S. Baïpo Témon (RCA): «En cas de renouvellement de la Minusca, il faut mettre l'accent sur l'efficacité»
À New York, le Conseil de sécurité des Nations unies se réunit ce vendredi 12 novembre 2021 pour débattre et voter sur le renouvellement de la Minusca, la mission des Nations unies en Centrafrique. Ce vote intervient dans un contexte tendu, deux semaines après que des éléments de la garde présidentielle ont ouvert le feu sur un bus des Nations unies, blessant 10 policiers égyptiens. Une jeune fille a également perdu la vie dans cet incident. Contexte tendu également entre la RCA et ses partenaires internationaux, qui dénoncent l’emprise de la société militaire privée Wagner sur le pays, où ses hommes sont accusés de graves violations des droits de l’homme. Relations tendues encore avec ses voisins, qui abritent les principaux leaders des groupes armés en activité dans le pays. Sylvie Baïpo Témon, ministre centrafricaine des Affaires étrangères, est l’invitée de RFI. Elle détaille la position du gouvernement sur le renouvellement du mandat de la Minusca, dont elle juge assez sévèrement le bilan.
RFI : Aujourd’hui, le Conseil de sécurité de l’ONU doit voter le renouvellement du mandat de la Mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca). Le gouvernement souhaite-t-il que ce mandat soit renouvelé, abrogé ou modifié ? La Minusca doit-elle restée en Centrafrique ?
Sylvie Baïpo Témon : Nous sommes toujours dans une situation difficile et assez préoccupante. Donc, nous avons besoin d’appui pour retrouver la paix et la sécurisation du pays, de la République centrafricaine. Donc, dans ces termes-là, la République centrafricaine a besoin des appuis au niveau de la communauté internationale, tant au niveau multilatéral qu’au niveau bilatéral. Si renouvellement il doit y avoir, il faut mettre l’accent sur l’efficacité parce que, effectivement, nous avons une opération de maintien de la paix qui est là depuis 2013, mais nous avons aussi vu que fin 2020, une nouvelle rébellion se créait et arrivait jusqu’aux portes de la République centrafricaine. Donc, dans ces cas-là, il faut absolument se poser pour voir ce qu’il nous faut améliorer, ce qui n’a pas marché, comment on peut travailler mieux parce que, aujourd’hui, la durée de rétablissement de la paix en République Centrafricaine crée un certain nombre de frustrations.
Il y a deux semaines, la garde présidentielle devant la résidence du chef de l’État ouvrait le feu sur un bus des Nations unies blessant dix policiers égyptiens qui étaient désarmés. Le bus dans sa fuite a percuté une jeune femme qui est décédée par la suite. Où en est-on actuellement de cette affaire ?
La République centrafricaine va remettre un rapport aux Nations unies. Un incident malheureux qui n’aurait pas dû avoir lieu si l’ensemble des procédures avaient été respectées. Nous avons un accord de siège, justement qui nous lie à la Minusca. Cet accord de siège, dans son article 12, précise que les déplacements de personnels, de bagages, de matériel autre, doit être avisé auprès du ministère des Affaires étrangères afin que des dispositions soient prises.
La Minusca a demandé une autopsie du corps de la victime. Pourquoi n’a-t-elle pas été réalisée ?
La demande a été faite tardivement. C’est une jeune fille qui appartient à une famille, la famille a pris des dispositions autres. Elle n’a pas été tenue informée d’une volonté de vouloir faire une autopsie. Donc, il faut juste respecter cette mémoire et respecter la volonté de la famille.
Au début de ce mois, les autorités tchadiennes ont confirmé sur RFI la présence à Ndjamena de l’ancien président François Bozizé qui a depuis pris la tête de la rébellion de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) l’an dernier. Cette présence dans ces pays voisins, est-ce qu’elle vous inquiète, est-ce qu’elle vous semble plus de nature à ramener la paix, est-ce qu’elle représente une menace ?
L’idéal, ce serait de pouvoir mettre la main sur ces… parce qu’un criminel, c’est un criminel. Il faut passer par la case justice. Si d’autres solutions sont proposées au nom de la paix par les organisations sous-régionales, dans ce cas-là, il faut qu’elles aillent jusqu’au bout de cela et qu’elles soient explicitées de manière claire aux autorités centrafricaines, mais également à l’opinion nationale et internationale.
La Centrafrique connaît actuellement de graves difficultés économiques. Le Fonds monétaire international (FMI) refuse encore de signer le nouveau programme. Quelles sont aujourd’hui les exigences des bailleurs de fonds ?
C’est toujours le même sujet : la présence de mercenaires, la présente de sociétés privées. On nous accuse d’avoir signé avec une société privée de mercenaires. Qui du gouvernement centrafricain a signé ? Quand on signe quelque chose, il y a quelqu’un qui signe. Quelle est cette personne qui a signé ? Tous les pays occidentaux, les grandes puissances ont des sociétés privées. Aujourd’hui, ce qui est important, c’est que nous soyons ensemble, solidaires, face à l’ennemi commun qui sont les groupes armés.
Paris a récemment bloqué son aide budgétaire et certains de ses programmes en raison, selon le quai d’Orsay, de campagnes anti-françaises qui seraient menées par la Russie en Centrafrique, c’était il y a déjà six mois. Où en est-on aujourd’hui ? Est-ce que le dialogue est rompu entre Bangui et Paris ?
Le dialogue n’est pas rompu, en tout cas, pas par la partie centrafricaine parce que toutes les décisions qui ont été prises par la partie française ont été faites de manière unilatérale. Quelle campagne anti-française ? Est-ce qu’un ressortissant français a été enlevé, a été martyrisé, a été torturé ? Il y a eu des appels à manifestations sur les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux, ce n’est pas la réalité des choses. Est-ce que cette manifestation s’est réellement passée en République centrafricaine ? Non. Donc, acceptons de travailler ensemble.