Centrafrique : Les leaders religieux et la classe politique appellent à l’unité suite au pillage de la mosquée de Ngaragba
PAR JEAN FERNAND KOENA LE 5 MAI 2018
BANGUI, 5 Mai 2018(RJDH)—Plusieurs voix se sont élevées contre le pillage hier de la mosquée de Ngaragba dans le 7e arrondissement de Bangui. Parmi ces voix, Omar Kobine Layama, Dieudonné Nzapalainga et la classe politique centrafricaine qui appellent à l’unité.
Le pillage de cette mosquée par des jeunes incontrôlés du secteur intervient après celle de Lakouanga dans le 2e arrondissement suite au regain de violence déclenché le 1er mai avec l’attaque des groupes armés contre la paroisse Notre Dame de Fatima. Les lieux de culte sont sacrés et les Centrafricains ne doivent pas céder à la manipulation. C’est la substance des messages distillés çà et là.
Ces jeunes, selon les informations auraient réagi en représailles suite au décès d’une femme du secteur, blessée lors de l’attaque de Fatima et qui a succombé ce 4 mai. L’annonce de sa mort serait le déclencheur de cet acte que plusieurs autorités locales du secteur dénoncent.
Le président de Comité Islamique de Centrafrique l’Imam Omar Kobine Layama joint par le RJDH a regretté le pillage et appelle les Centrafricains à l’unité. «J’éprouve un regret par rapport aux conséquences de cet acte que ces jeunes ont posé. On ne peut pas faire la guerre contre Dieu ; la mosquée tout comme la chapelle ou les églises appartiennent à Dieu et non à une personne. Le pays est déjà par terre, qu’on ne donne pas raison à ceux qui veulent diviser notre pays, les ennemis de la paix. Que l’on ne leur donne pas des occasions en posant de tels actes. Je lance cet appel pour que l’on ne touche pas à une église ni à une maison de Dieu. Nous appelons à l’unité nationale» a-t-il dit.
L’Archevêque de Bangui, le Cardinal Dieudonné Nzapalainga, lors d’une visite après le pillage a condamné l’acte porté contre un lieu de culte «nous avons constaté avec désolation qu’un lieu de culte a été détruit; il s’agit de la mosquée de Ngaragba, symbole de la cohésion sociale, puisque beaucoup de chrétiens et musulmans se sont mis ensemble pour la construire. Je voudrais ici saluer le courage des jeunes qui ont voulu résister mais qui n’ont pas pu contenir la furie de ceux qui ont détruit cette mosquée», a-t-il indiqué.
Cette destruction des lieux de culte a eu droit de cité dans le débat politique lors de l’interpellation du premier ministre. André Nalké Dorogo appelle les religieux à rester unis. «Au-delà de la douleur, le groupe parlementaire URCA encourage tous les religieux du pays qu’ils soient prêtres, imams ou pasteurs à demeurer plus que jamais unis et solidaires dans leur rôle d’artisans du vivre ensemble», a-t-il souhaité.
Le premier ministre Simplice Mathieu Sarandji a, dans son intervention, critiqué l’idée tendant à faire croire que la crise est confessionnelle. «Il ne faut pas vous tromper de combat ; ce n’est donc pas vrai qu’on vous dise que cette crise est confessionnelle. Ceux qui veulent diviser notre pays utilisent ça comme un moyen pour nous diviser. Il faut être prudent et ne pas céder à cela », a-t-il ajouté.
Plusieurs personnalités politiques ont aussi condamné les attaques contre les lieux de culte. Bangui a connu un regain de violence depuis le 1er mai, occasion pour ceux qui arrosent les fleurs de la mort d’attiser un conflit identitaire déjà repoussé par une bonne partie de la population.
Centrafrique : Les réseaux sociaux inondés d’incitation à la haine et fausses nouvelles
PAR FLEURY AGOU LE 5 MAI 2018
BANGUI, 5 mai 2018 (RJDH)–Depuis l’attaque de l’église Notre Dame de Fatima qui a fait des morts et les représailles à Bangui, les réseaux sociaux sont devenus un espace d’incitation à la haine. Ces messages postés sont condamnés par les autorités et l’association des blogueurs, malheureusement que le secteur des médias en ligne n’est pas encadré par une loi.
Les images, vidéos, discours haineux et les fake news continuent d’empester les réseaux sociaux, surtout Facebook. Des centrafricains trouvent un moyen d’inciter à la vindicte. Certains postent des photos de tuerie pour leur scoop ou font du sensationnel et cela est repris par de grandes chaines internationales qui se reconnaîtront à travers ses lignes.
Hier une photo présumée être le corps d’un centrafricain au Sénégal, assassiné en représailles des leurs lynchés mutilés à Bangui a été postée sur Facebook. L’autre fake new est relative à la cérémonie de réconciliation entre Goula et Mbororos à Bria que des personnes rapportent que c’est la descente des Séléka sur Bangui pour créer la peur et intoxiquer. Aussi une rumeur circulant sur Facebook affirme que « deux musulmans ont été tués à l’hôpital de MSF à SICA Saïdou ». Un internaute a appelé à la vengeance après l’attaque de l’église de Fatima.
Pareil aussi pour les extrémistes de l’expression qui publient des images et vidéos qui choquent les esprits. Dans la soirée du vendredi, des publications inondaient les réseaux sociaux pour annoncer le pillage du Centre Artisanal ainsi qu’un super marché au centre-ville. Il ne s’agissait que des fausses alertes.
Ces canulars abondent sur les réseaux sociaux et sont amplifiés par des communautés qui les retransmettent en un clic. La technologie est-elle en train de bouleverser notre rapport à la vérité ?
Ces agitations extrémistes ont été dénoncées le 04 mai par le Gouvernement. « C’est le moment d’attirer l’attention de tous sur le fait que des personnes mal intentionnées lancent des fausses informations par SMS et sur les réseaux sociaux sans savoir les bonnes informations et dans le but de créer la frayeur », a prévenu le Ministre Kazagui, porte-parole du Gouvernement.
Le Haut Conseil de la Communication constate avec regret que les messages incitant à la haine et à la violence se multiplient dangereusement sur les réseaux sociaux. « Ces messages illégaux doivent cesser immédiatement, car ils compromettent les efforts allant dans le sens de la cohésion sociale et de la paix. Le HCC appelle les uns et les autres à la retenue et exhorte toute la population à respecter les lois de la République », a lancé cette institution républicaine.
Même son de cloche des blogueurs centrafricains qui dans une déclaration du 03 mai « prient aussi les utilisateurs des réseaux sociaux à la retenue et à s’abstenir de toute publication à caractère haineux ou à la diffusion d’images qui peuvent inciter à la haine ».
On note une volonté du pouvoir et autres institutions à lutter contre ce comportement délictuel, malheureusement qu’aucune loi n’encadre les médias en ligne. Pour l’heure, l’Association des Blogueurs Centrafricains (ABCA) envisage de partir en guerre contre la haine sur les réseaux sociaux.
N’est-il pas temps pour les autorités centrafricaines de réguler les médias en ligne ? N’est-il pas temps de rattraper le retard sans porter atteinte à la liberté d’expression ? N’est-il temps de mener un combat collectif contre les rumeurs et discours haineux ?
Rappelons que Facebook et Twitter ne suppriment un message qu’après avoir reçu le signalement d’un utilisateur. Que les centrafricains épris de paix signalent les messages haineux. Nous y reviendrons.