu’une densité de 6,8 habitants au km2.
La population centrafricaine est aujourd’hui très pauvre : l’incidence de la
pauvreté y est de 67% en 2006, c’est à dire que 67 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour, soit 72% de la population en milieu rural
et 60 % en milieu urbain. Le PIB par tête d’habitant est de 401,5 USD en 2007, selon les estimations du PNUD.
Paradoxalement à l’extrême pauvreté des ses habitants, le pays regorge d’inestimables
richesses minières (diamant, or, uranium et indices de pétrole et de fer), d’immenses potentialités agricoles (15 millions d’hectares de terres arables, soit près de 4 hectares disponibles par
habitant, notamment dans le nord-ouest et le centre, principaux bassins agricoles des cultures de coton et cannes à sucre), d'abondantes réserves de bois tropicaux, ainsi que d’importantes
ressources hydrographiques dont l’exploitation judicieuse pourrait faire de la République centrafricaine à la fois le grenier et le grand vivier de l’Afrique.
Il est vrai que plusieurs années de mauvaise gestion, de troubles politiques internes, ponctuées par une rébellion militaire et plusieurs mouvements de rébellions politico-militaires, ont très fortement réduit les capacités du pays, et diminué son attrait pour la communauté internationale. Cependant, le retour à la paix, s’il se confirme après le Dialogue Politique Inclusif qui vient de s’achever à Bangui, permettra au pays de se consacrer à son développement par la mise en valeur de ces opportunités.
D’ailleurs à elle seule, l’exploitation des mines d’uranium dans l’Est du pays, concédées à la société française Areva, aura des effets d’entraînement sur d’autres secteurs d’activités dans le
pays, améliorera les infrastructures de transport, et permettra de penser à terme à une centrale nucléaire qui pourra vendre de l’énergie aux pays voisins. En effet, l’uranium constituant une source énergétique à grande capacité, outre la production
d’électricité, qui sera la principale activité relevant de l’extraction de l’uranium, plusieurs autres utilisations découlent de la transformation de ce minerai, notamment dans les domaines de la
médecine et de l’agro-alimentaire, constituant autant de filières de développement du pays.
L’énergie étant désormais une exigence planétaire, omniprésente dans tous les secteurs d’activité à travers le monde, la disponibilité en RCA[1]
de grandes ressources énergétiques d’origine uranifère et hydrographiques sont donc pour notre pays un atout majeur sur le triple plan
politique, économique et social.
Sur le plan strictement agricole, la RCA peut devenir à l’horizon 2020 un véritable grenier pour l’Afrique, en exportant des surplus
agricoles vers le Tchad, le Soudan, l’Ethiopie et même l’Erythrée, qui sont tous des pays structurellement déficitaires sur le plan agricole : les bonnes terres sont là, l’eau est là à
profusion, il faut juste des capitaux, des semences et des bras qualifiés et expérimentés. Lorsque j’étais Premier Ministre, c’est cette opportunité que je voulais mettre immédiatement en valeur
en invitant, lors d’une émission sur la chaîne de radiotélévision anglaise BBC les fermiers blancs expulsés du Zimbabwe à venir en RCA, compte tenu de leur expérience et du fait qu’ils avaient
également fait du Zimbabwe à une époque de son histoire, le grenier de l’Afrique australe.
Enfin, la République centrafricaine a un grand intérêt géostratégique pour la communauté internationale : comme évoqué plus haut, le pays est frontalier à
la fois du Soudan et du Tchad. A l’Est du Tchad et au Darfour soudanais, sévissent des guerres qui risquent à tout moment de déborder en Centrafrique. Compte tenu de la position centrale du pays,
si la guerre y déborde, elle déstabilisera immédiatement toute l’Afrique centrale, en premier lieu ce pays-continent qu’est la République Démocratique du Congo avec lequel nous partageons plus de
1000 kms de frontières. Le Président français Nicolas Sarkozy l’a si bien compris qu’il a fortement bataillé auprès d’une Europe réticente pour mettre en place l’EUFOR[2]
le long de la frontière tchado-centrafricaine face au Soudan. Elle sera bientôt
remplacée par la Mission des Nations Unies en Centrafrique et au Tchad.
La République centrafricaine est une terre d’avenir et d’espoir pour les pays de l’Afrique centrale et de l’Est, comme futur grenier agro- alimentaire et comme réserve hydrique et énergétique, à condition que le pays connaisse durablement la paix et la bonne stabilité nécessaire, et que la communauté internationale y consacre les investissements nécessaires.
Martin ZIGUELE
[1] RCA : République Centrafricaine
[2] EUFOR Tchad/RCA est une opération militaire de transition d’un an, étroitement coordonnée avec la présence multidimensionnelle des Nations-Unies dans l’est
Tchadien et le nord-est de la République centrafricaine, afin d’améliorer la sécurité dans ces régions.
The Central African Republic in 2020
A former French colony by the name of “Territoire de l’Oubangui Chari”, the Central African Republic (CAR) declared its autonomy on December 1st 1958 under the leadership of Father Barthélemy Boganda. An Oubanguian member of the French Parliament, Boganda passed away in a plane crash less than a year before the country formally sealed its independence on August 13th 1960.
Landlocked at the heart of the African continent, the CAR shares its borders with five countries: Chad along 1,197km in the North, the Sudan along 1,165km in the East, the Congo along 467km and the Democratic Republic of Congo along 1,090 km in the South, and Cameroon along 600km in the West (Douala’s port being the CAR’s closest access to the sea).
The CAR belongs to the Least Developed Countries’ group and ranks 171st out of 177 on the UNDP’s 2007 Human Development Index.[1] Though its territory of 623,000 km2 is larger than France, the country is underpopulated with only about 4 million inhabitants. The Central African people are extremely poor; in 2006 67% lived on less than a dollar per day and 84% on less than two dollars per day. UNDP estimates GDP per capita (US$, PPP) to be $725.8 in 2007.
In sharp contrast with this rampant poverty, the country’s soils are extremely rich (mainly diamonds and uranium, with evidence of oil and steel) and its agricultural potential enormous (15 million hectares of arable land, most notably in the North-West and in the center for cotton and sugar cane plantation). The CAR also enjoys vast tropical wood reserves and abundant hydrographic resources. Such immense opportunities could arguably position the Central African Republic as both the breadbasket and the wellspring of Central Africa.
However, many years of failed management, internal political troubles and eventually military rebellion have greatly undermined the country’s governance capacities and its appeal to the international community. That said, a return to peace and stability – if confirmed following the Inclusive Political Dialogue that just ended in Bangui – could help foster the country’s development by leveraging the aforementioned comparative advantages.
For instance, the exploitation of the uranium mines in the East (operated by the French company Areva) could almost single-handedly jumpstart other sectors of the country’s economy. It could dramatically improve transportation infrastructure and gather momentum around a potential nuclear power plant that could, in the long-term, sell energy to neighboring countries. While the extraction of uranium primarily serves the production of electricity, a variety of other applications can be derived from its transformation. This is particularly true in the agribusiness (e.g., fertilizers) and medical (e.g., radiography, radioisotopes) fields, both of which represent potential development sectors for the Central African Republic.
From a purely agricultural standpoint, by 2020 the CAR could become a major breadbasket for Africa. Our country could export its surplus to Chad, the Sudan, Ethiopia and even Eritrea, which all suffer from a structural deficit in terms of agricultural goods. The CAR enjoys vast tracts of land and has access to ample water sources. What it needs is capital, seeds, and skilled manpower. This is why, when I was Prime Minister, I invited the white farmers expelled from Zimbabwe to come join us. Considering their pivotal role in once making their country the breadbasket of Southern Africa, I thought they could contribute substantially to the development of our agriculture. The Central African Republic must indeed do more to attract both human and financial capital.
The CAR is ultimately of great geostrategic interest for the international community, due to its common borders with the Sudan and Chad. The ongoing wars in Eastern Chad and Sudanese Darfur could at any time spill over into our country. Considering the CAR’s geographic position, such an outcome would almost immediately destabilize the entire Central African region, starting with the gigantic Democratic Republic of Congo with whom we share more than 1,000kms of borders. This is precisely why French President Nicolas Sarkozy strongly pushed an otherwise reluctant Europe to deploy the EUFOR[2] in January 2008 along the Chad-CAR border facing the Sudan. This force will be replaced by the United Nations Mission in the CAR and Chad (MINURCAT) by March 2009.
Because of its vast resources, its enormous agricultural potential, and its critical geographic position, the Central African Republic deserves more attention from international actors and investors. In light of our people’s openness and our country’s immense opportunities, I am convinced such attention would prove greatly beneficial to all and dramatically enhance the CAR’s development.
Martin ZIGUELE was Prime Minister of the Central African Republic from April 2001 to March 2003.
[1] All UNDP statistics refer to the 2007/2008 United Nations Human Development National Report on the Central African Republic, published in July 2008 by the United Nations Development Program.
[2] The EUROR Chad/CAR is a one-year transitional military operation dedicated to improving regional security in close coordination with the multidimensional presence of the United Nations in Eastern Chad and in North-Eastern CAR.