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13 juin 2008 5 13 /06 /juin /2008 18:26

  Pour la manifestation de la vérité par Franck SARAGBA

 





Si l’arrestation rocambolesque de Jean-Pierre Bemba, inculpé pour crimes de guerre et exactions commises par ses troupes en Centrafrique a suscité émois pour ces partisans et satisfactions pour d’autres, elle a eu cependant au-delà des faits qui lui sont reprochés le mérite de poser clairement le problème de la raison d’être de la cour pénale internationale.

Face à l’incompétence des juridictions internes pour se saisir et statuer sur ses accusations, il était temps que la cour pénale internationale prenne enfin ses responsabilités pour éclaircir les choses et se sortir de cette impasse. Cependant une série de questions restent en suspens.

 

La cour pénale internationale est-elle uniquement un tribunal pour les ressortissants des pays pauvres et des sans grades, un tribunal politique ?  Ou tout simplement un tribunal pour les vaincus ?  Qu’en est-il alors de ceux qui hier encore étaient à l’origine de la déstabilisation de leur pays respectif  et qui aujourd’hui sont au pouvoir par la grâce des armes après avoir tout cassé, tout saccagé, violé et tué également. Les malheureux viols commis sur les femmes ne sont-ils pas les conséquences directes des multiples coups d’états contre un régime démocratiquement élu ?  Et ce, avec la complicité directe, le silence coupable des institutions régionales, internationales ou carrément avec l’aide de certains états dont nous tairons ici les noms par simple pudeur, tant ces états  sont parés d’oripeaux démocratiques ou se réclament de la patrie des droits de l’homme. A n’y rien comprendre comme dirait l’autre.

 

Il est nécessaire pour des raisons objectives et dans une prospective intellectuelle  avant toutes autres considérations de nous arrêter un petit instant pour  nous interroger sur le fond. Sans pour autant évoquer les multiples mutineries et autres manœuvres de déstabilisation dont le régime légal , issue des deux premières élections générales jamais organisée en république centrafricaine a été victime, il est nécessaire de nous arrêter et de nous interroger sur certains aspects du problème sans lesquels la compréhension, l’intelligibilité  de tout ce qui s’est passé en Centrafrique depuis le coup d’Etat manqué du général André Kolingba du 28 mai 2001 ainsi que les nombreuses autres tentatives de putsch du général François Bozizé, de novembre 2001 et d’octobre 2002 ne soient possible.

 

Jamais en république centrafricaine un régime n’a été aussi ébranlé et vilipendé, jamais en république centrafricaine un régime civil ou militaire n’a été aussi déstabilisé par des éléments politisés de son propre armée nationale, ceux là- même qui sont sensé le protéger et ainsi assurer la souveraineté  et la pérennité de l’Etat. En d’autres lieux, l’on parlera tout simplement de haute trahison parce que ces actes contre un régime démocratiquement élu, contre les institutions de la république ont été posés non pas par de simples soldats mais par des officiers généraux. Pour mémoire, en 1961 le général De Gaulle  avait été confronté au même cas de figure, on sait ce qu’il en était advenu.

 

 Que réserve alors la cour pénale internationale aux auteurs de coup d’état souvent aux conséquences graves contre les régimes élus ? Le pouvoir au bout du canon a-t-il la bénédiction de la dite cour ? Qu’en penses l’union africaine ? Et les nations-unis ? Et la France ? La chaine de responsabilité ne doit-elle s’arrêter qu’aux vaincus et aux plus faibles ? C’est-à-dire se limiter seulement aux conséquences. Mais alors, qu’en est-il des véritables raisons ?  Voilà qui soulève la question des limites de la démocratie dans les pays pauvres face aux coups d’états financer et soutenu souvent par d’autres pays.

 

Ne serait-il pas plus juste et plus cohérent en dehors de toutes considérations partisanes et de toute passion de se poser les questions suivantes pour la manifestation de la vérité et établir une chaine des responsabilités. Les centrafricains dans leur majorité ne demandent qu’à comprendre, à connaitre la vérité. Comme toujours les véritables questions ne sont pas posées, comme toujours, on essaie de tromper la vigilance de notre bon peuple en jouant avec leur fibre affective pour dédouaner les véritables coupables. 

 

Le régime du président Patassé n’était pas parfait. Nous étions alors aux balbutiements de notre démocratie. Si la communauté internationale avait voulu sincèrement aidé la République centrafricaine afin de préserver et encourager le processus d’apprentissage de la démocratie, elle l’aurait fait en dégageant les moyens, en y mettant la pression nécessaire car la démocratie est un long apprentissage de surcroit coûteuse. Il est vrai que des erreurs ont été commises ici et là mais fallait-il prendre les armes pour déstabiliser les institutions et provoquer un état de siège  permanent ? Nous étions seulement à deux années des prochaines élections présidentielles. Pourquoi alors ce radicalisme ?  N’aurait-il pas fallu laisser le peuple souverain de Centrafrique en décider ?  Au lieu d’imposer à la population centrafricaine des hommes dont elle ne veut pas. (cf. Résultat des élections présidentielles de 1993, Bozizé = 1%)

 

L’appui militaire demandé en son temps par le président Patassé à Jean-Pierre Bemba pourrait se comprendre  même si par la suite les troupes de Bemba ont dérapé une foi éloignées de leur base. Le président Patassé, n’était-il pas  le garant de la constitution ? N’était-il pas le représentant d’un régime  légal ? Conformément à la constitution, ne devait-il pas protéger coûte que coûte la nation menacée et en péril ? Lui, le président démocratiquement élu et abandonné de tous  aussi bien par les troupes africaines de la CEMAC que par des militaires français qui devraient intervenir dans le cadre des accords de défense militaire devenus subitement caduques mais également par les soldats de sa propre garde présidentielle. S’il s’était enfui à la première tentative du coup d’état pour abandonner le pouvoir et ainsi préserver sa propre vie et celle de sa famille, pourtant, il en avait la possibilité, ne serait-il pas doublement condamnable ? Les généraux qui ont attenté à la légalité constitutionnelle à ce moment là connaissaient et savaient très bien les conséquences de leurs actes. Ils savaient très bien eux que l’on ne quitte pas ses troupes en difficulté et moins encore, un pays dont le peuple vous a investi pour assumer le pouvoir suprême.

 

C’est ainsi que deux jours  seulement (le 30 mai) après que sa résidence fut prise d’assaut dans la nuit du 27 au 28 mai 2001, le président Patassé a pu obtenir du colonel Khadafi de lui envoyer en urgence des soldats libyens pour assurer sa sécurité. En même temps sont arrivés également les éléments du MLC de Jean-Pierre Bemba.

 

Alors que les troupes libyennes étaient cantonnées quasi exclusivement à la sécurisation du périmètre autour de la résidence du président Patassé, les éléments du MLC ont pris eux, une part active aux côtés des Forces armées centrafricaine commandés par un certain général Bozizé, dans les manœuvres militaires visaient à traquer pour les mettre hors d’état de nuire, les assaillants en débandade du putsch manqué, retranchés ça et là dans certains quartiers du sud ouest et est de la ville de Bangui. Une fois la situation sécuritaire relativement stabilisée, les troupes du MLC se sont retirées et ont regagné leur base en RDC.

 

Quant aux troupes libyennes, elles sont demeurées en place bien au-delà du sommet extraordinaire de la CEMAC qui a eu lieu le 2 octobre 2001 à Libreville et qui a décidé entre autres mesures, de leur retrait du pays. Il est vrai que de fortes pressions ont été notamment exercées par plusieurs chefs d’Etat africains ainsi que par les USA et la France, tant sur le colonel Khadafi que sur le président Patassé pour que les troupes libyennes  puissent quitter Bangui et ainsi laisser le chemin libre aux putschistes.

 

La présence des troupes libyennes à Bangui n’était  pas du tout du goût du président Tchadien Déby qui se voyait pris en tenaille. Lorsque les soldats libyens ont quitté enfin Bangui en novembre 2002, le processus d’un vaste complot international destiné à renverser le président Patassé venait d’être amorcé sans aucune difficulté. Ce qui a débouché sur le coup d’Etat du 15 mars 2003 pour installer le général Bozizé au pouvoir. Sinon, comment expliquer que les soldats des contingents des pays de la CEMAC pré-positionnés à Bangui, selon les termes de l’accord du 2 octobre de Libreville pour assurer la sécurité du président Patassé soient restés l’arme au pied. La garde présidentielle du président Patassé n’a guère bronché non plus. C’est pratiquement sans coup férir que les mercenaires de Bozizé et les éléments de la garde présidentielle de Déby ont pris le contrôle de Bangui en l’absence du président Patassé dont l’avion fut empêché d’atterrir et contraint d’aller se poser à Yaoundé.

 

S’agissant des troupes du MLC, les autorités centrafricaines de l’époque leur ont fait appel pour la seconde fois après la nouvelle attaque de la ville de Bangui par les mercenaires et rebelles du général Bozizé du 25 octobre 2002 au cour de laquelle le porte parole de la présidence, Prosper N’douba fut enlevé et séquestré par les hommes de Bozizé. C’est au cours malheureusement de leur intervention qui a duré pratiquement jusqu’au coup d’Etat du 15 mars 2003, qu’elles ont commis les exactions qui font l’objet aujourd’hui des investigations de la CPI et de la procédure judiciaire engagée contre Jean-Pierre Bemba. Jusqu’aujourd’hui, plusieurs zones d’ombre demeurent d’ailleurs sur les raisons et les circonstances de leur brusque retrait devant l’avancée des hordes de mercenaires et rebelles de Bozizé alors qu’elles étaient censées constituer des « bouchons » sur les deux axes (Boali et Damara) qui mènent à Bangui.

 

Sans vouloir  chercher à trouver des excuses aux exactions commises par les troupes du MLC, on doit néanmoins commencer par se dire la chose suivante. Si le régime démocratiquement élu du président Patassé n’avait pas fait l’objet de toutes les tentatives de coup d’Etat qu’il a essuyées, en particulier celle meurtrières du 28 mai et 25 octobre 2001, le président Patassé n’aurait certainement pas fait appel à Bemba et ses troupes. Si l’accord de défense militaire entre la France et le Centrafrique avait été respecté. Si les dispositions de l’union africaine contre la prise de pouvoir par les armes étaient appliquées…  Ces postulats sont essentiels pour la compréhension de la suite des événements.

 

Il est vrai que nos mères et nos sœurs ont été violé, nos pères, nos frères ont été battus, humiliés pour finir par être tuer et cela est condamnable à plusieurs égards mais à  vouloir trop mettre l’accent sur le problème des viols de femmes et autres exactions des éléments du MLC durant leurs contre offensive, on en n’oublie même le principal motif de leur venue. Leur intervention fut décisive pour desserrer quelque peu l’étau autour du régime du président Patassé et délivrer les populations de certaines localités comme Sibut, Kaga-Bandoro, Kabo, Bouca, Bossangoa, Bozoum, Bata, complètement prises en otage plusieurs semaines durant par les mercenaires zakawa et les rebelles de Bozizé. Des documents audio et vidéo, ainsi que des photos reportage de la radio télévision nationale existent pourtant, qui relatent les témoignages accablants pour Bozizé et ses hordes, la liesse populaire et la joie des habitants de ces villes arrachés des griffes des bandits de Bozizé par les fameux « Banyamulengués » accueillis comme de véritables « libérateurs ».

 

L’acharnement que met la CPI à vouloir rendre justice aux victimes des éléments du MLC est sans doute louable mais devant quelle juridiction doivent répondre les auteurs de coups d’Etat dont les conséquences ont entraîné aussi des morts tout en constituant autant de crimes de guerre. La saisine de la CPI par le régime du principal auteur du coup d’Etat lui-même, ne  pose-elle pas problème ? Bozizé est celui-là même qui a lancé ses mercenaires à l’assaut du pouvoir de Patassé qu’il voulait renverser le 25 octobre 2001. Les conséquences de cette attaque armée ont été terrifiantes. C’est ce fait qui a entraîné l’intervention des troupes du MLC qui a engendré certes les exactions que le parquet général de Bangui s’est déclaré incapable d’instruire pour que la CPI puisse s’en saisir. Le fait qu’il soit aujourd’hui ou non à la tête du pays ne saurait absoudre ni Bozizé de son forfait, ni le général Kolingba. Un proverbe centrafricain ne dit-il pas que la source de la rivière se trouve toujours en amont ? Autrement dit la source des problèmes centrafricains n’ont-ils pas commencé avec les mutineries et les coups d’états ?

 

Informé des exactions commises par les troupes du MLC à l’époque, le président Patassé a demandé à Jean-Pierre Bemba de prendre des sanctions appropriées contre les coupables. Celui-ci a fait procéder à des enquêtes de la chaîne de commandement et réuni un conseil de guerre et des sanctions ont bel et bien été prises à l’encontre des auteurs.

 

A présent que le processus est amorcé par la cour pénale internationale, gageons que la cour pénale internationale aille jusqu’au bout de la logique et que d’une part les différentes chaines de responsabilité concernant aussi bien tous ceux qui ont occupé une fonction décisionnelle quelconque que les auteurs de coups d’états soient établi définitivement pour la manifestation de la vérité vraie pour qu’enfin la population de la république centrafricaine le sache et se réconcilie définitivement avec elle-même.

 

 D’autre part, au-delà du procès  Bemba, c’est aussi le procès des organisations internationales incapables de se prononcer définitivement et fermement sur les auteurs des coups d’états contre des régimes élus démocratiquement, C’est le procès des accords de défense non respecté, C’est le procès des Etats-Unis d’Amérique et de la France qui ont fait pression sur le régime Patassé pour se séparer des troupes libyennes  et n’ont pas proposer une alternative pour garantir la survie du régime et la sécurité des biens et des personnes , C’est le procès d’une armée nationale politisée, c’est le procès de toute la classe politique centrafricaine dans son ensemble qui sont à faire.


Franck SARAGBA

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