Centrafrique : l’Onu met en garde contre tout report des élections locales
L’émissaire de l’ONU en Centrafrique, Mankeur Ndiaye, a mis en garde contre « tout retard ou la non-tenue » des élections locales, lundi 18 octobre, lors d’une réunion du Conseil de sécurité au cours de laquelle Paris et Moscou ont échangé des propos tendus sur les paramilitaires du groupe privé russe Wagner.
Les dernières élections locales remontent à 1988, a rappelé Mankeur Ndiaye lors de cette réunion. Et le nouveau scrutin, attendu en septembre 2022, doit représenter « le fruit d’un compromis politique majeur qui sous-tend l’équilibre critique du régime de partage des pouvoirs consacré par l’accord politique pour la paix et la réconciliation » de février 2019, a relevé l’émissaire : « Il en résulte que tout retard ou la non-tenue de ces élections exposerait l’intégrité de l’accord à des risques de remise en cause du processus de paix. »
Après le cessez-le-feu décrété unilatéralement vendredi par le président Faustin-Archange Touadéra, son projet de « dialogue républicain inclusif » constituera une nouvelle étape pour la stabilité du pays, a estimé M. Ndiaye : « La classe politique et la société civile ont un rôle à jouer, avec le gouvernement et le soutien de la communauté internationale, pour promouvoir l’appropriation nationale de ce processus combien important dans la quête de solutions politiques durables vers la paix, la stabilité, la sécurité et la réconciliation nationale. »
Sur l’aspect sécuritaire, la France juge que « la présence de Wagner en Centrafrique est profondément déstabilisante », selon l’ambassadrice adjointe Nathalie Broadhurst. « Elle constitue un facteur de guerre et non pas un facteur de paix », a-t-elle insisté, évoquant les accusations d’exactions commises contre des civils. « Wagner profite de surcroît de sa position pour se livrer à une prédation organisée des ressources naturelles. C’est pourtant à l’économie centrafricaine que ces ressources devraient bénéficier », a-t-elle ajouté.
« Pratiques néocoloniales »
Auparavant, le président centrafricain, en liaison vidéo avec le Conseil de sécurité, avait au contraire transmis les « remerciements » de son peuple à l’égard des pays ayant fourni des « forces bilatérales » à Bangui. « L’arrivée des forces bilatérales nous a permis de réajuster nos options sécuritaires […] et d’optimiser la protection des populations civiles », a-t-il assuré, sans citer la société privée Wagner et en se félicitant d’une « complémentarité » des forces sur le terrain (onusiennes, rwandaises, russes).
« Les instructeurs russes ne participent pas aux actions militaires », a une nouvelle fois affirmé l’ambassadrice russe adjointe, Anna Evstigneeva : « Ils améliorent le professionnalisme des forces armées centrafricaines et des forces de l’ordre. Grâce à cela, la situation militaire s’est stabilisée. » Dénonçant un « ton hautain » des partenaires de la Russie au Conseil de sécurité, elle a estimé que « les pratiques néocoloniales n’ont pas leur place, pas plus que le chantage économique », dans le monde contemporain.
L’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a de son côté espéré que le cessez-le-feu récemment décrété mettrait un terme aux exactions dont sont accusés les paramilitaires russes. Elle a demandé à Moscou d’engager des poursuites contre les ressortissants russes qui pourraient être impliqués dans ces exactions.
La Centrafrique est le théâtre d’une guerre civile depuis 2013, qui a cependant considérablement baissé d’intensité depuis trois ans.
Source: le Monde
Présentation du rapport de la Minusca : Mankeur Ndiaye sans langue de bois.
https://www.dakaractu.com/ Mardi 19 Octobre 2021
Lundi 18 octobre, Mankeur Ndiaye a présenté le rapport du secrétaire général des Nations-Unies en République Centrafrique où il le représente en tant que chef de la Minusca. Devant les membres du Conseil de sécurité, le diplomate sénégalais a diagnostiqué la situation sécuritaire, humanitaire et n’a pas ménagé les missionnaires de l’ONU.
À son avis, en parachevant les élections présidentielles et législatives dans un contexte sécuritaire complexe, et en mettant en place un gouvernement le 23 juin, la République centrafricaine a franchi un palier non négligeable vers la stabilité institutionnelle.
Cependant, il exhorte les autorités à organiser les élections locales qui « en plus d’être un rendez-vous démocratique pour une gouvernance inclusive, constituent le fruit d’un compromis politique majeur qui sous-tend l’équilibre du régime de partage des pouvoirs consacré par l’accord politique pour la paix et la réconciliation. »
Tout retard ou non tenue de ces élections exposerait l’intégrité de cet accord à des risques de remise en cause du processus de paix, redoute le représentant spécial du secrétaire général des Nations-Unies en RCA.
Le chef de mission onusienne en RCA s’est félicité des progrès faits par le président Faustin Archange Touadera dans le sens du retour de la paix. Parmi ces efforts, la déclaration de cessez-le-feu du 15 octobre avec les groupes rebelles constitue la Coalition des patriotes pour le changement (CPC).
Il n'empêche, Mankeur Ndiaye attire l’attention du Conseil des Nations-Unies sur la subsistance des défis sécuritaires dans certaines parties du territoire avec les opérations militaires en réponse aux agissements des groupes membres de la CPC.
« Ainsi, avons-nous assisté, particulièrement dans l’ouest et le centre du pays aux déplacements de la population et des tensions entre les communautés. De plus, certains groupes armés ont tenté de reconquérir leurs anciens bastions au nord-ouest, au centre et au sud-est du pays avec les conséquences que l’on sait sur les populations civiles, premières victimes de ces violences y compris une hausse des violences des droits de l’homme et autres manquements au droit international humanitaire », diagnostique le diplomate sénégalais.
Il encourage à cet effet « le gouvernement à donner aux conclusions de la commission d'enquête spéciale sur les violations des droits de l’Homme, mise en place le 4 mai 2021, la suite judiciaire qui en découle ».
Au chapitre de la crise humanitaire, il fait remarquer : « Le nombre de déplacés internes demeure à un niveau sans précédent depuis 2014 et 63 % de la population, soit une estimation 3,1 millions de personnes, ont besoin d'une protection et d'une assistance humanitaire d’urgence. Il en résulte un besoin de financement du plan de réponse humanitaire dont le budget n’est couvert qu’à hauteur de 60 % si l’on veut fournir une assistance vitale à 1,84 million de personnes et éviter une érosion du tissu social qui nuirait inévitablement aux efforts de paix et de stabilité ».
« Au rang de nos défis émergents, continue de figurer la persistance des violations de l’Accord de siège, avec 41 violations documentées entre le 1er juin et le 1er octobre », renseigne le représentant du secrétaire général des Nations-Unies en République centrafricaine. Selon Mankeur Ndiaye « ce défi n’est pas insurmontable ».
« Pour cette raison, nous n’avions cessé le dialogue avec le Gouvernement afin d’y apporter des solutions définitives, car de telles violations affectent négativement la confiance, le partenariat et la cohabitation pacifique requis entre les forces conventionnelles, les autorités nationales et la MINUSCA », rappelle Mankeur Ndiaye.
Le chef de la Minusma a aussi tenu à « déplorer la résurgence d’incidents relatifs à l’exploitation et Abus sexuels ». Conscient des incidences de tels actes sur la mission de maintien de la paix, le secrétaire général des Nations-Unies a instauré une politique de tolérance zéro pour répondre aux exploitations et abus sexuels centrés sur les victimes. Une politique que le sénégalais affirme conduire personnellement en ce moment en Centrafrique.
Mais il ne compte pas moins « sur les membres du Conseil de sécurité et sur les pays contributeurs de troupes et de personnel de police pour mettre fin à ce fléau par l’observation stricte des obligations qui nous incombent de part et d’autre ».
En septembre dernier, le contingent gabonais de la Minusca a été rapatrié suite à des allégations d’abus sexuels. En 2016, des cas similaires ont été relevés parmi les casques bleus burundais et marocains.
Ce pays d’Afrique centrale est confronté à un cycle de violence rebelle depuis le coup d’État contre François Bozizé en 2013.