(S/2008/444)
Source: United Nations Security Council
Date: 08 Jul 2008
I. Introduction
1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 1778 (2007), par laquelle le Conseil de sécurité m’a prié de lui présenter tous les trois mois un rapport sur la situation sur les plans de la sécurité et de l’humanitaire dans l’est du Tchad, dans le nord-est de la République centrafricaine et dans la région, y compris les mouvements de réfugiés et de personnes déplacées, et sur les progrès accomplis dans la création de conditions de sécurité favorables à leur retour librement consenti. Il rend compte des principaux faits survenus depuis mon rapport du 1er avril 2008 (S/2008/215), y compris en ce qui concerne le déploiement de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT), la Force de l’Union européenne (EUFOR Tchad/République centrafricaine) et le Détachement intégré de sécurité (DIS).
II. Évolution récente de la situation
A. Situation politique
2. Les efforts visant à favoriser le dialogue entre le Gouvernement et les groupes d’opposition ont donné des résultats mitigés au cours de la période considérée. Si le dialogue entre le Gouvernement et les partis politiques a bien été relancé dans le cadre de l’accord du 13 août 2007, aucun progrès n’a été accompli dans l’ouverture d’un tel dialogue avec les groupes d’opposition armés tchadiens. Bien que ces derniers aient appelé au dialogue, ils n’ont pas renoncé à l’action militaire, comme indiqué à la section B ci-après. Lors d’une réunion avec les dirigeants des partis politiques de la majorité, qui s’est tenue le 25 mars, le Président Idriss Déby Itno a réaffirmé sa volonté d’appliquer pleinement l’accord du 13 août 2007 sur le renforcement du processus démocratique au Tchad. Dans un communiqué publié le même jour, le Président a également réaffirmé son attachement au dialogue avec les partis politiques et la société civile et invité les partis d’opposition à reprendre leur participation au comité de suivi et d’appui créé pour faciliter l’application de l’accord du 13 août 2007. Le Président Déby a en outre demandé à la Commission nationale d’enquête, établie le 2 avril afin d’examiner les événements survenus au début de février 2008, de se mettre immédiatement au travail.
3. Toutefois, le 28 mars, des membres de la coalition d’opposition, appelée Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (CPDC), ont publié une déclaration dans laquelle ils mettaient en doute la volonté du Président d’entamer un dialogue politique sans exclusive. La CPDC a également demandé la « libération » immédiate de son porte-parole, qui est également chef du Parti pour les libertés et le développement, Ibni Oumar Mahamat Saleh, dont le sort demeure inconnu.
4. Le Rassemblement des forces pour le changement (RFC), dirigé par Timane Erdimi, se serait scindé en deux groupes au cours de la période considérée. Une des deux factions a engagé des négociations avec le Gouvernement, tandis que l’autre a rejoint l’Alliance nationale, nouvelle coalition de groupes d’opposition armés tchadiens, dirigée par le chef de l’Union des forces pour la démocratie et le développement, Mahamat Nouri. Le 25 mars, un petit groupe d’éléments armés du RFC s’est rendu à N’Djamena pour y déposer les armes, alors que l’Union des forces pour le changement et la démocratie annonçait qu’elle intégrait le groupe armé Alliance nationale. Le 14 avril, à Tripoli, le Ministre libyen des affaires étrangères a annoncé l’ouverture de négociations de paix intertchadiennes entre le Gouvernement tchadien et le RFC.
5. Le 15 avril, le Président Déby a nommé au poste de Premier Ministre Youssouf Saleh Abbas, qui occupait jusqu’alors les fonctions de Représentant spécial du Président pour la MINURCAT et l’EUFOR et de chef de la Coordination nationale d’appui à la force internationale (CONAFIT). Le Président Déby a par la suite signé un décret présidentiel portant création du nouveau Gouvernement, composé notamment de quatre anciens opposants politiques aux postes de ministre de la justice, de la défense, de l’agriculture et de l’administration territoriale. Ces mesures, qui vont dans le sens d’un gouvernement d’ouverture, ont reçu un soutien considérable sur le plan national.
6. Le 6 mai, dans son premier discours devant l’Assemblée nationale, le Premier Ministre Saleh Abbas a présenté les grandes lignes du programme de son gouvernement, notamment en ce qui concerne l’application de l’accord du 13 août 2007. Il a également annoncé que des émissaires du Gouvernement avaient entamé des négociations directes avec les groupes d’opposition armés tchadiens en vue de leur faire respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de paix signé le 25 octobre 2007 à Syrte (Jamahiriya arabe libyenne) entre le Gouvernement et les principaux groupes d’opposition armés tchadiens. Il convient de rappeler qu’en vertu de l’accord de Syrte, le Gouvernement et les groupes d’opposition armés se sont engagés à respecter la Constitution, à mettre fin aux combats, à accorder l’amnistie aux rebelles, à autoriser les groupes rebelles à participer à la gestion des affaires publiques et à intégrer les forces rebelles dans l’Armée nationale tchadienne.
7. Le 10 avril, Abdoulaye Wade, Président du Sénégal, en consultation avec le dirigeant de la Jamahiriya arabe libyenne, Muammar Kadhafi, et le Président du Gabon, Omar Bongo, a convoqué à Libreville la première réunion du groupe de contact établi pour suivre l’application de l’accord de Dakar entre le Tchad et le Soudan. Des membres du Groupe de contact, notamment la Jamahiriya arabe libyenne, le Congo, le Sénégal, le Gabon, l’Érythrée, le Tchad, le Soudan, la Communauté des États sahélo-sahariens, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et l’Union africaine, se sont réunis au niveau ministériel, pour examiner la possibilité de déployer des observateurs et d’organiser des patrouilles communes pour surveiller la frontière entre le Tchad et le Soudan. Les participants ont par ailleurs exhorté les Présidents Déby et Al-Bashir à mettre fin pacifiquement aux tensions entre leurs pays. Le groupe de contact a décidé de se réunir tous les mois pour assurer le suivi de l’application de l’accord de Dakar.
8. Dans le contexte des initiatives politiques régionales actuelles et à l’invitation du Ministre libyen des affaires étrangères, Ali Triki, mon Représentant spécial pour la République centrafricaine et le Tchad s’est rendu à Tripoli, les 23 et 24 avril, pour informer les autorités libyennes du mandat de la MINURCAT et pour mieux comprendre les vues de Tripoli sur l’application de l’accord de Dakar.
9. Au nord-est de la République centrafricaine, la situation reste calme. En dépit des récentes luttes pour le pouvoir au sein de la direction politique de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), le mouvement continue de respecter le cessez-le-feu prévu dans l’accord de paix de Birao signé en avril 2007. Un accord de paix complet, comprenant des dispositions relatives au désarmement, à la démobilisation et à la réinsertion des groupes rebelles centrafricains, a été signé entre le Gouvernement et l’UFDR et l’Armée pour la restauration de la République et la démocratie le 21 juin à Libreville. Le Front démocratique du peuple centrafricain, qui avait participé aux réunions préliminaires, n’a pas signé l’accord, son chef, Abdoulaye Miskine, n’ayant pas autorisé les négociateurs à le faire au nom du mouvement. L’accord jouera un rôle déterminant dans le futur dialogue politique sans exclusive, processus de réconciliation visant à résoudre la crise politique et les problèmes de sécurité du pays. Une commission internationale composée d’autres États d’Afrique centrale et de membres de l’Union européenne assurera le suivi de cet accord.