Centrafrique: «Le prolongement du mandat du président est une spéculation politicienne»
http://www.rfi.fr/ 30/04/2020 - 08:47Carine Frenk
En Centrafrique, l’Autorité nationale des élections a confirmé hier la date du 27 décembre pour le premier tour de la présidentielle et des législatives. Mais si ces élections venaient à être repoussées de plusieurs mois en raison de la situation sanitaire ou sécuritaire, le président Touadéra pourrait-il assurer son propre intérim ? La question reste entière. Un projet d’amendement de la Constitution porté par des parlementaires est sur la table du gouvernement. Mardi, l’ancien président François Bozizé a mis en garde le pouvoir contre une telle modification, sur RFI. Aujourd'hui, Firmin Ngrebada, le Premier ministre, lui répond.
RFI : François Bozizé se prononce très clairement contre une éventuelle prolongation du mandat du président Faustin Archange Touadéra. « C’est contraire à la Constitution, c’est une provocation, un risque pour la stabilité du pays », dit-il. Que lui répondez-vous ?
Firmin Ngrebada : Mais qui a parlé du prolongement du mandat du président Faustin Archange Touadéra. A ce que je sache, le président de la République travaille pour tenir le délai prévu par la Constitution. Et le chronogramme établi par l’Autorité nationale des élections respecte ces données. Et j’ai reçu l’instruction du président de la République d’engager le gouvernement à travailler dans ce cadre-là. Donc, la question du prolongement du mandat du président de la République n’est qu’une spéculation politicienne. Cela ne vient pas de lui.
Mais ces « spéculation », comme vous dites, émanent d’une proposition de loi des députés de la majorité présidentielle notamment…
Ce sont des préjugés que les personnes de mauvaise intention véhiculent. L’initiative parlementaire ne vient pas que des députés de la majorité. Cela vient aussi des députés de l’opposition et d’autres composantes de l’Assemblée nationale. Les parlementaires donc ont pris cette initiative. Mais pour autant, cela ne veut pas dire que le président de la République en est l’auteur et qu’il veut absolument appliquer un glissement. Alors la question étant soumise à l’analyse du gouvernement, nous allons aviser.
Et est-ce que le gouvernement soutient cette initiative ?
Le gouvernement travaille en collégialité. Nous allons nous prononcer sur la question et notre position sera rendue publique.
Faut-il comprendre les propos du président François Bozizé comme une mise en garde ?
(rires) Mais l’ancien président Bozizé ne peut mettre en garde personne. Pour nous, l’ancien président Bozizé est un citoyen centrafricain qui est rentré d’exil, qui a en face de lui des institutions légitimes. Et je ne comprends pas qu’un citoyen ordinaire puisse mettre en garde des autorités légitimes. Au nom de quoi il le ferait ?
Alors François Bozizé n’a pas encore officialisé sa candidature. Mais il assure que rien ne l’empêche d’être candidat. Etes-vous d’accord ?
L’ancien président François Bozizé est un citoyen centrafricain. Donc à ce titre, il est libre de présenter sa candidature. La validation des dossiers de candidature ne relève pas de la compétence du gouvernement, mais de l’Autorité nationale des élections et de la Cour constitutionnelle. Mais pour notre part, nous pouvons affirmer qu’aucun candidat ne sera exclu de façon arbitraire.
Y a-t-il un mandat d’arrêt contre lui ?
Il y a un mandat d’arrêt déféré contre l’ancien président Bozizé depuis le 31 mars 2014 pour « assassinats, arrestations et séquestrations arbitraires, enlèvements, exécutions sommaires et extrajudiciaires ». Donc, il s’agit d’un dossier de justice. Et présentement, je n’ai pas de commentaires à faire puisqu’il s’agit d’une affaire de justice. Toujours est-il que tôt ou tard la justice passera.
« C’est ma popularité qui dérange », assure-t-il. Est-ce que la popularité de François Bozizé inquiète le président Faustin Archange Touadéra ?
Ah bon ! (rires) Il affirme être populaire. Je pense que c’est lui qui le croit. Les Centrafricains gardent à l’esprit les conditions dans lesquelles le président Bozizé est parti de ce pays et la tragédie qu’ils ont vécue après son départ ! Le pays a été abandonné. Il y a eu des morts. Par la faute de qui ? Les Centrafricains n’ont pas oublié cela. Donc, la question de la candidature du président Bozizé ne hantent la nuit de personne. Cela n’inquiète personne.
Pourquoi dans ce cas avoir envoyé à son domicile des militaires ?
Personne n’a attaqué la résidence de l’ancien président Bozizé. Depuis le retour du président Bozizé au pays [décembre 2019], il a été même reçu par le président de la République. Pourquoi est-ce qu’il ne l ‘a pas arrêté à l’occasion de la visite qu’il lui a rendue à la présidence de la République ? A ce que je sache, rien n’oppose le président Touadéra au président Bozizé. Mais ce qui se dit, Bozizé par-ci, Bozizé par-là, n’est que le fruit de l’imaginaire de ceux qui font circuler ces mauvaises informations et fausses nouvelles.
Craigniez-vous certaines velléités de sa part ?
Nous connaissons le président Bozizé comme un homme de paix. C’est quelqu’un qui aime beaucoup son pays. Donc, nous n’imputons pas au président Bozizé des velléités guerrières ou des velléités de déstabilisation. Mais que ceux qui l’entourent aussi s’assagissent. Il ne faut pas promouvoir des idées qui ne permettent pas la stabilité, la cohésion des Centrafricains. Le vœu du président de la République aujourd’hui est de faire en sorte est que nous veillons à une élection aux résultats justes, équitables et transparents. Ce qu’il faudrait éviter, ce sont toutes les supputations politiciennes que nous observons aujourd’hui et qui sont de nature à créer un climat qui ne soit pas propice à la sérénité qui devrait donc sous-tendre l’organisation de ces prochaines élections.