Le silence cynique cruel et inhumain du Pouvoir face à la crise d’électricité à Bangui
Déclaration n°17/ADP/08
(08/07/2008)
L'ADP constate avec une profonde désapprobation et amertume, le cynisme inimaginable et inhumain du pouvoir face aux conséquences multidimensionnelles de l'absence totale d'électricité dans la
ville de Bangui, capitale à la fois économique, politique, administrative, militaire, culturelle, en un mot centre concentrationnaire, macro céphalique du pays.
La rupture de la fourniture d'énergie électrique par l'ENERCA dont les installations sont vétustes, occasionne quotidiennement depuis plusieurs semaines d'innombrables décès dans les hôpitaux
(blocs opératoires obligés d'utiliser la lampe tempête, services de maternité, de pédiatrie, des malades sous oxygène etc.), détruit une économie totalement moribonde, accentue l'insécurité déjà
trop galopante, paralyse l'administration n'existant que de nom, coupe le pays du monde extérieur par l'absence de communications par Internet et téléphone, perturbe désagréablement la vie des
habitants de BANGUI d'une manière générale.
Cette situation est la preuve incontestable d'une mauvaise gouvernance qui conduit la République Centrafricaine tout droit vers une décadence généralisée, une catastrophe qui se dessine à travers
d'incessants signes annonciateurs.
En effet, si ce n'est pas l'eau qui fait défaut ou est impure à la consommation car, souvent non traitée par manque de produits, donc
rendant la population malade, c'est le tour de l'électricité, avec les conséquences citées ci-dessus. Si ce n'est pas la mort par maladie ou simplement manque de moyens pour les soins du fait des
arriérés de salaires, c'est la faim qui tue, comme le prouve fréquemment le cas des retraités devant le Trésor Public, à quelques mètres du Palais Présidentiel pendant l'attente hypothétique du
paiement insignifiant d'un trimestre de pension.
Si ce ne sont pas des affrontements entre rebelles et forces de défense qui occasionnent la mort massive d'innocentes populations, ce sont les braquages quotidiens à main armée, le plaisir de
donner gratuitement et impunément la mort par des soldats inciviques en ville, aux multiples barrages routiers, partout dans le pays.
La liste macabre des causes de la mort au sein de la population centrafricaine est longue et pénible mais ne semble pas émouvoir ceux
qui gouvernent le pays, ayant plus de préoccupations égoïstes que le sort du peuple. La rupture de la fourniture d'électricité par l'ENERCA, dont les installations sont parfaitement connues comme
étant déjà vétustes, n'est nullement un problème imprévisible ou nouveau.
Les gesticulations actuelles du pouvoir tendant à procéder à des arrestations arbitraires du personnel de cette entreprise ne sont que
de la pure diversion, n'ayant plus d'arguments trompeurs à fournir à la population pour cacher une carence aussi criminelle. Elles discréditent au contraire les mêmes autorités qui ont décoré le
même personnel il n'y a pas longtemps et qui aujourd'hui se déjugent gravement en procédant même arbitrairement à son arrestation.
Déjà en 1993, le Ministre des Transports de l'époque (actuellement Président National de l'ADP), avait attiré par plusieurs notes successives l'attention de l'Etat centrafricain sur les
conclusions d'une étude selon lesquelles la capitale BANGUI n'allait plus être alimentée par les installations de BOALI en 2005, car devant à cette date être à la limite de leur production, donc
vétustes.
En effet, en 1993, des études avaient bien prévu une croissance de 4,5% par an de la demande d'électricité.
Pour satisfaire une telle croissance, l'ENERCA devrait réaliser en 1995 l'usine de BOALI 3 pour un coût de 5 milliards CFA, notamment l'équipement du barrage de régulation de deux turbines de 5
Mw. Même réalisée, cette usine n'allait permettre de répondre à la demande que jusqu'au début des années 2000. Au-delà de cette date, l'électricité d'origine hydraulique n'allait provenir que
soit d'un nouvel aménagement de la M'BALI (BOALI 4) devant dans ce cas représenter le double de BOALI 2, soit de la rivière LOBAYE dont le débit est plus régulier d'une saison à l'autre que la
MBALI et l'OUBANGUI.
La solution retenue concernait l'OUBANGUI, notamment le site de PALAMBO car présentant de grands avantages, notamment l'amortissement
des coûts fixes de l'ouvrage à la fois sur la production d'électricité et la régulation du transport fluvial, un potentiel de production beaucoup plus important que sur les autres cours d'eau,
avec la possibilité de vendre l'énergie aux pays voisins.
La mise en service de BOALI 3 étant prévue à l'époque pour 1995, les projections avaient fait apparaître pour PALAMBO des besoins de réalisation par tranches de 7,5 Mw selon le calendrier suivant :
1ère Tranche : 1999 ; 2è Tranche : 2005 ; 3è Tranche : 2011 ; 4è Tranche : 2016.
Le barrage de PALAMBO estimé à l'époque à 67 milliards CFA dévalués devrait en plus de la production de l'électricité, permettre une retenue d'eau devant réguler le fleuve et assurer la
navigation des bateaux en toute saison. Il devrait avoir une possibilité de chasse estimée à 1000m3/s en aval, soit 50 fois les capacités de BOALI.
La fourniture d'énergie devrait se faire à partir de six turbines pouvant être montées progressivement au fur et à mesure des besoins
du pays. Même à la tête de la Mairie de BANGUI, le même ancien Ministre des Transports de l'époque s'est préoccupé de ce dossier en informant l'Etat centrafricain par une note du 12 Janvier 1996,
des possibilités de réalisation du barrage de PALAMBO par différents financiers aux conditions suivantes :
Construction de l'ouvrage dont l'Etat demeure propriétaire au terme d'une période de remboursement de 15 à 20 ans ;
Remboursement par l'Etat des investissements sur une partie des produits de vente de l'énergie électrique une fois l'ouvrage réalisé
et mis en service. Cette formule devrait avoir l'avantage de permettre à l'Etat de conserver intactes ses capacités d'emprunt vis-à-vis des bailleurs de fonds, aucune garantie ou aval n'étant
requis de sa part pour le montage financier.
Indépendamment de la très large et durable couverture des besoins du pays en énergie électrique, de la vente de ce produit aux pays voisins, de la régulation du niveau du fleuve pour assurer la
navigation des bateaux en toute saison, donc du désenclavement de la République Centrafricaine, le projet hydroélectrique de PALAMBO devrait également alimenter l'usine de production de ciment de
BOBASSA qui nécessite une forte consommation d'énergie électrique. Tous ces dossiers existent mais sont malheureusement dans les tiroirs de l'Etat pendant que les problèmes d'électricité se sont
accentués jusqu'à atteindre un niveau dont les dramatiques conséquences enferment aujourd'hui le pouvoir dans un silence irresponsable et inhumain.
Un pouvoir, rationnel doit être en avance sur les évènements afin d'éviter de se retrouver en mauvaise posture par manque de
prévision, de clairvoyance. Un pouvoir qui navigue à vue, qui ne regarde pas plus loin que ses intérêts égoïstes, ne peut que conduire le pays vers la catastrophe comme celle qui se dessine très
clairement en ce moment dans tous les domaines de la vie en Centrafrique. L'ADP condamne très fermement l'irresponsabilité du pouvoir dans la situation actuelle où la population centrafricaine
n'a que des yeux pour pleurer les innombrables décès quotidiens dans les hôpitaux par suite de la négligence criminelle de ses propres dirigeants.
L'ADP estime que, même si le régime précédent n'a pas entièrement suivi les conclusions des études et propositions mentionnées
ci-dessus, la continuité de l'Etat ainsi que l'approche de l'échéance de la rupture totale des installations de BOALI prévue pour 2005 devraient amener le pouvoir en place à tout mettre en œuvre
pour éviter le drame actuel, n'ayant réellement pas manqué de moyens entre le 15 mars 2003 et aujourd'hui.
Fait à BANGUI le 05 Juillet 2008
Le Président National
Emmanuel Olivier GABIRAULT