Dans ce pays en proie à une instabilité presque constante depuis plus de 20 ans, plusieurs mécanismes de lutte contre l’impunité sont compétents pour connaître des crimes de droit international perpétrés sur le territoire : des juridictions ordinaires de droit commun, une juridiction hybride et spécialisée, la Cour pénale spéciale (CPS), et une juridiction internationale, la Cour pénale internationale (CPI). À ces mécanismes s’ajoutent d’autres acteurs susceptibles de jouer un rôle significatif et de contribuer aux efforts de justice, notamment la Commission Vérité Justice Réparation et Réconciliation (CVJRR).
Si la CVJRR tarde à se lancer dans la réalisation de son mandat, des avancées notables doivent être saluées devant les autres mécanismes : le 26 septembre, le procès de M. Saïd, ex-Séleka, s’ouvrait devant la CPI à La Haye, un des quatre suspects centrafricains actuellement jugés par la CPI ; le même jour, un nouveau suspect, M. Vianney Semndiro, était inculpé pour crimes contre l’humanité et entendu par la CPS, qui a tenu son premier procès (tardif mais très attendu) d’avril à août 2022, dont le verdict est attendu pour la fin octobre ; et des condamnations pour crimes de droit international ont été prononcées ces dernières années par les juridictions ordinaires de Centrafrique. Comment les mandats de ces différents mécanismes se complètent-ils ? Comment coopèrent-ils et quelle complémentarité existe en pratique ?
Si cette situation peu commune peut être vue comme une opportunité sans précédent pour lutter contre l’impunité qui règne depuis trop longtemps sur le territoire, le rapport montre qu’en pratique de nombreux obstacles demeurent pour s’approcher d’une justice significative pour les milliers de victimes encore dans l’attente, qu’ils soient internes à chaque institution ou qu’ils relèvent du manque d’échanges, de coopération et de soutien entre les différents mécanismes.
Ce rapport propose ainsi une analyse de l’état et des enjeux de la complémentarité entre ces différents acteurs compétents en RCA. Il se fonde sur des recherches effectuées au cours de plusieurs années, un engagement de longue date de la FIDH et de ses organisations membres auprès des victimes centrafricaines et une série de consultations réalisées en juin et juillet 2022 avec des représentantes de la société civile (locale et internationale), des journalistes, des universitaires ainsi que des avocates, des magistrats et autres membres du personnel des institutions judiciaires pertinentes.
Pour une justice complète, effective et durable en RCA, tous les acteurs compétents et pertinents doivent coopérer et se compléter les uns les autres. Ils doivent le faire de façon crédible, efficace, transparente, significative, dans le respect de l’indépendance de chaque institution et en s’assurant que les victimes conservent la place centrale qui leur revient. Ce rapport termine ainsi son analyse par une série de recommandations visant à améliorer la mise en œuvre de cette nécessaire complémentarité et, a fortiori, les efforts de justice en RCA.