https://www.rfi.fr/ Publié le 08/11/2022 - 18:01
La ministre centrafricaine des Affaires étrangères vient d’écrire à son homologue française une lettre dans laquelle elle lui annonce que son pays met fin au décanat accordé au Haut représentant de la France auprès du chef de l’État centrafricain. Un statut qui a toujours fait de l’ambassadeur de France en RCA le doyen du corps diplomatique accrédité à Bangui en vertu d’un accord de coopération entre les deux pays.
C'est un nouveau signe que les relations entre Bangui et Paris se sont fortement dégradées. Une lettre de la ministre centrafricaine des Affaires étrangères, Sylvie Baïpo-Témon, à sa collègue française, Catherine Colonna, a fuité mardi 8 novembre.
Il a fallu que la diplomatie centrafricaine s’y prenne à deux fois avant d’envoyer la bonne correspondance à la ministre française des Affaires étrangères. Une première version, bourrée de fautes et qui avait fuité sur les réseaux sociaux, a été annulée et remplacée par un nouveau document qui est arrivé à destination ce mardi 8 novembre, selon une source centrafricaine.
« La personnalité de l’ambassadeur en cause »
Dans le document, elle s’en prend à l’actuel ambassadeur de France dans des termes particulièrement violents. Le style n’a rien de diplomatique. Elle accuse dans sa lettre l’ambassadeur de France d’avoir « des attitudes irrespectueuses aux invitations du chef de l’État », ou encore de s’adonner à « la désinformation et à la délation ». La France est accusée de ne pas avoir appliqué « la réciprocité » de rigueur en matière diplomatique. La même source centrafricaine enfonce le clou : « Ce n’est pas une escalade dans les relations avec la France, mais c’est la personnalité même de l’ambassadeur qui est en cause ».
La cheffe de la diplomatie centrafricaine, Sylvie Baïpo-Temon, annonce à son homologue français que son pays met fin « au privilège totalement symbolique dont jouissait l’ambassadeur de France depuis le jour de l’indépendance de ce pays, le 13 août 1960, d’être le doyen du corps diplomatique ».
C’est une escalade de plus entre Paris et Bangui. Les relations entre les deux pays sont au plus mal depuis que le président Faustin-Archange Touadéra a fait appel aux paramilitaires russes de Wagner. Il y a au sein du pouvoir centrafricain, un groupe qui veut couper tous les ponts avec la France, avant l’organisation d’un référendum sur son 3e mandat contesté, note un spécialiste. Il y a deux mois, la ministre des Affaires étrangères centrafricaine n’avait pas caché tout le mal qu’elle pensait du diplomate français, dans un entretien à Mediapart.
Un document « pas destiné à être rendu public »
Un proche de Sylvie Baïpo-Témon a toutefois tenté de quelque peu calmer le jeu en expliquant qu’il s’agit d’« un dysfonctionnement ». « Ce document n’était pas destiné à être rendu public ». Il aurait fuité par la faute d’un diplomate centrafricain qualifié de « peu professionnel ».
En réalité, l’ambassadeur de France, Jean-Marc Grosgurin, n’a fait que se conformer aux nouvelles instructions de sa hiérarchie. Elles lui demandent de dénoncer publiquement les fausses informations et autres menaces en provenance des organisations proches du pouvoir. « De quoi agacer énormément Bangui », analyse un spécialiste de ce pays. De ce fait, même s’il n’a pas voulu réagir officiellement à cette charge, l’ambassadeur français, s’est fendu d’un tweet mardi matin, dénonçant « les manipulations stériles, grotesques et mensongères diffusées ad nauseam ». Un message qui ne laisse pratiquement pas de doute sur son destinataire.
@FranceBangui #RCA @francediplo Loin des manipulations stériles, grotesques et mensongères diffusées ad nauseam, la 🇨🇵 reste engagée auprès de la 🇨🇫. Lancement (7/11) avec MinTravail et FP du projet @AFD_France "Maïengo ti a masseka" (espoir pour jeunesse") pour former 600 jeunes pic.twitter.com/HPEhTGPlgK
— Confluences (@Grosgurinjm) November 8, 2022
Une source française estime que derrière cette version officielle, il y aurait une volonté de pousser l’ambassadeur de France hors du pays, avant l’organisation éventuelle d’un référendum sur un 3e mandat contesté du président Faustin-Archange Touadéra.