(Cameroon-Tribune 03/04/2008)
L’union africaine déterminée à gérer les crises qui minent le continent. Mais aura-t-elle
les moyens de sa politique ?
Longtemps accusée, et pas seulement par ses détracteurs, d’être incapable de régler, encore moins de prévenir les divers conflits qui naissent et se propagent sur le continent avec la rapidité
d’un feu de brousse, l’Union africaine semble désormais décidée à passer à l’offensive. Il en était temps. Trêve donc de tergiversations et de volte-faces : charbonnier est enfin maître chez soi,
pourrait-on dire à la fin l’intervention militaire de l’Union africaine dans l’île d’Anjouan le 25 mars dernier. Pour la toute première fois dans son histoire, l’organisation panafricaine a pris
la grave décision de rétablir la légalité par la force, son honneur et sa crédibilité étaient en jeu. Elle a réussi, prouvant ainsi à ses détracteurs qu’elle peut finalement résoudre elle-même
ses propres problèmes sans ingérence extérieure, une ingérence qui masque souvent une sournoise néo-colonisation. C’est tout un symbole.
A présent qu'elle s'est engagée dans cette voie, elle devrait poursuivre sa logique jusqu'au bout. Mais, au fait en a t-elle les moyens ? C’est là tout le problème ; car, il serait ridicule de
crier haro sur le baudet, de tirer à boulets rouges sur les anciens colonisateurs pour en fin de compte se tourner vers eux et leur demander de l’aide. C’est presque ce qui s’est passé à Anjouan
il y seulement une semaine : de la logistique au matériel employé par les forces de l’UA, en passant par leur transport, tout a été assuré par une ancienne puissance coloniale. D’où la nécessité
pour les Etats membres de s’acquitter régulièrement de leurs cotisations : l’un des péchés mignons de l’ancienne Oua. Qu’on se rappelle, c’est le non-paiement de leurs cotisations par la majorité
des Etats membres (50 millions de dollars d’arriérés en 2001) qui avait privé l’OUA de sa première source de financement, et l’avait finalement contrainte à la mendicité et aux incantations
stériles.
C’est justement dans le but de remédier à ces insuffisances que l’Union africaine a été créée, en juillet 2001, pour remplacer l’OUA avec de nouvelles institutions. Mais, apparemment, la course
d’obstacles ne fait que commencer. Cependant, pardessus tout, une véritable stratégie de prévention et de règlement des conflits doit être instituée, une stratégie dépassant de loin le cadre du «
mécanisme » qu’avait instauré l’OUA en 1993. A ce propos certains observateurs qu’en fonction des menaces potentielles, l’Union devrait élaborer une nouvelle stratégie de localisation des forces
de paix : chaque armée nationale, ou, à défaut, l’armée nationale d’un « Etat leader » dans chaque sous-région, devrait être prêt à mettre à la disposition du mécanisme sous-régional de
prévention et de gestion des conflits, un contingent de soldats formés et équipés pour les opérations de maintien ou de rétablissement de la paix, ainsi que les moyens d’agir pour un état-major
sous-régional restreint. L’objectif poursuivi étant de minimiser les coûts inhérents à la projection des forces.
Quoi qu’il en soit, on peut tout de même déjà se réjouir que l’Ua se soit déjà ilpliquée en moins d’une demi-douzaine d’années d’existence dans cinq grandes opérations de maintien de la paix qui
ont l’air de tenir la route.
NDZINGA AMOUGOU
Les forces africaines sur plusieurs fronts
Cartographie des grandes opérations de maintien de la paix actuellement en cours.
AMIS : dans le chaudron darfouri
Les Nations Unies au sud, l’Union africaine à l’ouest, au Darfour. En anglais AMIS et en français MUAS, la Mision de l’Union africaine au Soudan est la plus grande opération de maintien de la
paix jamais décidée par l’organisation panafricaine. Sa création fait suite à la signature, le 28 mai 2004, de l’Accord sur les modalités de la mise en place de la Commission de cessez-le-feu et
le déploiement d’observateurs dans la vaste province occidentale soudanaise en proie à une guerre civile. Dans ses effectifs, figurent des policiers camerounais. En raison des écueils, dont
principalement l’insuffisance de moyens financiers et matériels, l’efficacité de la MUAS s’est trouvée limitée. Elle devra céder sa place à une force multinationale hybride, la Mission des
Nations Unies et de l’Union au Darfour (MINUAD), créée par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU le 31 juillet 2007. Celle-ci comportera 17.300 soldats et 3.300 policiers. Il été décidé
une reconduction de la MUAS et une augmentation de ses troupes, actuellement 7.000, à 11000 hommes
FOMUC : la CEMAC au chevet de la RCA
La Force multinationale de la CEMAC en Centrafrique (FOMUC) a été mise sur pied le 2 octobre 2002, à l’issue d’un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’organisation sous-régionale. Deux
ans après la fin du mandat de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine (MINURCA). Initialement, cette force était destinée à assurer la sécurité du président Ange-Félix Patassé,
la restructuration des forces armées et de surveiller le travail des patrouilles mixtes le long de la frontière avec le Tchad. Mais, son mandat a été prorogé et adapté après l’éviction de Patassé
par François Bozizé en mars 2003. La FOMUC a désormais pour mission de contribuer à la sécurité de la RCA et à la restructuration des Forces armées centrafricaines et d’accompagner le processus
de transition pour la réconciliation nationale, le retour rapide à l’ordre constitutionnel et la restauration d’une paix durable en RCA. Elle peut se targuer d’avoir procédé à l’arrestation et au
désarmement à Bangui de plusieurs chefs de guerre. Son rôle a également été déterminant dans la mise en place d’un niveau approprié de sécurité pour le référendum constitutionnel de novembre 2004
et les élections législatives et présidentielles de 2005. Le Cameroun vient de décider d’y envoyer un contingent de près de 120 soldats et parachutistes commandos.
AMISOM : l’équation « islamiste » somalienne
Le déploiement de la force de maintien de la paix de l’Union Africaine en Somalie fait suite à la guerre entre le gouvernement de transition somalien et les forces des tribunaux islamiques en
décembre 2006. Le mandat de l’AMISOM est d’appuyer le dialogue, assurer la protection des institutions de transition et leurs infrastructures. Officiellement, c’est le 19 février 2007 que l’Union
africaine s’était prononcée pour le déploiement d’une force de paix en Somalie, plongée dans le chaos après la chute du régime de Mohammed Siad Barré en 1991. Le pays était devenu ingouvernable
depuis lors. En exil à Nairobi au Kenya, le pouvoir d’ Abdullah Yusuf Ahmed n’a regagné Mogadiscio que l’année dernière. Face à la résistance des milices, l’opération de l’AMISOM évolue bon an
mal an.
MAES : le sapeur pompier comorien
C’est le 9 mai 2007, lors d’un sommet du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA, que la Mission d’assistance et de sécurité aux Comores (MAES) voit le jour, en prévision en prévision des
élections organisées les 10 et 24 juin. L’objectif est de créer un environnement stable et sécuritaire pour la tenue des scrutins. La mission sera déployée entre le 13 mai et le 31 juillet 2007.
Le 2 février dernier, l’UA a demandé à tous ses membres d’« apporter tout l’appui nécessaire aux autorités de l’Union des Comores, présidée par Ahmed Abdallah Sambi, dans leurs efforts visant à
rétablir au plus vite (son) autorité à Anjouan et préserver l’unité et l’intégrité de l’Union ». Progressivement, l’opération destinée à bouter dehors le régime « illégal » de Mohamed Bacar se
met en place. L’île rebelle d’Anjouan avait déjà fait sécession en 1997 avant de réintégrer les Comores en 2001.
Raphaël MVOGO
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