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16 août 2022 2 16 /08 /août /2022 21:25
Mali : Comment l’opération Barkhane s’est transformée en « opération fiasco »

 

Lu pour vous

 

L'intervention française au Mali s'achève dans l'amertume

https://www.lesechos.fr/ Par Yves Bourdillon Publié le 16 août 2022 à 14:12Mis à jour le 16 août 2022 à 14:22

 

C'est une des interventions militaires françaises les plus longues et coûteuses en vies humaines depuis un demi-siècle qui s'est achevée lundi soir au Mali. Si Paris a rempli sa mission, qui était d'empêcher en 2013 les djihadistes de créer un califat terroriste au Mali, l'amertume est de rigueur au vu des relations acrimonieuses entre Paris et Bamako, qui se tourne vers Moscou.

Acclamés puis vilipendés. Les soldats français, qui avaient sauvé le régime malien des djihadistes en janvier 2013, ont définitivement quitté le pays lundi après-midi.

C'est la fin d'une des plus longues interventions extérieures de l'armée française, qui a empêché les djihadistes de reproduire au coeur de l'Afrique occidentale un califat islamiste sur le modèle des talibans en Afghanistan ou de Daech en Syrie. Mais qui aura coûté la vie à 59 soldats français, sur un total de 775 depuis 1960, et qui s'achève dans l'acrimonie.

Accusations de néo colonialisme

Sur fond d'accusations récurrentes de néocolonialisme envers l'ancienne métropole, les relations entre Bamako et Paris se sont dégradées depuis le second coup d'Etat de la junte militaire , en mai 2021. Le Mali, qui n'a plus d'ambassadeur à Paris depuis deux ans, a expulsé début février le représentant français à Bamako et demandé à l'armée française de quitter le pays « immédiatement ».

La junte a également coupé les ponts avec les autres pays occidentaux, notamment l'Allemagne et le Danemark, engagés dans la lutte anti-djihadiste, et certaines nations africaines (elle a emprisonné, en juillet, 49 soldats ivoiriens de la Minusma, la mission de l'ONU au Mali), pour se tourner vers les mercenaires russes de la force Wagner. Ses 800 combattants ne réussiront certainement pas à annihiler des djihadistes ayant survécu, malgré l'élimination de leurs chefs, aux efforts des forces françaises Serval, puis Barkhane.

 

Ils n'ont d'ailleurs pour seule mission que d'assurer la sécurité des chefs de la junte. Le groupe Wagner est réputé pour ses exactions sur les civils là où il est déjà déployé en Afrique centrale et en Libye, ainsi que pour les pillages, notamment d'or.

Paris ne se désengage pas du Sahel

« L'armée française va rester engagée au Sahel, dans le golfe de Guinée et la région du lac Tchad avec tous les partenaires attachés à la stabilité et à la lutte contre le terrorisme », a souligné l'Elysée lundi. Elle va ainsi redéployer une partie de son dispositif au Niger (1.000 hommes, drones, hélicoptères, avions de chasse). Le Tchad continuera à héberger une emprise française à N'Djamena et la France espère conserver un contingent de forces spéciales à Ouagadougou, la capitale burkinabé, malgré le coup d'Etat de l'an dernier. Paris propose aussi son appui aux pays riverains du golfe de Guinée. Mais le contingent français au Sahel sera divisé par deux, à 2.500 hommes en fin d'année.

La France n'avait pas intérêt à rester engagée longtemps au Mali au vu du coût humain et financier , de la « fatigue » de l'opinion publique française et de la montée d'un ressentiment local. On estimait toutefois à Paris jusqu'à l'an dernier, et en privé encore aujourd'hui, que le départ de l'armée française ouvrirait la voie aux djihadistes en raison de la faiblesse au combat de l'armée malienne, malgré l'assistance en armes, formation et argent occidental dont elle avait bénéficié.

Alain Antil, spécialiste du Sahel à l'Institut français des relations internationales (Ifri), estime que cette intervention a montré « les limites des grosses opérations, avec beaucoup d'hommes, beaucoup de présence sur le terrain et beaucoup de visibilité politique ». Le commandant de l'opération Barkhane, le général Laurent Michon, estimait pour sa part récemment auprès de l'AFP : « Nous allons vers davantage d'opérations de coopération, conditionnées de façon plus stricte aux demandes des pays africains, qui viendront en soutien de et non pas à la place de ».

Une quarantaine d'interventions en Afrique

La France est intervenue militairement à une quarantaine de reprises en Afrique depuis l'indépendance de ses colonies en 1960, au nom de la protection des populations civiles, ou de l'application d'accords bilatéraux de défense. Son armée constitue aussi, en collaboration avec des Etats-Unis très impliqués dans le renseignement aérien, un élément moteur d'opérations aux côtés de troupes africaines, occidentales ou de l'ONU contre les terroristes dans la bande du Sahel (« bordure », en arabe).

Les djihadistes, au nombre d'environ 2.000 mais très mobiles et se fondant dans un paysage désertique, font régner l'insécurité dans une zone grande comme l'Europe, notamment au Mali, au Niger, en Mauritanie, au Burkina Faso et au Tchad. Ce qui est, depuis une vingtaine d'années, rien de moins que la guerre « la plus vaste et sableuse du monde »...

 

Vu de Bamako. 

Le retrait de Barkhane laisse le Mali encore plus isolé

https://www.courrierinternational.com/

Comme prévu, l’armée française a achevé le 15 août son retrait du Mali, largement poussée dehors par la junte au pouvoir. Mais la presse malienne, à l’instar de “L’Alternance” repris sur le portail de “Maliweb”, s’inquiète déjà de l’isolationnisme du pays et de la mainmise croissante de la Russie.

Pendant que nombre de Maliens applaudissent chaleureusement l’assainissement du pays des “parasites”, qui n’auraient d’autre agenda que de plonger le Mali dans l’abîme, les esprits les plus sceptiques se gardent de s’enflammer et, surtout, s’interrogent sur l’aboutissement de tout ce déchaînement de populisme et de nationalisme.

De plus en plus, le pays s’isole à un rythme effréné. Outre Barkhane, Takuba et les missions européennes, c’est désormais la Minusma [Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali] qui serait en ligne de mire. La paranoïa s’installe au sein des masses populaires. Tout le monde serait contre le Mali et voudrait empêcher la marche du pays vers une réelle indépendance.

Le Mali serait en train de se débarrasser de tous les alliés officiels qu’il avait dans sa lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Selon les tenants actuels du pouvoir, ces alliés, avec à leur tête Barkhane, plutôt que d’être la solution au problème, seraient devenus le facteur qui aggravait la situation sécuritaire. Le discours du Premier ministre, Choguel Maïga, à la tribune des Nations unies [en septembre 2021], qualifiant l’attitude des forces françaises au Mali d’abandon en plein vol, aura fait vibrer la fibre nationaliste chez beaucoup de Maliens. Plus tard, le pays cherchera officiellement le départ de Barkhane.

Se sont ensuivis ceux de la force EUTM [Mission de formation de l’Union européenne au Mali, créée en 2013] et de Takuba [force opérationnelle composée d’unités issues des forces spéciales de plusieurs pays de l’Union européenne, créée en 2020 et dissoute en 2022].

“Tout pour l’Est et rien pour l’Ouest”

Ainsi, le Mali se retrouve, du moins officiellement, quasiment sans véritables alliés dans sa guerre. La présence d’un groupe de mercenaires russes [Wagner] sur le sol malien, bien que reconnue par le président Vladimir Poutine et, avant lui, par le chef de l’Africom [commandement américain pour l’Afrique] et le chef d’état-major français, est jusqu’à maintenant niée par les autorités de la transition.

Le seul allié de poids que le pays ait, semble-t-il, reste sa coopération avec la Russie, qui ne cesse de multiplier les livraisons d’armes et d’équipements militaires. Chaque livraison fait l’objet d’une communication soyeuse afin de montrer certainement au peuple malien que le travail s’accomplit plutôt bien.

Cependant, la récente suspension par l’Allemagne de ses opérations militaires dans le cadre de la Minusma, après que le pays a pour une seconde fois refusé une autorisation de survol, a tout de même de quoi inquiéter. C’est quand même les hélicoptères allemands qui ont évacué les soldats maliens blessés à l’issue de la bataille de Tessit [le 7 août, au cours de laquelle 42 soldats maliens ont été tués]. L’Allemagne aurait vécu cette interdiction comme de l’ingratitude.

La position actuelle du Mali est-elle tout pour l’Est, rien pour l’Ouest ? Est-ce là la monnaie de la pièce qu’octroie en ce moment la Russie, à savoir de se débarrasser de tout allié occidental ? Ou est-ce tout simplement la conviction profonde des dirigeants actuels [parvenus au pouvoir à la suite d’un coup d’État militaire] que c’est là la bonne solution pour faire sortir le pays de l’ornière ?

Quelques hypothèses

La situation est des plus délicates, surtout que le front terroriste ne cesse de monter en puissance ces derniers mois. Tout haut, des Maliens crient au complot et dénoncent la main invisible de puissances étrangères derrière ces attaques car, tout simplement, les dirigeants auront pris leurs responsabilités. Tout bas, d’autres accusent la politique en cours du moment, qui consisterait à agiter le drapeau du nationalisme à tout-va, à toujours accuser l’autre des échecs essuyés et à enjoliver la situation alors que la réalité serait tout autre.

Les plus sceptiques poussent leur raisonnement au point de se demander si le Mali ne serait devenu qu’un pion de choix pour la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine, dans laquelle nombre de puissances occidentales sont impliquées. Et ce alors que le Mali se trouve globalement dans une zone présentée historiquement comme la chasse gardée de la France.

Le deal serait le suivant. En échange de garantir la stabilité du pouvoir aux dirigeants de la transition, le pays des tsars leur aurait intimé de se débarrasser de toute présence occidentale. Et comme la matière militaire est leur compétence par excellence, assurance leur a été donnée que la lutte contre le terrorisme, grâce à leur soutien et peut-être aussi aux mercenaires, serait gagnée. Sauf qu’il semblerait que le deal était trop beau pour être vrai, en tout cas, pour le moment.

Une chose semble logique cependant, la présence russe, comme celle des militaires au pouvoir, s’inscrit dans la durée. Des décisions d’envergure ont été prises et elles ne peuvent se défaire aussi simplement. Pour la présence militaire, elle peut l’être par l’accès à la magistrature suprême par le biais d’élections, mais aussi, de manière plus insidieuse, dans l’ombre d’un président de la République qui aura, lui aussi, conclu un deal. Celui d’être, quelque part, guidé par les militaires qui seront dans l’ombre. Un peu comme c’est le cas du moment, avec la Russie qui guiderait avec insistance certaines décisions du pouvoir de la transition.

Évidemment, tout cela relève du domaine des hypothèses. Nul ne saurait connaître ce qui se passe dans les méandres du pouvoir à moins d’en faire partie. Mais, dans les mois ou années à venir, la vérité se montrera.

Ahmed M. Thiam

 

 

 

 

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