Lu pour vous
Marianne
L'aggravation de la faim dans le monde résulte de conflits régionaux ou internationaux et des échecs structurels des systèmes agricoles, de santé, etc. Il ne s'agit pas d'expliquer comment résoudre la faim dans le monde avec des milliards, mais d'ouvrir la voie vers une solution anticonformiste, écologique, résiliente et durable avec la participation des milliardaires.
Les milliardaires ont la plus grande part dans la croissance. Au niveau mondial, les milliardaires ont capté une part très importante de la croissance au cours des dernières décennies : le 1 % le plus riche a accaparé 38 % de toutes les richesses supplémentaires accumulées depuis 1995. Pour la même période, les 50 % les plus pauvres n'en ont capté que 2 %. Il serait souhaitable de rééquilibrer par la redistribution cette inégalité qui provient en grande majorité de la répartition de cette richesse. Selon OXFAM, la fortune des milliardaires a davantage augmenté en 19 mois de pandémie qu’au cours de la dernière décennie, pendant que les personnes les plus pauvres du monde sont aux prises avec la flambée des prix et l'augmentation de la dette. Pour la France, les inégalités de richesse ont été fortement réduites à partir de la Seconde Guerre mondiale. Mais depuis la crise de 2008, le niveau de vie médian après la redistribution stagne. Pour finir, les inégalités se retrouvent aujourd'hui au niveau de 1990.
L'échec du plan de l'ONU de 2015
Selon l'ONU en 2015, on pouvait éradiquer la faim dans le monde d'ici 2030. Mais uniquement au prix d'un investissement de 267 milliards de dollars par an pendant les 15 prochaines années. C'est un objectif qui semble de moins en moins atteignable. « Le monde s'éloigne de son objectif d'éliminer la faim, l'insécurité alimentaire et la malnutrition sous toutes ses formes d'ici 2030 », prévient la FAO, en référence à l'objectif de développement durable de l'ONU « Faim Zéro ». Comme en 2015, quelque 670 millions d'humains devraient toujours en souffrir d'ici la fin de la décennie. La guerre en Ukraine n'a rien amélioré à la situation de la famine dans le monde. « Si nous avions réussi à faire ce travail dans le passé, la guerre n'aurait pas eu un impact aussi catastrophique aujourd'hui », a regretté lors de son intervention le directeur du Programme alimentaire mondial.
« L'ensemble des milliardaires dispose désormais d'une richesse suffisante pour le faire. »
L'ensemble des milliardaires doivent participer. Selon Forbes, dans le monde aujourd'hui, il y a 2 668 milliardaires avec une richesse estimée à 12 700 milliards de dollars. 2 % de cette richesse produiraient un flux de 254 milliards de dollars par an, soit un montant suffisant pour éradiquer l'extrême pauvreté pour l'ensemble des 670 millions de personnes dans le monde vivant en dessous du seuil international de 1,90 dollar par personne et par jour. Une contribution de 2 % des milliardaires du monde fournirait les ressources nécessaires pour mettre fin à l'extrême pauvreté aujourd'hui. En octobre 2021, Elon MUSK a répondu au directeur exécutif du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) : « Si le PAM peut décrire sur Twitter exactement comment 6 milliards de dollars résoudront la faim dans le monde, je vendrai des actions Tesla tout de suite et je le ferai. » Elon Musk à lui tout seul, même s'il le fait, n'est pas capable de résoudre toutes les difficultés, mais l'ensemble des milliardaires dispose désormais d'une richesse suffisante pour le faire.
Comment ? Le tout c'est de comprendre le secret de la collecte de fonds auprès des milliardaires. Il faut des « perspectives » très positives. Quand on est aussi riche, on ne parle plus de privation personnelle pour 2 % de sa fortune.
Une question de volonté
Les États doivent changer leurs règles et lois relatives au mécénat. Nous pensons tous que les milliardaires font des dons parce qu'il y a des avantages fiscaux, qu'ils transmettent des exemples à leurs enfants où le fait de donner favorise le bonheur. Peut-être mais ce n'est pas souvent le cas. À peine un cinquième de l'argent mondial donné par les milliardaires va aux pauvres. Pour la France d'après France générosités, 37 % vont à la protection de l'enfance, 27 % vont à la pauvreté et 26 % à la recherche médicale. Mais aux États-Unis, une grande partie va aux arts, aux équipes sportives, ensuite à la santé et autres mécénats. Une autre hypothèse selon laquelle la philanthropie entraîne automatiquement une redistribution de l'argent est aussi fausse. Une grande partie de ces dons concerne des causes d'élites. Nous remarquons que la philanthropie est devenue une expression de pouvoir. Certains milliardaires s'attachent à résoudre des problèmes qui ne sont pas considérés comme une priorité pour l'ONU ou pour les États. Si les États et surtout les Occidentaux souhaitent éradiquer la famine dans le monde et éviter l'immigration déclenchée par la faim, il serait temps de modifier leurs règles de réduction d'impôts et les lois relatives au mécénat.
« Il faut que les milliardaires s'intéressent aux pays les plus fragiles. »
Face à la Chine et à la Russie le G7 doit débloquer en urgence les ressources et préparer l'avenir. Selon la Banque mondiale, la guerre en Ukraine plongerait cette année 95 millions de personnes supplémentaires dans l'extrême pauvreté et 50 millions dans la faim sévère. Dans cette urgence il ne faut pas attendre le bon vouloir des milliardaires comme le fait l'ONU. Comme pour les infrastructures, chaque pays du groupe G7 (PIB : 35 870 Md€) peut et doit augmenter son budget annuel de 2 % du PIB sur 5 ans, soit environ 717 milliards de dollar, pour apporter le soutien nécessaire. Il faut rappeler que résoudre la famine dans le monde ne consiste pas à avoir simplement de la nourriture mais avoir un accès constant à une nourriture suffisante, sûre et nutritive. La nourriture doit être cultivée d'une manière écologique, durable et locale si possible. Elle dépend d'un changement global des systèmes de santé, d'énergie et d'infrastructure.
Il faut que les milliardaires s'intéressent aux pays les plus fragiles. Le bon équilibre serait une intervention conjointe des gouvernements nationaux et des milliardaires avec de nouveaux instruments et plateformes de financement capables d'atténuer les risques et de déclencher des apports de capitaux sur les marchés agricoles difficiles, sur la santé et les transports, le tout via des entreprises locales avec une approche écologique et durable. Les nouvelles plateformes doivent être régulées et garanties par les autorités des pays du G7. Les entreprises locales doivent être agréées pour fournir le service de conseil en investissement et d'assistance. L'exemple de la Chine est une source d’enseignements pour les pays pauvres. Depuis 1986, la Chine a constitué plusieurs fonds spéciaux de lutte contre la pauvreté sur son territoire. Ces fonds sont axés sur le développement, avec un début d'investissement des occidentaux en Chine à partir de 1990. Ce n'est que fin 2020, qu'elle a officiellement annoncé pour la première fois de son histoire, sa sortie de l'extrême pauvreté. La Chine comptait fin 2021 992 milliardaires.
Il y a encore beaucoup de possibilités pour s'enrichir, en respectant la nature tout en faisant du bien. Mais « il ne suffit pas de faire le bien, il faut encore bien le faire », comme l'écrivait Denis Diderot.