Le peuple centrafricain, qui n'en peut plus de ployer sous le poids de la misère, par la faute exclusive de ses fils, et sous la risée du monde entier, a exigé du pouvoir un Dialogue politique
inclusif, regroupant autour d'une table tous les acteurs de la vie nationale. Cette revendication légitime, tant s'en faut, semble poser un réel problème à François Bozizé qui espère s'éterniser
au pouvoir après son coup de force contre les institutions de la République. Il est une vérité fondamentale qu'un homme qui a pris le pouvoir par les armes n'entend pas le céder facilement parce
que des politiciens le proclament anticonstitutionnel. Et Bozizé qui on le sait, avait très jeune rêvé d'être un jour Président de la RCA, pour compenser, dit-on certaines insuffisances de sa
vie; en cela je donne largement raison à Albert Camus qui disait si justement: "Après tout, vivre au-dessus reste la seule manière d'être vu et salué par le plus grand nombre. "Et c'est
malheureusement là où réside le mal centrafricain ; Car c'est là le problème de Bozizé.
Arrivé donc au pouvoir par une très longue et désastreuse rébellion, Le général Bozizé n'a qu'une idée en tête : battre en longévité le Gabonais Omar Bongo Ondimba qui lui, n'avait pas du reste, détruit son propre Gabon par une rébellion pour accéder au Pouvoir. Pressé à l'époque par la communauté dite internationale, notre général national avait tout bonnement clamé urbi et orbi qu'il venait juste remettre de l'ordre, rétablir la concorde entre les Centrafricains, et qu'il n'avait pas l'intention de conserver le Pouvoir qu'il avait tant rêvé. Personne heureusement, n'y avait cru, sauf les naïfs et les opportunistes de tout poil qui voyaient en ce coup d'Etat l'occasion inouïe de s'en mettre plein les poches. La suite on le sait : La "Transition" terminée, "le maçon au pied du mur" se présente aux élections, les truque et les remporte devant "le candidat de précaution", un véritable "faire valoir", quand on sait qu'aucun militaire putschiste, en quête de légitimité, n'a jamais organisé une élection pour la perdre ! On a vu ce qu'on a vu et la dérive dictatoriale et sanguinaire aussi.
Mais une partie du peuple centrafricain, se souvenant de l'une des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen qui caractérise la "résistance à l'oppression" comme l'un des droits fondamentaux de l'homme, prit les armes et s'opposa héroïquement à l'un des régimes les plus sanglants et dictatoriaux qu'ait connu notre pays. Ce sont ces Centrafricains qui, par leur lutte militaire déterminée sur le terrain, qui ont contraint "l'homme du 15 Mars" à faire marche arrière et accepter le principe d'un Dialogue Politique Inclusif (DPI), même si, çà et là, d'aucuns tentent, sans vergogne, de s'en adjuger comme d'habitude, la paternité. Comment, et par quel miracle, Bozizé aurait-il accepté volontairement le principe du DPI si la rébellion, qui fut un temps considérée à tort par les thuriféraires du régime bozizéen, comme des "bandits armés" et "coupeurs de routes", n'avaient pas opposé un cinglant et retentissant démenti aux mensonges du pouvoir en marquant des points militairement significatifs par l'occupation effective d'un grand nombre de villes et de régions? C'est mal le connaître ! Mais il y a plus fort que lui; ses soldats étaient régulièrement décimés et systématiquement mis en déroute pars une Résistance armée, déterminée à le déloger... Corde au cou, il recula !
Mais les courtisans du régime n'entendent pas de cette oreille et font bloc autour de lui, en se liguant contre le DPI. Ils y voient en effet la fin inéluctable des privilèges indus qui leur permettent de continuer leur prédation. Leur mot d'ordre est immuablement le même: "nos intérêts claniques d'abord"! En revanche, les intérêts du grand nombre n'ont aucune importance pours eux. Mais leurs incessantes tentatives de faire capoter l'idée du DPI ne résisteront pas longtemps devant la détermination implacable de la rébellion et notamment celle de la communauté dite internationale à voir arriver en Centrafrique un réel changement. Il faut noter que l'incurie et l'incompétence du régime commencent à agacer sérieusement, même ceux qui n'avaient ménagé aucun empressement à le soutenir. Bozizé, dos au mur et conscient qu'il menait une piètre bataille d'arrière-garde, signe non sans arrière-pensée, des "accords de paix" avec la seule Opposition armée qui reste à ses yeux crédible et instaure, dans la foulée, un « comité préparatoire », tout acquis à sa cause et dirigé par un de ses inconditionnels et flagorneur, le sulfureux ministre de la Communication et porte-parole Cyriaque Gonda.
Bozizé pense, en secret, qu'il peut aller sans crainte au DPI, quitte à placer ses hommes dévoués aux leviers de commande. C'est ainsi qu'il a écarté froidement tous ceux qui pourraient imprimer une orientation incontrôlable au DPI. Restant virtuellement maître à bord, il convoque une Assemblée nationale, d'office acquise à ses manœuvres, sur trois projets de loi d'amnistie visant ouvertement à absoudre tous ses criminels et compagnons de son forfait, et au passage s'auto amnistier! Du jamais vu ! Cet outrage public au peuple centrafricain, qui ne cesse de réclamer depuis des années ce Dialogue comme unique voie de sortie des ornières de la misère et de la tyrannie, sera une goutte d'eau qui fera déborder le vase. La classe politique centrafricaine, d'ordinaire si absente et si taciturne quand il s'agit porter la contradiction, se cabre et donne de la voix, rejoignant ainsi le courageux J. Béndounga dont le courage patriotique et la constance de son engagement aux côtés du peuple ne sont plus à démontrer. La résistance armée se retire officiellement du processus, affiche très clairement son hostilité aux projets de loi, et ne cache plus la possibilité de reprendre ses activités militaires. La diaspora, souvent si divisée, dénonce vigoureusement la supercherie abjecte de Bozizé et réclame son départ. Tout le peuple, sauf la cour de Bozizé, dénonce fermement ses mesquineries et exige le retrait pur et simple de ces projets de lois jugés scélérats.
Une unanimité nationale, sans précédent, s'est organisée contre les menées dilatoires, antidémocratiques et antinationales de Bozizé. Il ya lieu d'espérer qu'elle ne sera pas un feu de paille. Les Centrafricains doivent profiter de cette opportunité nouvelle pour se retrouver et jeter les bases effectives de la reconstruction de leur pays. Il est clair que nul ne peut prétendre à lui seul bâtir la Centrafrique. Ce pays dispose d'incommensurables atouts, tant humains qu'économiques, dont il ne peut profiter en raison de la propension de nous autre Centrafricains à nous chamailler pour des broutilles et à nous opposer systématiquement sur des futilités. Cette unanimité limpide et patriotique contre la menace rampante du pouvoir contre notre peuple pourrait constituer une opportunité inespérée qui s'offre à nous pour envisager une vraie unité d'action de l'Opposition contre toute velléité de confiner dans la misère et la tyrannie notre peuple. Je rêve de voir surgir de ce mouvement nouveau une structure qui prendrait la forme d'un observatoire national des droits du citoyen centrafricain et de la démocratie. Les compatriotes de bonne volonté sont dès à présent conviés à une réflexion constructive, sans esprit partisan aucun, en vue de la réalisation éventuelle de cet observatoire. Mon blog est à cet effet ouvert à tous ceux qui répugnent les débats de personne et les attaques personnelles, véritables fléaux paralysant notre pays. Une certitude m'habite désormais: Quelque chose d'exceptionnel est entrain de changer en Centrafrique !
Paris le 29 Août 2008
MAÏTART Djim-Arem
"La voix qui crie dans le désert"