http://www.lopinion.fr/ 29 février 2016 à 09h55
L’opération militaire française Sangaris vient de remporter une belle victoire en République centrafricaine (RCA), avec la tenue de l’élection présidentielle. Repoussée à plusieurs reprises, celle-ci s’est déroulée dans le calme et a permis d’élire un candidat que personne n’attendait avant le premier tour, Faustin-Archange Touadéra, selon les résultats rendus publics le 20 février. À 58 ans, ce mathématicien et universitaire, ancien Premier ministre, s’est présenté comme le « candidat du peuple » promettant de combattre la corruption. Il triomphe largement. L’adversaire de Touadéra, Anicet-Georges Dologuélé, lui aussi ancien chef du gouvernement, a obtenu 37,29%. Il a annoncé qu’il reconnaissait les résultats provisoires annoncés par l’ANE.
Cette élection, dont les résultats définitifs doivent encore être validés, est une étape essentielle dans le retour à la paix civile de la République centrafricaine, qui a basculé dans le chaos au printemps 2013. Trois ans plus tard, une issue positive peut être espérée, comme le succès de la visite du pape François en novembre l’avait déjà montré.
Les problèmes de la Centrafrique restent toutefois immenses. Selon l’Indice de développement humain des Nations Unies, la RCA se situe au 187e rang mondial sur… 188. Des fractures ethniques et religieuses minent le pays alors que les rapports entre éleveurs transhumants et agriculteurs sont sources de violences. La classe politique n’a pas toujours donné une image très glorieuse. Que l’on se souvienne de « l’empereur » Bokassa, dont l’un de ses fils Jean Serge a obtenu 6 % au premier tour de la présidentielle.
La France n’a pas à y rougir de son action récente, notamment militaire. Déclenchée en urgence en décembre 2013, alors que se tenait un « sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique », l’opération Sangaris a permis d’éviter que la Centrafrique ne sombre complètement dans des massacres intercommunautaires notamment entre les ex-Sélékas (musulmans) et les anti-Balakas (chrétiens). Le bilan humain des violences n’a jamais été établi avec précision, mais il se compterait en milliers de morts.
Alors que l’armée française était déjà engagée au Mali depuis le mois de mars 2013, François Hollande décidait, neuf mois plus tard, d’intervenir en République centrafricaine. Dans les premiers mois, les militaires de l’ancienne puissance coloniale se retrouvent très seuls au milieu du chaos. Ce qui a poussé Paris à intervenir, c’est d’abord le spectre du Rwanda où la communauté internationale, avec la France aux premiers rangs, a laissé la situation se dégrader jusqu’au génocide de 1994. C’est aussi le succès de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire. De 2002 à 2011, l’armée française a permis d’éviter que le pays ne se disloque entre le Nord et le Sud – une crise contenue et qui a trouvé son issue avec l’élection d’Alassane Ouattara.
C’est ce dernier modèle que la France tente de rééditer en République centrafricaine (RCA) : une maîtrise de la violence à basse intensité, un processus politique aboutissant à des élections reconnues, un autre processus de désarmement des groupes armés et un passage de relais entre les militaires françaises et les casques bleus pour garantir, sur le long terme, la stabilité du pays.
Au printemps 2014, l’armée française a compté jusqu’à 2 400 militaires sur le sol centrafricain. Pour un pays plus vaste que la France, même peuplé que de 5 millions d’habitants, c’est très peu. Grâce à une manœuvre très habile, Sangaris est parvenu à sécuriser la capitale Bangui et les deux grands axes de circulation qui relie ce pays enclavé au reste du monde. L’armée s’est ensuite déployée dans l’Ouest, avant de basculer vers l’Est, même si de larges secteurs dans les confins orientaux de la RCA sont restés globalement inaccessibles.
Avec une armée très sollicitée au Sahel, au Moyen-Orient et désormais sur le territoire national, Paris est pressé de se désengager militairement de RCA. À ce jour, l’opération Sangaris a coûté environ 400 millions d’euros. En septembre dernier, les effectifs de la force n’étaient déjà plus que de 900 hommes, avec l’idée de passer rapidement à 600. Las ! Une grave flambée de violences à l’automne et la nécessité de garantir le processus électoral ont retardé le départ des troupes. Le chef d’état-major des armées ne cache pas que son objectif est de fermer complètement Sangaris, quitte à revenir en cas d’urgence depuis les bases françaises en Afrique.
La France compte essentiellement sur les Nations-Unies pour prendre le relais, avec la Minusca. C’est une importante force de casques bleus, de l’ordre de 11 000 militaires et policiers, dont de nombreux contingents africains. L’opération Sangaris, depuis le camp de M’Poko, contigu à l’aéroport de Bangui, n’agit plus qu’en appui des casques bleus. De son côté, l’Union européenne a fourni, durant un an, une petite force de quelques centaines d’hommes, venus soulagés les militaires français à Bangui. Cette « Eufor-RCA » a, depuis lors, été remplacée par une modeste mission de conseil (Eumam) pour la réforme de l’armée locale. Une tâche essentielle pour le nouveau président.